Un extrait de Modélisation et simulation moléculaires de polymères, par Armand SOLDERA
La modélisation moléculaire provient des physiciens théoriciens qui l’utilisaient pour confirmer leurs modèles théoriques. La simulation moléculaire utilise ces modèles pour tenter de représenter au mieux la réalité. Elle devient alors un outil de laboratoire à part entière. L’introduction d’interfaces graphiques, rendant l’utilisation des codes de calcul plus conviviale, ne peut à elle seule expliquer son fabuleux essor de ces dernières années. Des ordinateurs de plus en plus puissants et des modèles de plus en plus raffinés contribuent également à un tel développement.
Bien qu’employés souvent l’un pour l’autre, les concepts de modélisation moléculaire et de simulation moléculaire sont à différencier. Pour ce faire, nous considérons les définitions que donne Le Petit Robert des mots modélisation et simulation. La modélisation est une « mise en équations d’un phénomène complexe permettant d’en prévoir les équations. Spécialement : Établissement d’un modèle mathématique compréhensible par l’ordinateur pour la description et la restitution d’un objet naturel ». Quant au terme simulation, nous prendrons la définition datant du milieu du XXe siècle : « représentation du comportement de systèmes physiques (par des calculateurs numériques, etc.) en simulant par des signaux appropriés les grandeurs réelles ». Il faut donc bâtir les modèles qui vont représenter au mieux, c’est-à-dire simuler, les systèmes. Le concept de modèle implique des degrés d’approximation tant au niveau calculatoire que moléculaire. De ce fait, il est important de rendre compte du niveau de détails avec lesquels une simulation est générée. Cette approche dite multi-échelles a d’ailleurs été récompensée par le comité du prix Nobel de chimie de 2013.
La modélisation : le chaînon manquant
La perception du public scientifique concernant la simulation moléculaire est en pleine évolution. Le rôle d’expérimentateur numérique à part entière prend de plus en plus forme. Celui qui génère des simulations n’est plus forcément le théoricien en train de prouver son modèle en travaillant sur des algorithmes, puis de les faire tourner sur de puissants ordinateurs. C’est en ce sens que la modélisation se transforme en simulation. Elle est en quelque sorte le chaînon manquant entre l’expérience et la simulation. Les trois voies d’appréhender la science, soient simulation, expérience et théorie, forment donc un triumvirat scientifique ; un « triummatter » serait certainement plus approprié. L’exégèse de sa situation croissante dans les mondes scientifique et industriel se situe à plusieurs niveaux :
- niveau computationnel : accroissement de la puissance des ordinateurs ;
- niveau utilisateur averti : performance des codes de calcul ;
- niveau consommateur : qualité des logiciels de visualisation ;
- niveau scientifique : qualité, et conformité des résultats, ainsi qu’explication de phénomènes ;
- niveau industriel : réduction des expériences coûteuses.
L’expérimentateur numérique est indubitablement une profession qui tend à prendre de plus en plus d’ampleur. Pour conclure, une citation de Max Planck datant de 1950 est fort à propos. En voici une traduction libre de ma part : « une innovation scientifique majeure ralliera rarement ses adversaires en les convertissant : il arrive rarement que Saul devienne Paul. Ce qui se passe, c’est que ses adversaires s’éteignent les uns après les autres, et que la nouvelle génération se sera familiarisée avec ces idées depuis le début : un autre exemple du fait que l’avenir appartient aux jeunes ». (« An important scientific innovation rarely makes its way by gradually winning over and converting its opponents : it rarely happens that Saul becomes Paul. What does happen is that its opponents gradually die out, and that the growing generation is familiarized with the ideas from the beginning : another instance of the fact that the future lies with the youth »).
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Modélisation et simulation moléculaires de polymères, par Armand SOLDERA
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