Il y a près d’un mois, alors que se tenait le sommet de l’IA sur notre sol, l’adoption du projet de loi de finance à l’assemblée nationale a jeté un froid dans le monde de la recherche et du financement de l’innovation. Au total, ce sont près de trois milliards d’euros qui ont été supprimés des dispositifs existants destinés à soutenir la recherche et l’industrie.
Le perdant de l’histoire s’appelle France 2030. Le plan d’investissement, initialement doté de 54 milliards d’euros alloués entre 2022 et 2027, se voit amputé de près de 2,5 milliards d’euros, via un amendement voté à la dernière minute, reportant près de 2 milliards d’euros de crédits et annulant 535 millions d’euros de subventions en 2025. Finalement, ces révisions aboutissent à une modification du rythme des financements liés à France 2030. Au lieu des 8 milliards prévus en 2025 et 2026, les financements vont s’étaler sur trois ans à hauteur de 5 milliards par an.
France 2030 n’est pas le seul mécanisme de financement de l’innovation impacté, puisque le Crédit Impôt Recherche (CIR), la réduction du Crédit d’Impôt Innovation (CII) et le statut de Jeune Entreprise Innovante (JEI) sont tous trois revus à la baisse.
15 milliards d’euros distribués sur trois ans au lieu de deux, l’occasion également pour l’Etat de réajuster la mire, pour poursuivre le financement de l’innovation sur les projets et les secteurs porteurs, et d’un autre côté réévaluer les aides allouées à d’autres filières industrielles pour lesquelles le contexte est aujourd’hui moins favorable. Cette réévaluation ne concerne pas les quelque 5 000 projets d’ores et déjà sélectionnés, qui continueront à être subventionnés dans la mesure où ils atteignent les objectifs prédéfinis et répertoriés dans les contrats de financement du SGPI (secrétariat général pour l’innovation).
Comment l’Etat va-t-il donc s’y prendre pour se retirer de certains projets et respecter l’enveloppe financière allouée pour 2025 ? Deux critères vont dicter ces choix. Seront d’abord concernés les projets n’ayant pas atteint leurs objectifs technologiques. Viennent ensuite ceux pour lesquels les entreprises concernées n’ont pas réussi à lever les fonds privés nécessaires, ou ont été rachetées. Les premiers projets à se voir retirer leurs subventions doivent être annoncés à la fin du mois de mars. Dans la même veine, certains appels à projets vont être décalés dans le temps.
Parmi tous les secteurs industriels porteurs soutenus via France 2030, certains sont aujourd’hui en situation de risque. C’est particulièrement le cas pour la filière hydrogène, qui devrait se voir impactée financièrement par rapport à ce qui était prévu initialement à travers France 2030, et la décision de miser sur le déploiement d’une filière hydrogène performante. Et le développement d’une mobilité basée sur cette molécule pour différents modes de transport. Cependant, le développement de ces modes de transport tarde, et se limite pour le moment aux utilitaires. Airbus a quant à lui repoussé son projet d’avion hydrogène, le carburant hydrogène reste cher, et de nombreux acteurs industriels majeurs de la filière retardent leurs projets.
Dans le secteur spatial également, de nombreux projets de micro-lanceurs ont fait l’objet d’un accompagnement depuis 2022, aujourd’hui se pose la question de savoir s’il ne serait pas stratégique de concentrer les efforts sur les projets présentant le plus fort potentiel.
A l’inverse, un secteur, qui n’avait pas fait l’objet d’attentions particulières en 2022 mais qui devrait mobiliser plusieurs milliards d’euros dans les trois années à venir est celui de l’intelligence artificielle et de ses usages. Un choix stratégique évident, tant les technologies d’IA démontrent leur intérêt dans de nombreux secteurs industriels.
En résumé, si France 2030 se voit contraint d’étaler sa force de frappe financière sur trois ans au lieu de deux, la période actuelle est également une opportunité pour ajuster au mieux les choix nationaux au niveau technologique.
Cet article se trouve dans le dossier :
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