L’industrie textile, portée par la fast fashion, est l’une des plus polluantes au monde : elle génère près de 10 % des émissions de CO₂ à l’échelle mondiale et engloutit d’énormes volumes d’eau et de ressources. En Europe, chaque citoyen achète en moyenne 19 kilos de vêtements par an, dont une grande partie finit en décharge. En France, 700 000 tonnes de textiles sont jetées chaque année. Face à ce bilan, réduire l’empreinte carbone du secteur est devenu un impératif climatique et économique.
Bruxelles déploie un arsenal réglementaire pour transformer la manière dont les vêtements sont produits, vendus et recyclés. La première pierre de cet édifice est la REP (Responsabilité Élargie du Producteur) appliquée au textile, au linge de maison et aux chaussures, et qui repose sur le principe de pollueur-payeur. Depuis 2008, date de son entrée en vigueur en France, elle vise à accroître les performances environnementales de cette filière en développant une économie circulaire.
Depuis janvier 2025, la révision de la Directive-cadre déchets oblige tous les États membres de l’UE à organiser la collecte séparée des textiles afin de promouvoir leur réemploi et leur recyclage. Cette mesure marque un tournant pour le secteur, qui génère d’énormes quantités de déchets, avec les deux tiers des vêtements qui finissent dans des décharges. D’ici à la fin de l’année 2028, la Commission européenne évaluera la nécessité de fixer des objectifs spécifiques en matière de prévention, de collecte et de recyclage des déchets textiles.
À partir de 2027, dans le cadre du règlement européen ESPR (Ecodesign for Sustainable Products), un autre dispositif appelé le Digital Product Passport devrait entrer en vigueur dans le secteur textile et doit permettre à chaque vêtement d’être associé à un QR code ou à un autre identifiant numérique. Ce passeport offrira une traçabilité inédite, renseignant sur la composition, l’impact écologique, la réparabilité ou la fin de vie, et vise à renforcer la transparence, la circularité et la confiance des consommateurs.
Vers un affichage environnemental sur les vêtements avant la fin de l’année
Consciente de l’impact environnemental du textile, la France a adopté plusieurs dispositifs pour engager la transformation du secteur. En tête, la loi AGEC (Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire, promulguée en février 2020, interdit désormais la destruction des invendus textiles, imposant aux acteurs de revaloriser, donner ou recycler ces stocks dormants.
En ce moment, le Gouvernement prépare un score environnemental national des vêtements, également appelé « coût environnemental » ou « Écobalyse », sur la base du cycle de vie du produit, enrichi par un coefficient de durabilité prenant en compte la traçabilité ou l’incitation à la réparation. Validé par la Commission européenne en mai dernier, ce dispositif doit entrer en vigueur d’ici à la fin de l’année, d’abord de manière volontaire, avant de devenir obligatoire.
De son côté, l’association En Mode Climat, qui regroupe des acteurs du monde de la mode, plaide pour un durcissement du cadre législatif afin d’accélérer la transition écologique du secteur. Pour atteindre l’objectif de l’Accord de Paris, à savoir diviser par trois les émissions du textile d’ici 2050, le collectif prône une refonte structurelle du modèle à travers trois leviers complémentaires.
Étant donné que le volume de vêtements vendus en France a presque doublé en deux décennies, dopé par le renouvellement ultra-rapide des collections et les prix plancher, l’association appelle à freiner cette frénésie en augmentant les prix du low-cost, en limitant les soldes et en encadrant les promotions trop fréquentes. Le but étant de réduire le volume de vêtements neufs et de sortir la mode de cette ère du jetable.
La relocalisation de l’industrie textile dans des territoires à mix énergétique décarboné (France, Europe) est un second axe à actionner afin de diminuer de manière drastique l’empreinte carbone du transport et les émissions opérationnelles de cette industrie. Enfin, alors que la réparation d’un vêtement reste souvent plus coûteuse que son remplacement, le collectif veut renverser cette logique et plaide pour favoriser le réemploi en soutenant les acteurs du cycle long (retoucheurs, friperies, ressourceries). Pour En Mode Climat, ce changement de paradigme apparaît essentiel pour inverser la trajectoire actuelle, jugée intenable.
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