Décryptage

Traitement des eaux industrielles : la combinaison des technologies comme principale clé d’optimisation

Posté le 23 octobre 2025
par Pierre Thouverez
dans Chimie et Biotech

Le traitement des eaux industrielles est devenu un enjeu stratégique pour les entreprises, à la croisée des impératifs réglementaires, économiques et environnementaux.

L’approche du traitement de l’eau par les acteurs industriels, au-delà du respect des normes réglementaires, revêt aujourd’hui un enjeu d’importance, lié à la raréfaction de la ressource eau. Et donc à sa valeur économique croissante.

Techniquement parlant, les industriels, selon leurs secteurs d’activité, mettent en place un panel de solutions pour traiter leurs eaux usées, et les réutiliser quand cela est possible, pour mettre en place une boucle fermée. En tout cas en théorie.
Ces derniers adoptent aujourd’hui des solutions hybrides et modulaires, adaptées à la nature de leurs effluents et à la qualité d’eau recherchée. Au cœur de cette évolution, la combinaison de technologies en fonction de la composition des effluents : matières organiques, sels, métaux lourds, solvants, micropolluants… Dans la plupart des cas, les traitements s’articulent en trois étapes successives : prétraitement, traitement principal et affinage. Chacune de ces étapes mobilise des procédés spécifiques.

Dans l’agroalimentaire par exemple, les effluents sont principalement chargés en matière organique et en nutriments. Les solutions biologiques y conservent donc une place dominante pour le traitement des eaux usées. Les réacteurs à boues activées, à biofilm ou à granules aérobies permettent une dégradation efficace de la demande chimique en oxygène (DCO) et de la demande biologique en oxygène (DBO), avec une empreinte au sol réduite. L’introduction de capteurs en ligne et d’algorithmes de pilotage prédictif permet d’optimiser l’aération et de réduire les consommations énergétiques. Un point crucial pour des sites souvent contraints par leurs coûts d’exploitation.

Dans les industries chimiques et pharmaceutiques, les composés sont souvent récalcitrants, parfois toxiques pour les micro-organismes. Les industriels sont dès lors contraints de se tourner vers des procédés physico-chimiques plus poussés : coagulation-floculation, adsorption sur charbon actif, oxydation avancée par ozone, mais aussi peroxyde d’hydrogène ou rayonnement UV. Ces procédés détruisent les molécules complexes et les micropolluants persistants que les traitements biologiques ne peuvent éliminer. Leur efficacité repose sur un dosage précis des réactifs et sur la maîtrise des temps de contact, d’où l’intérêt croissant pour les systèmes de contrôle automatisés intégrant des boucles de rétroaction et des capteurs de concentration en continu. Il est possible de coupler ces traitements chimiques à des membranes, afin d’obtenir une séparation sélective et un recyclage de l’eau en boucle fermée.

Autre exemple, les secteurs de la métallurgie et des industries de surface. Ces dernières posent un défi particulier lié à la présence d’ions métalliques, de bains acides ou alcalins, et de fortes charges salines. Ici, les technologies membranaires et électrochimiques jouent un rôle central. L’électrodialyse, la déionisation capacitive ou l’osmose inverse sont employées pour séparer les sels et concentrer les métaux, souvent en amont de leur valorisation. Les bains de traitement peuvent être régénérés, limitant ainsi la production de boues. Les effluents restants subissent une neutralisation et une précipitation sélective des métaux avant déshydratation des boues. Certaines entreprises combinent désormais ces procédés à des systèmes d’évaporation sous vide ou de distillation, intégrés dans des boucles dites ZLD (Zero Liquid Discharge), où l’eau récupérée atteint un niveau de pureté suffisant pour être réutilisée dans le procédé industriel.

La tendance transversale, quel que soit le secteur concerné, est à la modularité. Les industriels veulent aujourd’hui disposer d’unités compactes et évolutives, capables de s’adapter à la variabilité de leurs effluents. Les solutions de prêt à l’emploi, associant prétraitement mécanique, réacteur biologique et unité membranaire, se multiplient.

Certaines entreprises intègrent des capteurs pour surveiller en temps réel les paramètres critiques – pH, conductivité, turbidité, teneur en COD – et ajuster automatiquement les conditions d’exploitation. Les données collectées servent aussi à anticiper les dérives de qualité et à planifier la maintenance prédictive, ce qui permettra plus de continuité et d’économies sur le long terme.

L’innovation se joue également sur le plan énergétique. Les traitements bioélectrochimiques, où des micro-organismes électrogènes dégradent la matière organique tout en produisant de l’électricité, ouvrent la voie à des stations partiellement autonomes. D’autres expérimentent la capture du CO₂ dissous sous forme de carbonates dans des systèmes de micro-électrolyse, combinant traitement et valorisation du carbone. Ces solutions encore émergentes sont une illustration de la dynamique de recherche autour de la circularité de l’eau et des ressources associées, qui bat aujourd’hui son plein.

Au final, il n’existe pas de technologie universelle. Les industriels composent leur chaîne de traitement comme un assemblage sur mesure, en fonction de la nature des polluants, des contraintes d’espace, du coût de l’énergie et des objectifs de réutilisation. L’enjeu n’est plus seulement de dépolluer, mais d’optimiser la gestion intégrée de l’eau dans le cycle de production, en la considérant comme une ressource stratégique et non comme un déchet à éliminer.


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