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« Dans la recherche, les nanotechnologies se diffusent dans tous les segments »

Posté le par La rédaction dans Chimie et Biotech

[Interview] Didier Théron - ANR

En 2009, l'agence nationale de recherche a injecté 34 millions d'euros dans des projets de recherche dans les nanotechnologies. Depuis 2005, c'est un axe stratégique pour l'ANR, grâce à différents programmes : PNANO, P3N puis P2N. Retour avec Didier Théron, responsable du programme Nanotechnologies et Nanosystèmes de l'agence.

;Techniques de l’ingénieur : Qu’est-ce que le programme de l’ANR sur les nanotechnologies et nanosystèmes ? Depuis quand existe-t-il et comment s’intègre-t-il dans le paysage de la recherche sur les nanotechnologies en France ?

Didier Théron :  » L’histoire du programme est le fruit d’une succession d’étapes qui commencent en 1998, aux Etats-Unis, quand démarrent les premières initiatives pour soutenir les recherches sur les nanotechnologies. Un an plus tard, en France, apparaît le premier programme de recherche dans ce domaine, le RMNT pour Réseau Micro et Nano Technologies, suivi trois ans après, par l’ACI pour Action Concertée Incitative. Ces deux programmes coexisteront jusqu’en 2005, date à laquelle ils fusionnent pour former le R3N pour Réseau National de Recherche en Nanosciences et Nanotechnologies, puis PNANO lors de la création de l’ANR.

Parallèlement, en 2003, le ministère de la Recherche avait mis en place une infrastructure pour les nanotechnologies, c’est-à-dire des salles blanches et des équipements, afin de coordonner ces moyens au niveau national et permettre à toute la communauté scientifique française d’en bénéficier. Un an plus tard, cinq centres de compétences, appelés C’Nano, voient le jour (lire l’article « C’Nano, un réseau pour le développement des nanosciences« ). Ils couvrent le territoire national et leur objectif est de fédérer la recherche fondamentale en nanosciences. A peu près dans le même temps, des pôles de compétitivité fortement impliqués dans les nanotechnologies apparaissent. Parmi ceux-ci figure le Minalogic, mais aussi le pôle Solutions Communicantes Sécurisées.

Aujourd’hui, PNANO existe toujours, mais sous une autre appellation. De P3N en 2009, il est devenu P2N en 2010.

Pourquoi ce passage de 3 à 2 N ?

Cette évolution découle de la réorganisation du budget de l’ANR. Les programmes non thématiques, qui représentaient l’année dernière, 33 % du budget global des appels à projets de l’agence, pèsent désormais 50 % de l’ensemble. De fait, les recherches les plus fondamentales sur les nanotechnologies ont intégré les programmes non thématiques. Ce qui explique le passage de 3 à 2 N. Dans le même temps, nous avons réorienté P3N pour soutenir les projets de recherche plus appliquée, réalisés en collaboration avec des industriels. Ce n’est pas un impératif, mais c’est une recommandation.

A qui s’adresse P2N 2010 et, en moyenne, combien de temps dure un projet que vous financez ?

P2N s’adresse à tous les organismes qui font de la recherche sur les nanotechnologies. C’est-à-dire aussi bien des laboratoires de recherche publics, que privés. En moyenne, les projets que nous finançons courent sur trois ans.

Quel est le profil des entreprises dont vous financez les projets et avez-vous une politique volontariste dans ce domaine ?

Nous rencontrons essentiellement deux types d’entreprises. Des grands groupes et des entreprises plus petites qui peuvent être des start-ups. Pour être plus précis, en 2009, sur un total de 45 projets, ceux que nous avons retenus impliquent 13 grands groupes, 8 PME et 3 start-ups.

Nos seuls critères d’évaluation sont ceux de l’excellence scientifique et le fait que les projets s’inscrivent dans les orientations scientifiques que nous avons fixées, au préalable, avec les membres de notre comité scientifique sectoriel qui inclut des représentants des grandes et moyennes entreprises, des grands centres de recherche académiques et de la société civile.

Vous n’avez aucune action spécifique en faveur des PME ?

Si. Elles bénéficient d’un taux de financement plus élevé de leur projet que les grands groupes. 45 % de leurs dépenses éligibles sont prises en charge par le programme, contre seulement 30 % pour les grands groupes, comme dans l’ensemble des programmes de l’ANR.

Quel sera votre budget en 2010 et quel est le montant moyen des aides que vous allouez ?

Cela dépendra du nombre de projets que nous retiendrons et de leur budget après consolidation. D’après notre expérience au cours des années précédentes, le montant moyen des subventions que nous allouons s’élève à 700.000 euros. Mais ce n’est qu’une moyenne. Les projets s’échelonnent de 500.000 à 1,5 million d’euros et il est possible que nous ayons, cette année, des projets plus importants. Nous pourrons dresser ce bilan à la fin de l’année 2010. A titre indicatif, en 2009, nous avons distribué une enveloppe de 34 millions d’euros pour 45 projets. En 2010, le budget total des appels à projets de l’ANR est de 630 millions d’euros dont 50 % reviennent aux programmes thématiques.

Les nanotechnologies demeurent, quoi qu’il en soit, un domaine stratégique pour la recherche en France ?

Oui. C’est un programme important pour l’ANR mais aussi dans la politique de recherche nationale.

Quelle est la place de la recherche fondamentale dans l’ensemble des subventions allouées par le programme PNANO ?

Elle varie relativement peu. En 2008, elle représentait 65 % des subventions, soit 26 millions d’euros sur 40 millions, tandis qu’en 2009, elle en représentait 62 % avec 21 millions sur 34 millions. Dans ce domaine, ce qui est intéressant au-delà des chiffres, c’est de constater que les industriels s’impliquent de manière croissante dans la recherche fondamentale.

Et côté thématiques, y-a-t-il des évolutions ?

Oui. Nous constatons une légère baisse du thème « composants pour les micro systèmes », même s’ils restent les plus nombreux. Même chose pour les matériaux. En 2009, ils représentaient respectivement 40 % et 30 % des projets retenus. En revanche, nous avons assisté à un fort recul des biosciences. Leur part est passée de 20 à 15 % en 5 ans. Cette évolution s’est faite au profit du pôle instrumentation, métrologie et modélisation dont la part est passée de 7 à 19 % sur la même période. Il faut toutefois prendre ces chiffres avec précaution, car un nombre significatif de projets de recherche sur les nanotechnologies sont présentés dans d’autres programmes. En 2008, nous avions évalué que le programme sur les nanotechnologies finançait directement 59 % des projets proposés dans ce domaine et que le reste se trouvait ailleurs, notamment pour 13 %, dans le programme non thématique. Ce qui semble attester que les nanotechnologies se diffusent aujourd’hui dans tous les segments.

Le débat public sur les nanotechnologies qui vient de se clore a révélé l’existence de fortes inquiétudes concernant l’impact des nanotechnologies sur l’environnement. Financez-vous des projets qui tentent de répondre à ces questions ?

Nous avons introduit ce thème dès 2006. Certes, la part de ces projets dans nos financements reste faible, mais elle augmente régulièrement. En 2006, ils représentaient 1 % du total de notre budget, alors qu’en 2008, ils atteignent les 4 %. Nous finançons, dans ce cadre, aussi bien des projets ayant trait à l’étude des risques pour la santé, notamment sur le lieu de travail, que ceux relatifs à l’impact sociétal.

Dans ce domaine, il faut également mentionner une initiative européenne récente. Celle-ci vise à fédérer les projets des différentes agences de recherche sur les risques inhérents aux nanotechnologies afin d’aboutir à une programmation conjointe via des appels à projets européens. L’ANR est membre de ce projet et a déposé une proposition en ce sens en 2009 avec l’Allemagne, la Suisse, l’Autriche, la Belgique, la Grèce et l’Espagne. Nous attendons un retour au cours de l’année 2010 pour un démarrage effectif en 2011.  »

 

En savoir plus

Didier Théron est responsable du programme Nanotechnologies et Nanosystèmes à l’Agence Nationale de la Recherche depuis décembre 2009. Après un doctorat à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne en 1989, il est entré au CNRS et travaille aujourd’hui à l’Institut d’Electronique, de Microélectronique et de Nanotechnologies à Villeneuve d’Ascq sur des composants avancés pour l’électronique. De 2004 à 2008, il a coordonné le réseau national des Grandes Centrales de Technologies (RENATECH) du CNRS dont le rôle est de mettre à la disposition des chercheurs une infrastructure compétitive au niveau mondial en micro-nanofabrication.

Le programme Nanotechnologies Nanosystèmes (P2N) s’est fixé quatre objectifs en 2010 :

– explorer et progresser dans le domaine de la structuration de la matière et exploiter ces propriétés remarquables dans des fonctions de traitement de l’information et de la communication ;

– progresser dans le domaine des procédés technologiques, de l’instrumentation et de la simulation ;

– explorer le concept de micro et nanosystèmes « intelligents » pour des applications à fort impact sociétal comme la santé, l’énergie et l’environnement ;

– assurer un développement responsable des nanotechnologies et des nanosystèmes au travers de leurs dimensions sociales, culturelles et économiques.

Les axes thématiques de cet appel à projets sont :

– nouveaux matériaux et technologies de fabrication ;
– nanoélectronique-nanophotonique-NEMS ;
– instrumentation-modélisation-simulation ;
– nanotechnologies et nanosystemes pour l’environnement et l’énergie ;
– nanotechnologies et nanosystemes pour la santé ;
– dimensions sociales, culturelles et économiques des nanotechnologies.

Propos recueillis par Anne-Laure Béranger

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