Les expressions, « Il y a toujours du vent quelque part ». « Il y a du soleil en milieu de journée quand le besoin d'électricité est le plus fort », en général énoncées sans s'appuyer sur de quelconques observations chiffrées, semblent relever d'un solide bon sens populaire. Or, ces dernières années ces phrases, imprécises et de ce fait sans véritable utilité, se sont retrouvées élevées au rang de concepts par les promoteurs des énergies renouvelables électrogènes. On parle alors de « foisonnement » et, en ce qui concerne l'électricité photovoltaïque, d'« adéquation production/consommation», auxquels on attribue la vertu de lisser ou d'ajuster aux besoins la production d'un pays ou celle d'un continent. Le foisonnement représente donc la capacité que pourrait avoir la production d'une zone climatique de compenser un excès ou un déficit de production dans une autre zone climatique : cette notion s'applique à l'éolien comme au solaire.
Ce faisant, on cherche avant tout à minorer une faiblesse majeure de ces productions : elles sont essentiellement intermittentes (ce travail traite conjointement de l'intermittence climatique de l'éolien et du solaire et de la variabilité journalière et saisonnière de ce dernier) et très médiocrement prévisibles. On verra qu'elles deviennent difficilement gérables dès que leurs contributions dépassent un certain niveau. En effet, un examen des données de production détaillées, en France comme dans l'Europe interconnectée, montre que l'intermittence est toujours très prononcée. L'amplitude et la cinétique des variations de production peuvent, même pour des tailles modestes de parcs éolien ou solaire, rapidement dépasser celles de la consommation de sorte qu'ils ne répondent que très imparfaitement aux besoins et souvent en créent de nouveaux.
Qu'est-ce que le foisonnement des productions ?
Les dictionnaires français associent le mot « foisonnement » à la seule notion de « prolifération ». Dans cet article, nous avons plutôt utilisé l'acception originale, plus technique et maintenant reprise de façon récurrente par des organismes publics comme l'ADEME ou RTE, de « réduction des fluctuations temporelles de la production éolienne ou solaire par une dispersion géographique de ses sites de production ». Le foisonnement ainsi défini attribue donc à une délocalisation spatiale de la production, la vertu de lisser son évolution en fonction du temps.
Pour illustrer ce concept, on montre, par exemple, que, sur un jour ou quelques jours soigneusement choisis, la production éolienne du Languedoc-Roussillon évolue plus ou moins en opposition de phase avec celle des régions du Nord de la France. Cependant, considéré d'un point de vue statistique, cet exemple n'est pas plus informatif de la réalité du foisonnement que l'observation de deux personnes qui lancent simultanément une pièce de monnaie : il arrive parfois que l'une tombe sur pile et l'autre sur face.
C'est donc sur un ensemble important de données correspondant à une longue période – une année par exemple et pour une résolution temporelle cohérente avec les besoins d'ajustement du réseau électrique (l'heure ou moins) – que la réalité du foisonnement doit être testée.