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R-CUA valorise de la chaleur industrielle fatale dans la zone des Ports de Strasbourg

Interview

R-CUA valorise de la chaleur industrielle fatale dans la zone des Ports de Strasbourg

Posté le par Pierre Thouverez dans Innovations sectorielles

Deuxième port fluvial de France et première gare fret d’Alsace, les Ports de Strasbourg représentent chaque année 7,6 millions de tonnes de trafic massifié et près de 400 000 manutentions pour le trafic conteneurs.

Les Ports de Strasbourg* sont au cœur des enjeux de transition du territoire. Ils sont un acteur majeur pour la massification des flux de marchandises au niveau local et national et pour le report modal vers les transports ferroviaires et fluviaux, moins émetteurs.

Ils sont à ce titre un acteur majeur de la décarbonation, notamment au travers d’une démarche d’écologie industrielle, opérationnelle depuis près de 10 ans, et d’un réseau de chaleur de récupération actif depuis 2021. Ce réseau de chaleur doit permettre aux industriels de valoriser la chaleur générée par et pour leurs activités, qui se retrouve sinon perdue.

La société R-CUA (Réseaux de Chaleur Urbains d’Alsace)* créée en 2014, implantée dans la région Grand Est, a pour vocation d’étudier, financer, réaliser et exploiter des réseaux de chaleur bas carbone. Pour des finalités variées allant de l’alimentation de réseaux de chaleur au niveau d’un éco-quartier, le réaménagement de friches industrielles, par exemple. Aussi, R-CUA répond à des délégations de services publics lancées par des collectivités et développe dans ce cadre des réseaux de chaleur avec des centrales énergétiques basées sur les énergies renouvelables et de récupération sur des usages qui peuvent être de tout type, du résidentiel, mais également du tertiaire et de l’industriel de petite taille.

Enfin, R-CUA collabore avec de grosses entreprises industrielles sur des projets de valorisation de chaleur de récupération, de synergies entre industriels ou de création de solutions décarbonées dédiées pour ces derniers. En adaptant les technologies et les sources d’énergies renouvelables ou de récupération en fonction des opportunités et du contexte.

La société a créé, en partenariat avec le port autonome de Strasbourg (PAS) et la banque des territoires, une société, R-PAS, pour porter la réalisation des projets récupérant et valorisant la chaleur de récupération industrielle sur Strasbourg. Plus de 300 entreprises sont en activité dans la Zone du PAS.

Arnaud Boyer, Directeur développement et prospective au sein de R-CUA/R-CUE, a expliqué aux Techniques de l’Ingénieur comment la chaleur industrielle générée dans la zone du PAS était valorisée, notamment grâce aux projets concrétisés avec deux entreprises industrielles : Blue Paper* et Trédi*.

Techniques de l’Ingénieur : La zone portuaire de Strasbourg, le PAS, est en pleine transition énergétique, avec la volonté, notamment, de récupérer de la chaleur industrielle pour la valoriser. Comment l’entreprise R-CUA intervient-elle dans cette optique ?

Arnaud Boyer : R-CUA est une société créée en 2014, qui a mis en place dès 2016 un partenariat avec le PAS (port autonome de Strasbourg) afin de réfléchir aux synergies énergétiques potentielles entre les industriels de la zone ou entre les industriels et des tiers (collectivités, bâtiments tertiaires, résidentiel…).

Au départ, nous avons travaillé sur le sujet de la performance énergétique de manière globale, aux synergies de flux, que ce soit au niveau électrique, chaleur, froid. Très vite, nous nous sommes rendus compte que la PAS, qui regroupe près de 300 entreprises dans des secteurs industriels variés au niveau de la bande rhénane strasbourgeoise, constituait un potentiel très important.

Nous avons alors mené des études approfondies qui ont abouti à la création de la société R-PAS, qui associe R_CUA, le PAS et la banque des territoires, en 2021. Ceci afin de concrétiser les projets de récupération de chaleur sur des sites industriels de la zone.

Donnez-nous un exemple de projet réalisé avec une entreprise évoluant dans la zone du PAS.

Le projet le plus emblématique, qui est aussi le premier à avoir abouti, est le partenariat établi avec l’industriel Blue Paper, qui est implanté dans la zone du port autonome de Strasbourg. Blue Paper est en effet le premier industriel qui nous a fait confiance pour récupérer et valoriser en dehors de son site la chaleur fatale issue de son activité industrielle. Aujourd’hui, ce sont 100 Gwh par an de chaleur décarbonée qui sont valorisés via ce partenariat.

Se faisant, nous espérons que cette réalisation inspire d’autres industriels désireux de valoriser d’une façon ou d’une autre la chaleur fatale générée par leurs procédés et qui, aujourd’hui, est perdue.

C’est également un exemple intéressant car les technologies mises en place autour de la récupération de chaleur évoluent. Nous avons commencé avec Blue Paper par la récupération de chaleur à différents niveaux sur une co-génération biomasse, avec de la chaleur directement utilisable à une centaine de degrés, obtenue grâce à la mise en place d’un économiseur sur les fumées. Aussi, de la chaleur est récupérée via un condenseur, toujours sur ces mêmes fumées mais elle a besoin d’être réhaussée en température via une pompe à chaleur haute température, pour permettre de la rendre compatible avec les réseaux de chaleur existants en dehors du site, pour un usage global autour de 95-100°C d’exportation de cette chaleur.

Au-delà de ces projets qui sont déjà lancés et qui fonctionnent aujourd’hui, de multiples pistes de développement de nouvelles sources de récupération de chaleur vont encore nous amener à travailler de longues années avec Blue Paper, afin d’améliorer continuellement la performance énergétique et la valorisation de cette chaleur qui initialement était complètement perdue.

Un autre projet sur la zone du PAS est mené en collaboration avec la société Trédi, spécialisée dans l’incinération de déchets.

En effet. Trédi est un acteur industriel œuvrant dans l’incinération de déchets dangereux avec lequel nous avons contractualisé en 2023. L’activité d’incinération de déchets de Trédi génère des fumées, et donc un potentiel de récupération de chaleur. Nous avons donc, pendant plusieurs années, réfléchi avec Trédi aux différentes solutions pour récupérer et valoriser cette chaleur.

Aujourd’hui, Trédi nous permet de récupérer de la chaleur haute température, au sens où elle n’a pas besoin d’être relevée en température par des pompes à chaleur ou par autre système : elle est directement utilisable au niveau du réseau. Aussi, ce sont des installations qui fonctionnent 24h/24, 365 jours par an, hors opérations de maintenance programmées. Elles ont donc une très grande disponibilité et un très grand lissage sur l’année de production. Ce qui nous garantit des volumes réguliers que l’on peut valoriser aussi bien sur des usages industriels, tertiaires ou résidentiels.

Aujourd’hui ce sont 50 Gwh de chaleur qui sont valorisés chaque année via ce projet, chiffre qui va croître à l’avenir puisqu’il ne s’agit là que de la première phase du projet.

Vous avez également mis en place une sous-station de découplage entre Blue Paper et Trédi. Expliquez-nous pourquoi.

En effet, que ce soit avec Trédi ou Blue Paper, la chaleur récupérée et valorisée dans le réseau va alimenter une sous station de découplage. Cette station va valoriser de la chaleur venant du sud et du nord pour alimenter l’ensemble des réseaux strasbourgeois. Concrètement, nous avons créé une sorte de hub énergétique qui permet de faire entrer différentes sources de chaleur de récupération provenant notamment des industriels du port autonome de Strasbourg, en fonction des besoins des uns et des autres sur d’autres industriels, des écoquartiers ou sur des réseaux en délégation de services publics au niveau de l’agglomération strasbourgeoise.

Quels sont aujourd’hui les axes d’amélioration pour massifier la récupération de chaleur industrielle ?

La marge d’amélioration est très importante, tout d’abord parce que même si c’est un principe qui semble relativement simple, récupérer de la chaleur fatale issue des activités industrielles, dans les faits, est une activité assez récente. L’Ademe pousse à l’heure actuelle à la mise en œuvre de projets de récupération de chaleur, notamment car il s’agit d’une chaleur décarbonée, vouée à être utilisée localement.

L’autre sujet concerne la décorrélation entre la production de chaleur par les industriels et les besoins en chaleur des réseaux urbains, qui sont beaucoup plus saisonniers. Le stockage énergétique est une réponse à cette saisonnalité des besoins, et certains pays comme le Danemark l’utilisent déjà à grande échelle. Ce qui n’est pas encore le cas en France.

Propos recueillis par Pierre Thouverez


* Ports de Strasbourg

* Société R-CUA

* Blue Paper

* Trédi

Pour aller plus loin

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