Les matières plastiques, à la différence des métaux, sont réputées ne pas conduire le courant. De fait, elles sont utilisées pour isoler les fils de cuivre des câbles électriques ordinaires.
Vers la fin des années 1970, A.J. Heeger, A.G. MacDiarmid et H. Shirakawa, lauréats du prix Nobel de Chimie de l’année 2000, ont montré qu’après certaines modifications, un plastique peut devenir conducteur de l’électricité, c’est-à-dire « métal synthétique ». Pour ce faire, le polymère doit être conjugué, c’est-à-dire que la chaîne principale du polymère doit comporter alternativement des liaisons simples et multiples ; de plus il doit être « dopé », ce qui consiste à enlever des électrons (par oxydation) ou à en ajouter (par réduction). Ces « trous » ou électrons supplémentaires peuvent se déplacer le long de la chaîne polymère qui devient ainsi conductrice d’électricité.
À la suite des travaux pionniers sur le polyacétylène (1977), les recherches portèrent sur le développement de nouvelles familles de polymères conducteurs électroniques stables à l’air, avec pour objectif l’accroissement de la conductivité de ces matériaux obtenus sous forme de films ou poudres noirs et insolubles essentiellement. Ultérieurement, les recherches se sont focalisées :
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d’une part sur l’ingénierie et la synthèse de ces polymères de façon à en contrôler les propriétés électriques, optiques, et la mise en œuvre ;
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d’autre part sur la compréhension des mécanismes de transport dans les polymères conjugués au sens large.
Dans le même temps de nouveaux domaines d’applications sont apparus, comme la possibilité d’utiliser les oligomères ou polymères conjugués dans leur état non-dopé (semi-conducteur) comme couche active au sein de dispositifs pour l’électronique organique : diodes électroluminescentes (OLED ou PLED), transistors à effet de champ (OFET ou PFET), lasers pompés électriquement ou encore cellules photovoltaïques.
A.J. Heeger, A.G. MacDiarmid et H. Shirakawa ont fait des polymères conducteurs et des matériaux organiques conjugués de façon plus générale – tant à l’état non-dopé (semi-conducteur) que dopé (conducteur intrinsèque) – un champ de recherche majeur pour les chimistes comme pour les physiciens. Ces matériaux sont à l’origine d’une activité scientifique intense, aussi bien au niveau fondamental qu’au niveau des applications.
Seront présentées l’évolution des centres d’intérêts et les orientations de la recherche dans le domaine des polymères conjugués au cours de ces dernières années dans un bref historique.
Puis, dans un premier volet consacré à une approche des phénomènes physiques mis en jeu, le rôle des électrons π dans les systèmes conjugués sera rappelé. La description des états d’énergie des polymères conjugués en terme de structure de bandes qui en résulte, permettra de les classer comme des semi-conducteurs organiques. Ceci signifie qu’il est possible d’y générer des espèces chargées (par dopage, injection de charges, photo-excitation). Ces porteurs de charges, les mécanismes de conduction à l’origine des propriétés de transport de ces entités dans les polymères conjugués, et les applications en fonction du mode de génération des charges seront présentées.
Enfin, dans un second volet consacré à la chimie de ces matériaux, les grandes tendances en termes de synthèse (méthodes, choix des monomères) seront présentées et les nouvelles approches dans le domaine de l’ingénierie des matériaux conjugués seront dégagées.
Cet article constitue un complément et une actualisation de l’article Polymères conducteurs [E 1 860] du même traité.