Décryptage

La récupération des chaleurs fatales industrielles, une clé de performance énergétique, écologique et financière

Posté le 22 janvier 2024
par Pierre Thouverez
dans Énergie

La chaleur générée par l’activité industrielle est une source d’énergie récupérable, décarbonée, mais encore largement sous-exploitée.

On appelle chaleur fatale l’énergie thermique produite lors du fonctionnement de certains procédés de production ou de transformation qui n’est pas utilisée. En effet, de nombreux processus industriels requièrent de la chaleur pour leur fonctionnement. Cette chaleur est en partie perdue, que ce soit sous forme d’air chaud, d’eaux de refroidissement, ou encore de buée, de fumée ou de vapeur de procédés. 

L’Ademe milite massivement en faveur de la récupération des chaleurs fatales industrielles : en effet, les chaleurs fatales sont décarbonées, puisque produites « de toute façon », et pourraient devenir une source d’énergie non négligeable. Les chiffres publiés par l’agence montrent le gisement énergétique considérable que constitue la chaleur fatale industrielle : pas moins de 109,5 Twh de chaleur fatale rejetée par l’industrie dans son ensemble, ce qui correspond à 36% de sa consommation de combustible. Des chiffres qui donnent à réfléchir, au vu des objectifs tricolores et européens en termes de décarbonation de l’industrie. 

Au-delà des chiffres, plusieurs questions se posent pour les industriels désireux de récupérer leur chaleur.

D’abord, dans quel but. Un acteur industriel peut vouloir récupérer de la chaleur fatale pour la réutiliser en interne, pour économiser de la chaleur sur d’autres procédés. Cela permet d’améliorer la performance énergétique du procédé industriel. Seul bémol, mais de taille, les investissements pour réaliser ces installations sont souvent très importants, même en étant rentables à long terme. 

La chaleur fatale industrielle récupérée peut aussi être vendue en externe, pour répondre aux besoins de chaleur d’autres entreprises ou d’autres usagers, par exemple par le biais d’un réseau de chaleur.   

Les incinérateurs et les data centers sont des installations particulièrement émettrices de chaleur, et qui auraient donc intérêt à mettre en place des stratégies de récupération et de valorisation de chaleur. En effet, les incinérateurs cumulent 4,37 Twh et les data centers 3,61 Twh de chaleur perdue. Plus largement, les secteurs industriels ou le gisement de chaleur perdue sont les plus « prometteurs », en pourcentage des 109,5 Twh évoqués plus haut, sont l’agro-alimentaire (31%), le secteur chimie/plastique (22%), et l’activité papier/carton (13%)… On citera également les activités métallurgiques et matériaux non métalliques.

En France, le fonds chaleur piloté par l’Ademe a déjà permis à quelque 7100 entreprises et collectivités de bénéficier d’aides financières pour la mise en place de systèmes de récupération de chaleur. Ces systèmes de récupération de chaleur vont varier, selon la nature de l’activité industrielle génératrice de chaleur, et d’autres paramètres, qui dépendent aussi de la destination de la chaleur récupérée. 

Aujourd’hui, les installations les plus répandues pour utiliser la chaleur fatale d’un site industriel et la fournir ailleurs sont les réseaux de chaleur. Ces derniers sont très efficaces énergétiquement, et peuvent permettre de développer des synergies industrielles sur le territoire couvert par le réseau de chaleur. Cela peut notamment concerner les gros bassins d’activité industrielle, où les entreprises sont situés relativement proches géographiquement. L’exploitation locale de ces gisements de chaleur fatale peut servir à la fois les industriels, les installations publiques et les particuliers, avec chacun des usages spécifiques.

Au-delà des synergies locales générées par la récupération de chaleur, l’effet potentiel d’une massification de la récupération de chaleur fatale industrielle est considérable, aussi bien au niveau écologique qu’en termes d’autonomie et d’économie. En effet, la valorisation de la chaleur fatale industrielle permettrait de réduire les importations d’énergie, et par là même notre dépendance énergétique. Cela aurait aussi des conséquences favorables sur la balance commerciale tricolore.


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