Labellisée en 2005 en tant que pôle de compétitivité, l’association BioValley France tire ses origines de structures mises en place dans les années 1980 dans le Grand Est, mais aussi en Suisse et en Allemagne. C’est ainsi au niveau trinational que rayonne aujourd’hui encore ce pôle dédié à l’animation et au développement de la filière d’innovation santé.
Regroupant acteurs de la recherche publique régionaux, organismes de recherche nationaux, collectivités et entreprises de toutes tailles, le pôle de compétitivité BioValley France s’attelle ainsi à accompagner chacun de ses adhérents individuellement et cherche aussi à créer des synergies au sein de l’écosystème santé. Dans le Grand Est d’abord, mais également au niveau trinational.
Nommée en tant que nouvelle directrice générale du pôle BioValley France le 1er octobre 2022, Caroline Dreyer, nous dresse l’historique et le portrait de ce pôle qui ne cesse, depuis ses origines, de mettre l’innovation au service de la santé, et qui accompagne ainsi aujourd’hui l’émergence de nouvelles filières stratégiques.
Techniques de l’Ingénieur : Quelles sont les différentes étapes qui ont conduit à la création de BioValley France ?
Caroline Dreyer : Le pôle de compétitivité BioValley France s’est construit sur des fondations mises en place il y a longtemps déjà. C’est en effet, tout d’abord, dans les années 80-90 qu’un ensemble d’acteurs alsaciens, mais aussi d’Allemagne et de Suisse –notamment les Bâlois d’Endress+Hauser – ont pris conscience du fait que la région trinationale franco-germano-suisse du Rhin supérieur[1] constituait un substrat fertile pour les entreprises de biotechnologies. Ce territoire était en effet déjà à l’époque doté d’une masse critique de représentants de ce secteur, tant privés qu’académiques. Ils ont donc eu l’idée de créer un cluster visant à donner de la visibilité à ce territoire et à ses acteurs. C’est cette initiative qui a permis de faire naître Alsace BioValley du côté français, en 1998.
À cela s’est ensuite ajouté le lancement par l’État d’un appel à candidatures pour la création des pôles de compétitivité, en 2005. Les acteurs d’Alsace BioValley se sont alors mobilisés, forts de leur écosystème, pour candidater à cet appel à projets. C’est ainsi qu’est né un pôle de compétitivité qui s’appelait, à l’époque, Innovations Thérapeutiques. Très vite, et très naturellement, la fusion entre ces deux structures est apparue comme la suite logique de ces premières étapes. C’est ce qui a permis de créer le pôle de compétitivité Alsace BioValley, caractérisé lui aussi par son ancrage trinational, grâce à ses partenaires BioValley Deutschland et BioValley Basel[2].
Enfin, une dernière touche a été apportée en 2018 et a conduit à la création du pôle tel qu’il est aujourd’hui : c’est la fusion des régions. Notre volonté a alors été de déployer le pôle Alsace BioValley sur l’ensemble du Grand Est, et de changer alors son nom en BioValley France, en écho à ses partenaires suisses et allemands.
Quels types d’acteurs le pôle regroupe-t-il ?
En 2023, sans compter notre réseau de partenaires, nous fédérons un réseau de près de 240 membres ; 240 entités qui ont souhaité adhérer à l’association BioValley France. Parmi ces membres se trouvent des acteurs de la recherche publique, les cinq universités de la région Grand Est, notamment. Des organismes de recherche nationaux comme le CNRS et l’Inserm, présents sur le territoire sont également membres du réseau. Nous avons aussi parmi nos adhérents des hôpitaux – les Hôpitaux Universitaires de Strasbourg notamment – qui sont en effet acteurs à la fois de la recherche et du soin aux patients. Certaines collectivités nous ont aussi rejoints.
D’autre part, les acteurs privés constituent une part importante de nos adhérents. Des entreprises de toute taille – startups, PME, ETI, grands groupes – qui représentent en effet près de 83 % de nos membres.
L’ensemble de ces acteurs publics et privés se mobilisent autour de quatre grandes thématiques verticales : le médicament, qu’il s’agisse de molécules de synthèse ou de biothérapies ; les technologies médicales ; le domaine du diagnostic ; et, pour finir, l’e-santé, qui regroupe des aspects tels que la télémédecine, la thérapeutique digitale et l’accompagnement des patients.
Certains de nos membres travaillent directement à la production de solutions dans ces domaines, quand d’autres se concentrent sur l’accompagnement de ces premiers, en proposant par exemple des prestations de service : prototypage, expérimentation, évaluation…
Et au sein même de ces quatre grandes verticales se greffent aujourd’hui de plus en plus de compétences transverses : le numérique et l’IA générative par exemple, ou encore la transition environnementale, qui porte d’ailleurs elle-même de nombreux enjeux, dont celui de la décarbonation.
Comment, très concrètement, accompagnez-vous vos adhérents ?
Nous agissons tout d’abord à l’échelle individuelle. Chacun de nos membres dispose en effet d’un référent avec qui échanger autour de ses projets. Ce référent a pour rôle d’identifier les éventuelles mises en relation avec d’autres acteurs du réseau qui pourraient être fructueuses, mais aussi d’aider à actionner des leviers de financement. Forts du travail de veille que nous assurons, nous avons en effet une connaissance approfondie des multiples outils de financement dont pourraient bénéficier nos adhérents.
Au-delà de cet accompagnement individuel, nous travaillons aussi à l’animation de l’ensemble de notre réseau. Nous avons ainsi créé l’année dernière des « communautés » : une communauté IA & Santé, une communauté accès aux soins et une communauté bioproduction, que nous avons lancée au mois de novembre dernier. L’objectif est de rassembler les membres concernés et intéressés par ces aspects, afin d’identifier leurs besoins à court terme, de faire naître des projets collaboratifs, mais aussi de prévoir les enjeux à moyen et long terme, dans le but, encore une fois, de construire des projets qui permettront d’y répondre.
C’est là qu’intervient un autre grand pan de l’activité de BioValley France : celui des projets structurants. Ces projets inscrits dans le moyen ou long terme peuvent concerner la mise en place d’outils, d’écosystèmes ou d’infrastructures, voire contribuer à l’élaboration de formations. Tout ceci dans le but de lever un maximum de verrous. Nous travaillons pour cela avec nos membres, mais aussi les collectivités et l’État, dans le but de mettre en place une « boîte à outils » adaptée aux enjeux de la filière et à certaines de ses problématiques d’avenir.
Parmi ces projets structurants, je citerais par exemple la mise en œuvre de la filière bioproduction sur le territoire du Grand Est, une mission que nous a confiée la Région Grand Est.
Depuis 2019, nous portons aussi le projet de structuration de la filière française des organoïdes et des organes sur puce, qui visent à faciliter le développement de médicaments, mais aussi à réduire le recours à l’expérimentation animale. Autre exemple : nous sommes partenaires de premier plan du campus nextmed[3], la marque d’attractivité portée par l’Eurométropole de Strasbourg qui vise à fédérer, sur un même site, les acteurs des technologies médicales et de l’e-santé, afin de stimuler les collaborations, de faciliter les rapprochements. Tous ces projets structurants ont pour objectif global de créer un environnement propice au développement des acteurs de la filière santé sur le territoire, afin de le rendre encore plus performant.
En plus de tout cela, nous accompagnons aussi des projets portant sur les aspects réglementaires, via l’expertise des équipes de la business unit autonome Meduniq Center. Cet accompagnement se destine notamment aux petites entreprises, qui ne disposent pas forcément des capacités pour affronter ces sujets, souvent très complexes.
Enfin, le dernier volet de notre action consiste à donner de la visibilité à nos membres, par le biais d’actions de communication, d’actions événementielles au niveau territorial, national et trinational notamment.
Vous avez été nommée en tant que nouvelle directrice générale du pôle BioValley France le 1er octobre 2022. Depuis lors, quelle est la principale « impulsion » que vous avez souhaité lui donner ?
J’ai notamment souhaité pousser la mise en place des communautés que j’évoquais. Ces groupes de travail vont en effet nous permettre de préparer l’avenir en adoptant une organisation agile, flexible, susceptible d’évoluer, sans carcan, à la faveur de l’émergence de nouveaux sujets, de nouvelles solutions et de nouveaux défis. C’est vraiment cet aspect-là auquel j’ai tenu à donner une impulsion toute particulière, afin que nous puissions jouer au mieux notre rôle de catalyseur, d’animateur et d’accompagnateur de l’écosystème d’innovation en santé.
[1] L’espace trinational franco-germano-suisse du Rhin supérieur réunit l’Alsace, la partie occidentale du Land du Bade-Wurtemberg, le Sud de la Rhénanie-Palatinat et les Cantons suisses de Bâle-Ville, Bâle-Campagne, Soleure, Jura et Argovie (Source).
[2] BioValley Deutschland et BioValley Basel
[3] Campus nextmed
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