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Recyclage : le talon d’Achille des énergies vertes ?

Publié en septembre 2025

La France et l’Europe entrent dans une nouvelle phase de leur transition énergétique : celle où les technologies renouvelables, après des décennies de service, arrivent en fin de vie. Les panneaux photovoltaïques et les éoliennes, souvent présentés comme recyclables à plus de 90 %, posent pourtant un défi bien plus complexe qu’il n’y paraît. Entre potentiel théorique et réalité industrielle, un fossé persiste, alimenté par des obstacles techniques, économiques et logistiques.

En 2024, la France a collecté près de 9 500 tonnes de panneaux solaires, soit une hausse spectaculaire de 80 % par rapport à l’année précédente. Ce progrès place le pays en tête des performances européennes avec un taux de collecte de 77 %, mais il reste encore loin de l’objectif de 85 % fixé par la directive DEEE. 

Un tiers des panneaux échappe toujours à la filière réglementée, alimentant le marché de seconde main ou l’exportation. Sur ceux qui sont effectivement collectés, le recyclage atteint 94 %, mais cette performance repose surtout sur le verre et l’aluminium, matériaux peu stratégiques. Les métaux critiques – argent, silicium, cuivre – qui concentrent pourtant une grande partie de la valeur économique et de l’intérêt stratégique, restent difficiles à extraire avec les procédés classiques.

C’est précisément sur ce terrain que des acteurs comme ROSI innovent. La jeune entreprise grenobloise a mis au point un procédé breveté combinant pyrolyse, tri mécanique et chimie douce pour isoler et purifier l’argent et le silicium avec une finesse inédite. Son usine pilote, inaugurée en 2023, fournit déjà des matières premières de haute qualité à diverses industries locales. Ce type d’approche, centrée sur le recyclage à haute valeur ajoutée, pourrait transformer un déchet en gisement stratégique, réduisant ainsi la dépendance aux ressources primaires importées.

Du côté de l’éolien, le défi se concentre sur les pales, majoritairement fabriquées en composites de fibres et résines thermodurcissables. Si les mâts et les nacelles, majoritairement métalliques, se recyclent facilement, les pales restent un casse-tête industriel. D’ici à 2030, l’Europe devra traiter 50 000 tonnes de ces matériaux chaque année. Les solutions se multiplient : fabrication de pales thermoplastiques entièrement recyclables, procédés chimiques pour récupérer fibres de verre et de carbone, recyclage mécanique en additifs pour matériaux de construction… Mais pour l’instant, la majorité des pales finissent en valorisation énergétique ou en remblais. La structuration d’une filière robuste, capable de traiter ces volumes à grande échelle, reste aujourd’hui à bâtir.

La réglementation tente de suivre le mouvement. Les panneaux photovoltaïques bénéficient depuis 2014 d’une filière REP financée par l’éco-contribution, garantissant un financement anticipé et stable pour leur fin de vie. L’éolien pourrait rejoindre ce modèle d’ici 2026-2027, ce qui faciliterait la mutualisation des coûts et le développement d’outils industriels. Au niveau européen, la révision à venir de la directive DEEE pourrait introduire des objectifs précis de récupération pour les matériaux stratégiques, inspirés du règlement sur les batteries.

Ce mouvement, encore en construction, illustre une évidence : pour que  les énergies solaire et éolienne tiennent pleinement leurs promesses, leur cycle de vie doit devenir circulaire. Cela suppose d’améliorer la collecte, d’investir dans des technologies capables de valoriser les matières les plus précieuses, et d’encourager la coopération entre producteurs, recycleurs et pouvoirs publics. L’enjeu n’est plus seulement environnemental, il est aussi économique et stratégique. Dans un monde en quête d’indépendance énergétique et de souveraineté industrielle, chaque gramme d’argent, chaque fragment de silicium, chaque fibre de carbone récupérée compte. Transformer nos infrastructures énergétiques en gisements locaux permet de préparer dès aujourd’hui la solidité et la durabilité du système énergétique de demain.

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