Un extrait de « Eaux », par Jean-Luc Boutonnier
Présente sous toutes ses formes – liquide, solide, gazeuse – l’eau recouvre 70 % de la surface du globe. Mais 97 % de cette masse est salée tandis que seule une infime partie de l’eau douce est accessible. Elle provient principalement des précipitations, puis se répartit entre les glaciers, les nappes souterraines et les eaux de surface. En France, les réserves estimées sont stables, mais à l’échelle mondiale, les déséquilibres sont criants. En effet, dix pays concentrent 60 % des précipitations, tandis qu’un tiers de la population mondiale est contrainte de consommer une eau non potable. On estime ainsi que 11 % de la population mondiale n’a pas accès à l’eau potable tandis que cinq personnes meurent chaque minute faute d’eau salubre.
Des polluants qui s’accumulent
Trois grandes catégories de contaminants inquiètent particulièrement les scientifiques et les autorités sanitaires :
- Les PFAS (substances per- et polyfluoroalkylées), surnommées « polluants éternels », sont des composés chimiques utilisés depuis les années 50 dans les revêtements antiadhésifs, les textiles imperméables ou les mousses anti-incendie. Leur persistance exceptionnelle dans l’environnement et leur bioaccumulation dans les nappes et les eaux traitées menacent en particulier les enfants et les femmes enceintes.
- Les pesticides constituent un autre fléau. Certains, classés comme perturbateurs endocriniens sont difficilement éliminables.
- Enfin, les microplastiques envahissent désormais tous les milieux, jusqu’aux grands fonds méditerranéens. Entre 9 et 14 millions de tonnes de déchets plastiques sont ainsi déversés chaque année dans les océans. Ces débris affectent plus de 800 espèces marines et contaminent la chaîne alimentaire. Si des initiatives de collecte et de recyclage se multiplient, elles peinent à endiguer un phénomène systémique lié à la surproduction plastique mondiale.
Le secteur agricole est le premier contributeur à la contamination diffuse des eaux, en raison des pesticides et des métabolites persistants qui contaminent les nappes et les eaux de surface, parfois au-delà des seuils de potabilité. La concentration de nitrates, issus des engrais azotés, est également préoccupante, tout autant que les effluents d’élevage mal gérés qui entraînent un apport excessif de matières organiques et de bactéries dans les cours d’eau.
Les filières de l’industrie agroalimentaire et chimique, quant à elles, utilisent d’importants volumes d’eau pour le nettoyage, la cuisson, le refroidissement ou la fabrication. De ces processus résultent des effluents fortement chargés en matière organique, graisses, détergents ou métaux, auxquels s’ajoutent parfois des PFAS difficiles à éliminer par les procédés conventionnels.
Les secteurs pharmaceutique et cosmétique contribuent pour leur part à la diffusion de micropolluants (résidus médicamenteux, hormones, solvants) et parfois de PFAS. Ces substances résistent aux traitements biologiques classiques et passent dans le réseau d’assainissement collectif.
De leur côté, les stations d’épuration françaises, souvent rurales, manquent de moyens pour un traitement complet des eaux usées, contribuant ainsi à la pollution. Les réseaux d’assainissement non conformes représentent aussi une source de pollution directe des milieux naturels.
Indirectement, la pollution microplastique issue de la fabrication, de l’usure et du lavage des plastiques (notamment le PET et le PEhd), affecte par ailleurs les stations d’épuration. Ces installations ne sont pas conçues pour filtrer des particules inférieures à 1 mm, qui se retrouvent dans les fleuves et les océans.
Enfin, les usines de dessalement, de plus en plus nombreuses, rejettent d’énormes volumes de saumures concentrées et de produits chimiques dans les eaux côtières, affectant les écosystèmes marins.
Prévenir plutôt que guérir ?
Tenter de freiner la pollution avant qu’elle ne se produise passe par différentes techniques. Par exemple l’agriculture devra veiller à la réduction des intrants chimiques, à la récupération des effluents, à l’installation de zones tampons végétalisées et à la surveillance systématique des eaux souterraines.
Pour les filières de l’industrie agroalimentaire et chimique, l’enjeu est de renforcer les traitements biologiques et membranaires, d’intégrer des procédés d’oxydation avancée (ozone, UV, peroxyde d’hydrogène) et de développer la recyclabilité interne de l’eau dans les usines.
Les technologies adaptées (charbon actif, membranes, bioréacteurs spécifiques) aux milieux pharmaceutique et de la cosmétique doivent par ailleurs être généralisées, incluant une surveillance étendue aux effluents hospitaliers.
De même, les rejets issus des usines de dessalement nécessitent une régulation stricte et des technologies de traitement des rejets avant rejet en mer.
Enfin, les acteurs du plastique doivent investir dans des filtres haute performance, dans des procédés de lavage en circuit fermé et la reconception des emballages.
Des procédés complexes pour rendre l’eau potable
L’eau brute issue des rivières, des nappes ou des lacs suit un long parcours avant d’être distribuée. Après captation, elle subit plusieurs étapes, telles que le dégrillage pour éliminer les débris, la clarification et la décantation, la filtration sur sable, puis l’affinage par ozonation ou charbon actif pour éliminer les impuretés organiques et les pesticides. Enfin, la chloration ou la désinfection aux UV garantissent la sécurité microbiologique avant la distribution via les réseaux et châteaux d’eau.
Les techniques évoluent, impliquant l’ultrafiltration membranaire, l’utilisation de résines échangeuses d’ions, l’ozone, la correction du pH, ou encore l’ajout de polyphosphate de zinc pour réduire la corrosion des canalisations. Dans les petites collectivités, les systèmes d’épuration reposent sur des procédés biologiques comme les boues activées, le lagunage naturel, des filtres plantés de roseaux ou des disques biologiques utilisant les bactéries et microalgues pour dépolluer les effluents.
Le mirage du dessalement
Face à la raréfaction de l’eau douce, le dessalement de l’eau de mer apparaît comme une solution technique séduisante. Pourtant, ses coûts énergétiques et environnementaux restent colossaux. Les procédés de distillation consomment jusqu’à 27 kWh/m³, ceux par osmose inverse environ 3 kWh/m³, le plus souvent à partir d’énergies fossiles. Chaque année, le dessalement génère 120 millions de tonnes de CO₂ et rejette dans la mer plus de 150 millions de m³ de saumure hautement salée, chargée de produits chimiques. Loin d’être durable, cette technologie contribue à la dégradation des écosystèmes marins.
Un état d’urgence hydrique mondial
L’eau est désormais au cœur de la crise climatique. Le réchauffement de la planète accélère les sécheresses, les inondations et la fonte des glaciers, tout en dégradant la qualité des ressources disponibles. À cela s’ajoute une prolifération d’algues et de micro-organismes pathogènes dans les eaux stagnantes. Enfin, la hausse du niveau des mers menace les nappes phréatiques côtières et la biodiversité.
Protéger l’eau n’est dès lors plus une option, mais une nécessité vitale. Restaurer les écosystèmes aquatiques, réduire les pollutions industrielles et agricoles, mais aussi repenser nos modes de consommation sont des priorités absolues pour préserver la vie sur Terre.
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« Eaux », par Jean-Luc Boutonnier
Cet article se trouve dans le dossier :
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