Dès lors qu’une pierre est extraite de son milieu naturel, géologique, puis qu’elle est taillée, sculptée et mise en œuvre, débute un processus d’altération irréversible. Le mot altération prend ici le sens de « changement », de « modification ». La proximité de cette pierre avec d’autres matériaux (mortier, bois, céramique, verre, métal, béton…) et la variabilité des environnements dans lesquels elle est mise en place, engendrent irrémédiablement une infinité de formes d’altérations que l’on entreprend de nommer, de classer, de mesurer, de quantifier, pour lesquelles on s’attache à identifier les causes et que l’on cherche à guérir, à atténuer et à stabiliser.
Pierres et mortiers, souvent à tort dissociés dans l’étude des matériaux constitutifs des maçonneries, devraient être considérés comme un ensemble. Les spécificités et la grande variabilité du matériau pierre ont induit un intérêt et une littérature plus riches que pour les mortiers mais le présent article s’attache, autant que possible, à réorienter les méthodes de diagnostic et de restauration qu’il présente, afin de traiter de la maçonnerie en général.
Les ouvrages en maçonnerie représentent une quantité importante de structures et d’objets très vastes, des bâtiments aux murs de soutènement, en passant par les tunnels, les barrages, les ponts, les aqueducs et même les revêtements de sols. Cependant, l’article se focalise principalement sur l’étude des bâtiments anciens en pierres maçonnées permettant ainsi d’illustrer un grand panel de méthodes.
Il faut néanmoins noter que le terme « bâtiment » reste large et qu’il inclut à la fois les ouvrages protégés (les « Monuments Historiques » en France) ou ceux non protégés qui ont tous toutefois en commun d’être anciens et de nécessiter, au fil des années et des usages, d’être conservés, restaurés et entretenus.
Selon le niveau de protection de l’édifice, les règles, les contraintes et les procédures d’autorisation sont différentes. Un bâtiment maçonné non protégé répondra aux mêmes règles de réhabilitation et de travaux que n’importe quel bâtiment courant. En revanche, les bâtiments protégés seront considérés différemment selon qu’ils sont inscrits (ceux qui présentent un intérêt d’histoire ou d’art suffisant pour en rendre désirable la préservation) ou classés (ceux qui présentent, au point de vue de l’histoire ou de l’art, un intérêt public). La maîtrise d’œuvre sur les bâtiments protégés, sera systématiquement confiée à un architecte. Pour les édifices classés, les travaux sont soumis aux dispositions du code du patrimoine.
L’intervention sur les édifices protégés implique la collaboration de différents acteurs et corps de métiers et la pluridisciplinarité est la clé de toute la démarche de diagnostic et de conservation-restauration pratiquée par les architectes, les conservateurs, les restaurateurs et les laboratoires. La charte de Venise stipule que « la conservation et la restauration des monuments constituent une discipline qui fait appel à toutes les sciences et à toutes les techniques qui peuvent contribuer à l'étude et à la sauvegarde du patrimoine monumental ». Bon nombre de disciplines gravitent donc autour des problématiques de diagnostic, de conservation et de restauration du patrimoine bâti et les outils et méthodologies mis en place se nourrissent de ces disciplines. L’un des objectifs de cet article est de les décrire.
La variabilité des disciplines œuvrant autour d’un même objectif, associée à la variabilité des matériaux et des environnements, ont conduit à la nécessité de développer un cadre normatif, qu’il s’agisse des méthodes de diagnostics ou de restaurations. L’élaboration et la mise à jour de ces normes, ainsi que leur inscription dans un contexte européen, se sont faites progressivement et elles continuent d’évoluer. Le travail de diagnostic et de conservation-restauration tel qu’il est pratiqué aujourd’hui, s’appuie sur ces normes et ces dernières sont utilisées par tous les acteurs du processus de restauration, qu’il s’agisse de la maîtrise d’œuvre, de la maîtrise d’ouvrage, des scientifiques de la conservation-restauration, ou des restaurateurs eux-mêmes.