Que recouvre le vocable d'e-management et a-t-il aujourd'hui encore une pertinence ? Il convient de s'interroger sur la raison pour laquelle cette notion semble être en quelque sorte une spécificité française, sans bénéficier – outre-Atlantique voire même dans les pays voisins de l'Hexagone – d'une égale attention. Cela tient sans doute à la nature différente des modalités du management anglo-saxon. Les managers nord-américains ont, semble-t-il, une attitude légitimiste dans l'adoption des évolutions technologiques, dont ils s'emparent et qu'ils intègrent à leurs pratiques de façon plus spontanée et rationnelle. Par contraste, les managers français ont paru plus réservé, dans un premier temps, sur la compréhension de l'ampleur des mutations en cours, même si depuis lors leur position a changé, sous la pression notamment de la concurrence et du grand appel d'air de la mondialisation.
Apparu en France au début des années 2000, le concept d'e-management émerge pour la première fois dans les travaux menés par une équipe de chercheurs (Bellier Sandra, Isaac Henri, Josserand Emmanuel, Kalika Michel et Leroy Isabelle) de l'Université Paris Dauphine, dans le cadre de l'Observatoire de l'e-management né d'une collaboration entre la Cegos et cette université. Professeur des universités, fondateur du DEA « e-management : concepts et méthodes », Michel Kalika publie le 16 avril 2000 dans le n° 129 de la Revue française de gestion l'article intitulé « Le management est mort, vive le e-management ». Dès les premières lignes de ce texte, il déclare : « Tous les secteurs, tous les métiers, toutes les fonctions de l'entreprise ont été, sont ou seront bouleversés par Internet » avant de donner de l'e-management la définition suivante : « L'e-management peut se définir par l'intégration dans l'ensemble des processus de management, c'est-à-dire, la finalisation, l'organisation, l'animation, le contrôle, des impacts et opportunités des nouvelles technologies de l'information et de la communication ». À cette époque, il en donnait pour champ d'application l'e-business (reflet des préoccupations de l'heure), soulevant également la question des implications organisationnelles de cette mutation que ce soit en matière de structure, de gestion des ressources humaines et de fonctionnement global de l'entreprise.
Henri Isaac et Isabelle Leroy rappelaient pour leur part dans « Le e-management : vers l'entreprise numérique » que : « L'émergence du terme e-management a suscité de nombreuses interrogations : notion floue, terme à la mode, aucune réalité tangible. Ce scepticisme s'alimente également d'une autre critique : l'informatisation de la gestion n'est pas récente et Internet n'est qu'une accélération de l'informatisation des entreprises. En d'autres termes les nouvelles technologies de l'information ne modifient pas outre mesure les processus de création de valeur et a fortiori ne modifient pas les compétences individuelles des salariés ». Par ce constat de bon sens, ils rappellent, pour cadrer le sujet, que le management résulte de la conjonction de quatre processus distincts (finalisation des objectifs, organisation, animation des hommes, contrôle) dans l'extension de l'entreprise étendue. Ils procurent aux managers une vision globale de la marche de l'entreprise à partir du traitement de données fournies par le système d'information. Ces mêmes auteurs considèrent que le glissement de sens du management à l'e-management s'opère en fonction de trois phénomènes distincts que sont :
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le degré d'utilisation des applications numériques utilisées dans les différents processus précités ;
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l'ampleur des modifications induites par ces dernières dans les processus de management ;
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le degré de modification des compétences impliquées dans l'exercice du management.
Dans ce même ouvrage collectif, Michel Kalika souligne par ailleurs l'importance des technologies numériques et de l'Internet pour l'entreprise, partant du postulat émis par Fayol suivant lequel les projets qui ne relèvent pas d'une dimension stratégique sont un moindre levier d'évolution de l'entreprise. Ce constat met en lumière l'importance revêtue par la prise de conscience des caractéristiques de l'entreprise étendue, des modifications induites par l'organigramme transversal et par l'importance conférée par la veille stratégique. En clôture de l'ouvrage, l'auteur résume de la façon suivante les différents questionnements propres à l'e-management. Ils interviennent en effet sur :
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les modes de coordination interne ;
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la mesure de l'efficacité et de la rentabilité des investissements ;
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l'accompagnement du changement et de l'acculturation ;
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l'organisation personnelle des managers.
La réflexion proposée dans ce premier ouvrage était approfondie l'année suivante dans un autre livre du même collectif de chercheurs .
Il met l'accent – en lien avec l'e-management et l'entreprise numérique – sur les sujets :