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Le secteur de la plasturgie est en pleine transition vers la circularité : l’exemple de DEMGY

Interview

Le secteur de la plasturgie est en pleine transition vers la circularité : l’exemple de DEMGY

Posté le par Arnaud Moign dans Matériaux

Au-delà du Plastic Bashing et du retard de la France en matière de recyclage, le secteur de la plasturgie est déjà fortement impliqué sur les questions de circularité, d’écoconception et de décarbonation. Nous sommes allés à la rencontre du plasturgiste DEMGY et de son dirigeant Pierre-Jean LEDUC qui est aussi Président de POLYVIA, l’Union des transformateurs de polymères. DEMGY et POLYVIA seront présents au salon Global Industrie 2024.

Pierre-Jean LEDUC-DEMGY
Pierre-Jean LEDUC, Président de DEMGY (Crédit : Amélie Marzouk)

Pierre-Jean Leduc est Président de DEMGY, groupe normand de 800 personnes spécialisé en co-conception et fabrication de pièces et sous-ensembles à forte valeur ajoutée en plastique et composite.

Il est également Président de POLYVIA, l’Union des transformateurs de polymères et Président du MEDEF Normandie.

Techniques de l’ingénieur : Quels sont les challenges des plasturgistes en matière de décarbonation et de circularité ?

Pierre-Jean Leduc : Aujourd’hui, la plupart des plasturgistes français sont fortement impliqués sur ces questions, même s’ils n’ont pas forcément les mêmes contraintes et n’utilisent pas les mêmes matériaux. Pourtant, malgré ces différences, les producteurs d’emballages comme les fabricants de pièces plastiques demeurent des transformateurs de matières plastiques. Ils ont tous des objectifs de décarbonation, d’intégration de matière recyclée, de baisse des consommations de matière et d’énergie, d’écoconception, etc.

Ces deux dernières décennies, les industriels de l’emballage ont énormément réduit les épaisseurs des emballages (bouteilles d’eau, pots de yaourt…), l’idée générale étant de consommer moins de matière. Le constat est le même pour l’ensemble de la plasturgie, l’allègement étant un combat transverse.

Mais le challenge actuel des plasturgistes est principalement l’augmentation de l’incorporation de matière plastique recyclée (MPR) dans les process. Le secteur de l’emballage est en avance par rapport à nous, car qui dit incorporation de MPR, dit filière de recyclage. Or, les filières qui se développent en premier sont celles où les volumes de matière sont suffisants, et c’est le cas dans l’emballage (PET, PP, PE). C’est tout à fait logique, car les recycleurs ont besoin de faire des investissements rentables.

On sait néanmoins que la France est en retard sur le recyclage des plastiques, par rapport à ses voisins européens[1] et que nous devrons faire de gros efforts pour développer les filières de recyclage. La situation est cependant amenée à changer. En effet, les industriels (pas seulement plasturgistes) se rendent compte que leurs déchets sont en réalité de l’or, « waste is gold ».

Par exemple, ce n’est pas pour rien qu’Eastman, le géant de la chimie américain, a choisi la vallée de la Seine pour implanter son usine géante de recyclage chimique du PET. Le recyclage chimique a bel et bien un avenir !

Waste is gold : cette expression implique-t-elle une certaine compétition dans le « contrôle » de ces matières issues de déchets ?

Si l’on considère les déchets comme de la matière entrante, il est naturel que chaque secteur industriel désire que la matière qu’il a transformée revienne dans sa propre industrie.

La mainmise sur les gisements de matière plastique recyclée est donc l’un des challenges de demain pour les plasturgistes ! C’est déjà vrai dans le secteur de l’emballage alimentaire. En effet, pour maîtriser la ressource et les coûts, les industriels sont alors tentés de fonctionner en boucle fermée. C’est déjà quasiment le cas avec les bouteilles en PET qui sont collectées pour refaire des bouteilles contenant du rPET. Mais cela pose un autre problème : comment produire des textiles comme les polaires en polyester recyclé si l’on fonctionne en boucle fermée ?

Le même phénomène est en train d’arriver dans les autres secteurs que l’emballage. Prenons le cas de l’automobile : pendant des années, le mot d’ordre des constructeurs était d’utiliser 100 % de matière vierge, alors qu’incorporer 20 % de MPR était déjà techniquement réalisable. Mais depuis qu’ils ont l’obligation de mentionner l’empreinte carbone de leurs véhicules, on est passé à l’extrême inverse, puisqu’ils demandent aux plasturgistes d’en intégrer le plus possible !

Or, pour disposer de gisements en quantité suffisante et à prix abordable, les constructeurs les plus avancés commencent sérieusement à imaginer de généraliser la location longue durée des véhicules. Lorsque le véhicule arrivera en fin de vie, il sera alors entièrement déconstruit et chaque ressource sera récupérée en vue d’une seconde vie. Les matières plastiques de l’automobile, comme les autres matières, seront alors recyclées pour l’automobile.

La compétition autour des gisements de matière recyclée risque donc bien de s’accentuer dans les années qui viennent.

Chez DEMGY, comment se traduisent les efforts de décarbonation et de circularité ?

DEMGY n’est pas une entreprise du secteur de l’emballage, notre terrain de jeu étant le plastique « durable », dans le sens « non jetable ». Bien entendu, nous cherchons aussi à intégrer de plus en plus de matière recyclée, pour décarboner et consommer moins de matière plastique vierge, car comme l’ensemble du secteur de la plasturgie, nous avons compris que le monde est en train d’évoluer vers la circularité.

Certains de nos clients l’ont également bien intégré. Le meilleur exemple est probablement celui de Decathlon, qui réfléchit à l’impact environnemental de chacun de ses produits et cherche à produire localement, en ligne avec sa nouvelle stratégie. Le 3e producteur mondial d’articles de sport se tourne donc progressivement vers des productions plus locales, avec une forte problématique de maîtrise des coûts et une démarche d’innovation autour de l’économie circulaire.

La chaussure Reborn de Decathon, dont la semelle, fabriquée par DEMGY, est composée à 60% de déchets recyclés
La chaussure Reborn de Decathlon, dont la semelle, fabriquée par DEMGY, est composée à 60% de déchets recyclés (Source : DEMGY)

Comme les constructeurs automobiles, Decathlon a compris que pour intégrer des matières plastiques recyclées dans ses articles de sport, il lui fallait d’abord collecter les articles en fin de vie, dans la même logique de déconstruction.

DEMGY travaille depuis plusieurs années avec Decathlon sur ces questions. Ensemble, nous avons développé Reborn[2], une chaussure de sport dont la semelle est fabriquée à partir de déchets provenant de ses articles. Nous communiquons dessus, mais cela reste pour le moment en développement. Certains magasins servent de preuve de concept et la chaussure Reborn est actuellement en phase de test, de façon à récolter les retours d’un panel d’utilisateurs. Le but est d’ajuster et de valider le produit avant sa sortie.

Avez-vous fait évoluer votre offre de service pour intégrer la circularité ?

L’offre circular Multiplasturgy® de DEMGY
L’offre circular Multiplasturgy® de DEMGY (Crédit : DEMGY)

Auparavant, nous avions une offre qui s’appelait Multiplasturgy® et comprenait l’ensemble de nos expertises. Elle est devenue circular Multiplasturgy®, car nous y avons intégré la démarche d’écoconception.

Aujourd’hui, lorsque nous concevons un produit pour un client, nous réfléchissons à sa fin de vie, pour être certains que la matière pourra être recyclée ou réutilisée, mais nous n’allons pas jusqu’à récupérer les produits en fin de vie.

J’invite les industriels désirant nous rencontrer à se rendre au salon Global Industrie 2024 qui se tiendra du lundi 25 au jeudi 28 mars 2024, à Paris-Nord Villepinte. DEMGY sera au stand 5Q28.


[1] Le taux global de recyclage des emballages plastiques ne dépasse pas 22 % en France, alors qu’il frôle les 60 % en Autriche !

[2] Chaussure de sport Reborn

Pour aller plus loin

Posté le par Arnaud Moign


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