Les problèmes tribologiques rencontrés dans l’emboutissage des tôles sont particulièrement difficiles pour au moins deux raisons majeures :
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raisons physiques, tout d’abord : ces problèmes concernent les interactions superficielles des matériaux de surface de la tôle et de l’outil entre lesquels viennent s’intercaler certains constituants du lubrifiant et des débris arrachés à la tôle et à l’outil. De ces interactions découlent le frottement, l’évolution de l’état de surface de la tôle et l’usure de l’outil. Les phénomènes sous-jacents, qui se situent à l’échelle du micromètre, sont complexes et loin d’être tous compris et maîtrisés. Toutefois, la connaissance même purement qualitative de ces questions permet d’orienter dans la bonne direction les travaux de recherche en vue d’élaborer une solution pour un coût raisonnable ;
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raisons industrielles en second lieu : le succès de l’opération d’emboutissage dépend du savoir-faire de trois sociétés : celle qui fabrique la tôle, celle qui élabore le lubrifiant et celle qui réalise l’emboutissage ; une bonne coopération et une bonne circulation des informations entre ces trois partenaires obligés sont donc indispensables, mais cela n’est malheureusement pas toujours le cas. Chacun est très soucieux de ne pas perdre l’avantage qu’il pense détenir sur ses concurrents : par exemple, la composition du lubrifiant est généralement confidentielle. Chacun essaie de laisser ses partenaires prendre en charge la recherche d’une solution ; certains contentieux durables peuvent en résulter. C’est ainsi que, dans les années 80, un dialogue de sourds, aujourd’hui bien dépassé, a paralysé les relations entre les sidérurgistes et les constructeurs automobiles français à propos du formage des éléments de carrosserie en tôle d’acier extra-doux, chacun rejetant sur l’autre la responsabilité des difficultés rencontrées. Cette polémique, dont nous verrons dans cet article comment elle a pris fin grâce à une modification par le sidérurgiste de l’opération de finition de la tôle par laminage skin-pass, a au moins mis en évidence l’imbrication des responsabilités et les moyens d’action possibles.
Le but de cet article est de présenter les problèmes de frottement rencontrés lors des opérations d’emboutissage de tôles, leurs conséquences sur la qualité des pièces formées et les méthodes théoriques ou expérimentales permettant de les résoudre. Nous insisterons ici sur les aspects scientifiques et analytiques de cette question. Nous développerons dans un autre article un aspect plus synthétique et plus appliqué afin, à partir d’exemples, de montrer comment ces méthodes d’approche permettent de résoudre les problèmes pratiques. Pour la description de la déformation plastique du métal, le lecteur pourra consulter pour les notions générales l’article Plasticité en mise en forme [M 590] du traité Matériaux métalliques et pour les notions particulières à l’emboutissage les articles Aptitude à l’emboutissage des tôles minces [M 695] et Tôles pour mise en forme du présent traité. Une présentation générale des problèmes de frottement, de lubrification et d’usure dans la mise en forme des métaux et des modalités pratiques de lubrification est faite dans l’article Lubrification des surfaces lors de la mise en forme [M 597] du traité Matériaux métalliques.