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Mesure à très haute cadence : l’exemple des lignes TGV

Posté le 24 avril 2009
par La rédaction
dans Environnement

Les pantographes des trains sont à l'origine de 4 à 5 pannes pour 100 km par an. Un chiffre que le CEA LIST a réussi à réduire, même pour les lignes à grande vitesse, grâce à la mise en place d'un outil de contrôle des paramètres d'interface avec le caténaire. Explications.

Engagée depuis plusieurs années par l’Union Européenne, la déréglementation du réseau ferroviaire va prochainement devenir une réalité. Dans ce contexte, le pantographe au contact de sa ligne caténaire constitue la nouvelle interface entre les opérateurs et le gestionnaire de l’infrastructure. La surveillance de cette interface devient donc critique pour assurer une meilleure interopérabilité entre compagnies ferroviaires, puisque les taux moyens de défaillance attribués au pantographe sont de 4 à 5 pannes/(100 km.an) [1].

De facto, la prise en compte de la saturation progressive de l’infrastructure des transports est devenue, au fil des ans, l’une des priorités des Programmes Cadres européens de R&D (PCRD). Ainsi, lors du 5ème PCRD, le projet SMITS (Smart Monitoring In Train Systems) (1) s’est intéressé à la problématique des perturbations de trafic dues aux pannes de pantographes entraînant l’arrêt du train, par la mise en place d’un outil de contrôle des paramètres d’interface avec la ligne de contact (force, température) afin de pouvoir in fine mettre en place une maintenance prédictive.

En effet, les technologies traditionnelles reposant sur des méthodes d’équilibre de forces et de moments, et mettant en oeuvre des jauges électriques de déformation et des accéléromètres positionnés aux points d’appuis du pantographe, souffrent de problèmes liés à la proximité de la haute tension (jusqu’à 25 kV). L’isolation galvanique intrinsèque apportée par la fibre optique a ainsi permis de positionner des jauges à réseaux de Bragg (2) au plus près de la ligne de contact, dans la tête de pantographe, transformant chacune de ses bandes en des capteurs de flexion 3 points totalement insensibles aux perturbations électromagnétiques.Un des objectifs étant la mesure à haute cadence pour les besoins de la très grande vitesse (320 km/h pour les TGV), le CEA LIST a développé un système de mesure multivoies innovant pour Capteurs à Fibres Optiques (CFO) à réseaux de Bragg, fondé en particulier sur une source accordable permettant simultanément l’acquisition des longueurs d’onde des transducteurs optiques et leur conversion en grandeurs physiques pour les essais de qualification.Un modèle fourni par le partenaire IPHT, mis en oeuvre dans le système, a permis de déterminer, après calibrage, les efforts verticaux via une relation faisant intervenir les déformations au milieu et aux extrémités de la bande, de même pour les températures de contact grâce aux mesures fournies par des réseaux de Bragg dédiés, après étalonnage en enceinte thermique.

Fig. 1. Position des capteurs à réseaux de Bragg dans la tête de pantographe Faiveley CX25 de TGV(vue de dessous) ; {S pour ‘déformations’ (Strain) et T pour ‘Température’}

Le système d’interrogation mis au point par le CEA LIST a ainsi permis d’interroger les 4 lignes de CFO de Bragg intégrées dans la tête de pantographe du TGV. Du point de vue optique, ce système repose sur une source laser [3] dont la longueur d’onde est accordable sur environ 30 nm à la fréquence de balayage pleine échelle de 500 Hz (3) ; la référence spectrale absolue se fait en temps réel à l’aide d’un étalon interne qualifié par le NIST (4), assurant une précision et une dérive meilleures que 0,6 pm à 500 Hz (sans moyennage).

Fig. 2. Configuration du pantographe pour les essais TGV Duplex entre Paris et Vendôme

Cette instrumentation constituée d’un système serveur (contenant l’optoélectronique), dédié au calcul des longueurs d’onde de Bragg de chacune des 4 lignes de capteurs, a eu pour rôle de distribuer en temps réel l’ensemble des longueurs d’onde sur un réseau LAN privé à un PC lient dont le rôle était de générer, à partir des modèles physiques, les températures, forces et positions, sous une forme numérique pour leur enregistrement, et analogique (0-10 V) pour leur acquisition en parallèle par le système de l’AEF (Agence d’Essai Ferroviaire, Vitry-sur-Seine) de la SNCF (Fig. 3).

Fig. 3. Système optoélectronique agissant en tant que serveur et son poste client en supervision

Cette chaîne de mesure a été testée pendant une semaine, sur plus de 5.000 km, entre Paris etVendôme à bord d’un TGV Duplex spécialement affrété. Ont ainsi pu être mesurés, à 500 Hz et sur 16 points de mesure simultanés, les efforts de contact verticaux, la position du fil de contact, les températures et leurs gradients au sein des bandes de contact. La résolution spectrale du système, meilleure que le picomètre, a permis d’évaluer les variations de la force de contact à quelques Newton près. Ces essais en ligne menés avec la SNCF-AEF ont permis :

Pour en savoir plus, le lecteur pourra se référer à la publication du Colloque CMOI 2007, ainsi qu’à la publication [4].Les capteurs à réseaux de Bragg ont à nouveau su démontrer leur potentiel pour la mesure de paramètres physiques, cette fois en environnement ferroviaire contraignant. L’instrumentation développée ouvre désormais la voie à l’utilisation d’une nouvelle technologie pour la surveillance de l’interface pantographe-caténaire. Les travaux menés dans ce projet SMITS se sont poursuivis, et continuent à l’heure actuelle avec le développement d’un système encore plus performant et plus compact, en particulier dans le cadre du projet européen CATIEMON qui s’intéresse cette fois à la problématique de l’instrumentation des lignes de contact de l’infrastructure ferroviaire. Ce sujet fera l’objet d’un autre article.

Par Pierre Ferdinand, Laurent Maurin, Guillaume Laffont, Nicolas Roussel, Jonathan Boussoir et Stéphane Rougeault, CEA, LIST, Laboratoire de Mesures Optiques

Notes
1 – Projet piloté par Siemens [D], ayant regroupé : la SNCF-AEF [Fr] et BLS [CH] deux opérateurs ferroviaires, l’IPHT [D] et le CEA LIST [Fr] deux instituts de recherche, et Morganite Electrical Carbon Ltd [UK] fabriquant des patins de carbone.
2 – La longueur d’onde caractéristique λB d’un réseau de Bragg est sensible aux variations de déformations _ε et detempérature _T (l’effet de la pression est négligée) selon : _λB = a. _T + b. _ε avec a ~ 12 pm/°C, b ~ 1,2 pm/(μm/m), [2].
3 – L’intérêt d’une telle cadence de mesure provient de fait qu’à 300 km/h, un TGV parcourt chaque 2 ms environ 20 cm;en cas de détection d’un défaut, le couplage avec un GPS permet de localiser le secteur défectueux correspondant.
4 – NIST: National Institute of Standards and Technology – http://www.nist.gov/.

Références
1. Livre blanc : “La politique européenne des transports à l’horizon 2010 : l’heure des choix”
http://ec.europa.eu/transport/white_paper/documents/doc/lb_texte_complet_fr.pdf, Commission Européenne,20012. P. Ferdinand, Capteurs à fibres optiques à réseaux de Bragg, Techniques de l’Ingénieur, R 6735, pp. 1-24,déc. 19993. G. Laffont, N. Roussel, L. Maurin, J. Boussoir, B. Clogenson, L. Auger, S. Magne et P. Ferdinand,
“Wavelength tunable fiber ring laser for high-speed interrogation of fiber Bragg grating sensors”, 17th Int. Conf.on Optical Fibre Sensors, 23-27 mai 2005, Bruges, Belgique4. L. Maurin, P. Ferdinand, G. Laffont, N. Roussel, J. Boussoir et S. Rougeault,
“High speed real-time contactmeasurements between a smart train pantograph with embedded fibre Bragg grating sensors and its overheadcontact line”, Structural Health Monitoring 2007, Vol. 2, pp. 1808-1815, édité par Fu-Kuo Chang, DESTechpublication, http://www.destechpub.com/, ISBN 978-1-932078-71-8.