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Attractivité : la France et l’Europe sont à la croisée des chemins

Posté le 27 juin 2025
par Arnaud Moign
dans Entreprises et marchés

Selon le Baromètre EY de l’attractivité de la France 2025, notre pays reste, en 2024, le pays d’Europe où se sont réalisés le plus grand nombre d’investissements internationaux, malgré un recul de 14% du nombre de projets. Dans le climat de morosité actuel, les dirigeants internationaux n’abandonnent donc pas la France et restent relativement confiants. Néanmoins, cette confiance n’est pas aveugle : pour qu’elle s’inscrive dans la durée, l’Europe et la France devront résoudre rapidement leurs problèmes de compétitivité et de souveraineté actuels.

EY (Ernst & Young), interroge chaque année des milliers de dirigeants d’entreprises étrangères pour recenser leurs investissements en Europe. L’étude dont il est question ici s’appuie à la fois sur une analyse des investissements réalisés en 2024 et de l’opinion d’un panel de 200 dirigeants internationaux.

L’attractivité de l’Europe est en baisse

C’est la deuxième année consécutive que les investissements étrangers sont en diminution en Europe. Ils ont même atteint leur plus bas niveau depuis 2015 avec 5 383 projets en 2024, contre 5 694 en 2023. Même constat concernant l’emploi (période Covid-19 exclue) avec une diminution de 16 % du nombre d’emplois créés, par rapport à 2023, mais avec un effet amplifié par l’absence de croissance économique et la persistance de crises.

Nombre de projets d’investissements étrangers annoncés en Europe (UE27 + 18 autres pays de l’espace européen) entre 2015 et 2024 et nombre d’emplois créés (Source : EY European Investment Monitor 2025)

Dans leur ensemble, les 45 pays concernés par le baromètre auraient donc enregistré une baisse de 5 % des implantations et extensions internationales, par rapport à 2023, ce qui contraste fortement avec les +20 % d’investissements étrangers en Amérique du Nord.

Par ailleurs, ces chiffres sont la conséquence directe de l’Inflation Reduction Act et du Chips Act portés par l’administration Biden. Avec ces deux lois qui favorisent les produits fabriqués sur le sol américain, à grands coups de subventions fédérales, les États-Unis montrent ainsi qu’ils n’ont pas attendu le retour au pouvoir de l’administration Trump pour faire du protectionnisme.

Selon le baromètre EY, cette contraction est d’ailleurs en corrélation directe avec la baisse des investissements américains en Europe, les investisseurs américains pesant environ 25 % des emplois et des projets depuis dix ans ! Il y aurait donc deux causes majeures : d’une part, une certaine frilosité à investir en l’Europe, et d’autre part, une volonté croissante de la part des États-Unis à retenir leurs propres investisseurs.

L’Europe peine à rassurer sur sa capacité à surmonter les crises

Protectionnisme mis à part, pourquoi les investisseurs hésitent-ils à venir en Europe ? L’enquête réalisée auprès de 500 dirigeants internationaux met en lumière les principaux risques pour l’attractivité de l’Europe au cours des trois prochaines années. Sans surprise, les principaux freins sont les tensions et conflits géopolitiques, le contexte macroéconomique et les barrières commerciales (avec les États-Unis principalement).

Viennent ensuite les problèmes de compétitivité, en lien avec les coûts énergétiques, notre capacité d’innovation jugée trop lente, ainsi que les tensions sur le marché du travail.

Réponses des dirigeants internationaux à la question : « Quels sont les trois principaux risques pour l’attractivité de l’Europe au cours des trois prochaines années ? » (source : EY European Investment Monitor 2025)

La France ne manque pas d’atouts…

Si la situation en Europe n’est pas reluisante, et en dépit des interrogations persistantes sur la compétitivité de la France ainsi que des incertitudes budgétaires et fiscales liées à l’instabilité politique, la France demeure malgré tout le pays européen qui reçoit le plus d’investissements étrangers, devant le Royaume-Uni et l’Allemagne.

Car la France conserve de nombreux points forts. Les principaux atouts relevés par le baromètre sont ainsi la force de notre marché intérieur, notre niveau d’innovation, la qualité de notre main-d’œuvre et la qualité de nos infrastructures. Et, chose surprenante : la qualité de vie en France semble également être un avantage fort pour 29 % des répondants, devant la disponibilité d’une énergie faible en carbone !

…mais l’attractivité de la France peut être améliorée

Il est certain que les bouleversements géopolitiques et les tensions commerciales actuelles auront un impact durable sur les flux d’investissement en France et en Europe. Néanmoins, la France a su saisir les opportunités dans des secteurs d’avenir, comme l’IA, l’énergie décarbonée, les logiciels, l’aéronautique, la défense, etc.

Mais le baromètre souligne aussi que les capacités de rebond de la France sont fragiles et que des compromis devront être trouvés rapidement pour lever les principaux freins à la reprise des investissements : coût du travail, stabilité, politique énergétique et environnementale, accès au financement et marché de capitaux, complexité réglementaire et compétitivité fiscale.

Et l’étude est très claire, quant aux priorités de la France. Pour les investisseurs étrangers, les principales mesures qui permettront au pays de maintenir sa position compétitive dans l’économie mondiale consistent à simplifier et réduire la fiscalité, à soutenir les industries stratégiques, à encourager l’innovation, la compétitivité, à soutenir les PME et ETI et à investir dans de grands projets d’infrastructure.

Bien entendu, ces efforts attendus de la part de la France ne suffiront pas à inverser la tendance actuelle et une réponse européenne rapide est plus que jamais nécessaire, notamment en termes de soutien aux PME, ETI, aux industries, et surtout de réduction des prix de l’énergie et d’indépendance énergétique.


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