L’Europe a décidé de se battre contre le monopole chinois sur la fabrication de batteries destinées à la mobilité électrique. Ainsi, c’est une véritable industrie européenne de la batterie qui est en train de voir le jour. A l’heure actuelle, les batteries Lithium-ion s’octroient la quasi-totalité des parts de marché, dans le domaine des véhicules électriques. Si d’autres modèles sont développés par les industriels, et pour d’autres usages, le modèle lithium-ion est aujourd’hui incontournable.
L’objectif du vieux continent est d’atteindre 25% de la production mondiale d’ici à 2030, en développant pas moins de 30 gigafactories, dont cinq en France. Cela équivaut à une capacité de production de 500 GWh par an.
Cette croissance programmée de la production made in Europe de batteries, justifiée par l’électrification, également programmée, des transports, va engendrer un besoin croissant en matériaux, pour les produire à grande échelle. C’est ici que les problèmes commencent.
Tout d’abord, quels sont les matériaux qui composent la batterie lithium-ion, qui est aujourd’hui la batterie la plus fabriquée ? Ces batteries sont composées d’une électrode positive composée de lithium et de cobalt, et d’une électrode négative composée de graphite. L’usage de métaux de transition, ayant la faculté de s’oxyder à la charge et de se réduire à la décharge pour constituer de nouvelles électrodes positives, va voir les industriels également utiliser du nickel, du fer, ou du manganèse.
L’effervescence autour du développement de batteries innovantes dans les années à venir ne permet pas aujourd’hui de prédire quels sont les matériaux qui constitueront les batteries du futur. Pour ce qui est du futur proche, les batteries lithium-ion sont toujours en phase d’amélioration, et leur coût de production baisse d’année en année.
La question des ressources naturelles se pose donc certainement. L’institut BMI prévoit une demande de graphite multipliée par 18,9 entre 2019 et 2029. Une hausse faramineuse qu’il faut anticiper.
Pour le nickel, le volume de demande sera multiplié par 26 ! Cette hausse calculée au niveau mondial sera probablement plus forte encore en Europe, étant donné les investissements actuels. Or, l’Union Européenne n’a pas d’autre choix que d’importer massivement ces matériaux pour soutenir une rythme élevé de production. En effet, le taux de dépendance à l’importation de notre continent est proche des 100 % pour de nombreux matériaux comme le lithium, le graphite ou le cobalt. Les grands pays producteurs de ces matériaux, comme la Chine, le Chili ou encore le Congo, rendent l’hexagone et le continent entier extrêmement dépendant de ces fournisseurs de matériaux pour développer une filière industrielle des batteries compétitive et pérenne. Ces tensions à venir sur le marché des matériaux entrant dans la composition des batteries existent déjà aujourd’hui, et expliquent en partie l’augmentation des prix constatés pour des matériaux comme le lithium ou le graphite.
De plus, à l’heure actuelle, la compétition internationale pour le développement de batteries les plus performantes possible tend les chaînes de production. Une illustration récente de ce phénomène est la difficulté actuelle des producteurs de matériaux cathodiques à suivre la demande grandissante en Europe. D’où la nécessité de s’adresser aux pays asiatiques, Chine et Corée en tête, pour la fourniture de ces matériaux.
Pour résumer, si l’Europe a décidé de se donner les moyens de développer une véritable filière continentale pour assurer ses besoins en batteries et développer une mobilité électrique massive, il paraît difficile d’imaginer une véritable autonomisation industrielle à ce niveau, tant les besoins en matériaux, et de manière plus contextuelle en composants, est important. Un chiffre pour illustrer cet état de fait : aujourd’hui, la Chine dispose sur son sol de 80% des capacités mondiales du traitement du minerai des batteries.
Une première réponse a été donnée par l’Europe sur ce point, avec la volonté de recycler de plus en plus ces matériaux pour les réutiliser. Une approche qui pourrait payer sur le long terme, mais qui va dans un premier temps affecter la compétitivité de l’industrie européenne par rapport à la concurrence.
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