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« Les ingénieurs et les scientifiques ont un rôle moteur à jouer »

Posté le par La rédaction dans Entreprises et marchés

[Interview] Julien Roitman - CNISF

Le Conseil national des ingénieurs et scientifiques de France (CNISF) vient de nommer Julien Roitman à sa tête. En tant que président, il avait su dynamiser l'association des anciens de Supélec. Aujourd'hui, il compte ouvrir davantage le CNISF aux universités et donner plus de visibilité aux ingénieurs et scientifiques. Rencontre.

C.N.I.S.F., Cnisf ? Plus question d’écorcher le sigle ou de tenter de le prononcer en acronyme. On parlera désormais des Ingénieurs et scientifiques de France. Cette nouvelle appellation n’a rien d’anecdotique. Elle marque une volonté de renouveau pour une association qui souhaite gagner en visibilité. Elle intervient surtout à la demande du président fraîchement nommé, Julien Roitman, qui a déjà fait ses preuves à la tête des anciens de Supélec.

Techniques de l’ingénieur : Qui les Ingénieurs et scientifiques de France représentent-ils ?

Julien Roitman : Le terme d’ingénieur est ambigu. Il désigne à la fois ceux qui ont un diplôme d’ingénieur, mais qui n’exercent pas forcément ce métier, et ceux qui exercent le métier sans forcément avoir le diplôme. Les scientifiques représentent aujourd’hui une petite part de la fédération, mais je souhaite que cela change. Les anciens d’université doivent aussi être représentés.

La vocation des Ingénieurs et scientifiques de France est de rassembler les ingénieurs et les scientifiques et leurs associations et de les représenter à l’extérieur, auprès des pouvoirs publics, du monde économique et du grand public. Nous publions aussi un répertoire des ingénieurs de 3 à 400.000 noms, qui permet de valider si une personne est bien diplômée de telle ou telle école. J’aimerais que nous rajoutions dans cet annuaire les doctorants et les masters. 850.000 ingénieurs et scientifiques sont recensés en France.

Vous souhaitez vous ouvrir davantage aux scientifiques. Les barrières entre grandes écoles et universités pourraient-elles tomber ?

Les universités connaissent un phénomène de fond, avec une autonomie accrue, une organisation en pôles régionaux, etc. D’ici à une dizaine d’années, de nombreuses universités vont ressembler de plus en plus aux grandes écoles. De plus en plus d’associations d’anciens d’universités vont se créer, et notre rôle sera aussi de les fédérer. Nous devons nous tourner vers les universités et les aider à développer ces associations.

En tant que président des anciens de Supélec, vous avez œuvré pour l’alliance entre Centrale Paris et Supélec. Quel bilan en tirez-vous ?

J’ai en effet participé à la mise en place de cette alliance entre Centrale Paris et Supélec. Nous avons rejoint le pôle de recherche et d’enseignement supérieur UniverSud Paris, qui regroupe notamment l’université Paris-Sud 11 et l’ENS Cachan. Nous nous rapprochons d’un modèle américain comme Harvard ou le MIT. Je suis convaincu qu’il s’agit d’une bonne approche. En France, nous rencontrons un problème de masse critique, avec 210 écoles et 30.000 ingénieurs. Le classement de Shanghai ne s’intéresse pas aux universités de moins de 1.000 diplômés. Centrale / Supélec fournit un bon exemple de rapprochement sans que les écoles ne perdent leur spécificité.

Le système de sélection des grandes écoles doit-il disparaître ?

Il n’est pas question de changer le système de sélection. Il faut aider au maximum les étudiants à atteindre ce niveau et leur donner les moyens d’intégrer une école. Le concours de Centrale / Supélec est désormais gratuit. Nous proposons aussi une filière d’apprentissage.

Quels seront les autres grands chantiers de votre mandat ?

Nous devons être un lieu de rencontre et d’échange. Pour cela, il faut développer les activités transversales, notamment grâce aux comités sectoriels. A un autre niveau, nous devons recenser des experts de tel ou tel domaine. Cela permettra de donner du contenu aux comités et surtout de répondre aux demandes de l’extérieur, du monde politique ou des médias par exemple. Il faut pour cela s’appuyer sur les grandes écoles et les associations d’anciens, c’est un travail de longue haleine. Nous disposons d’une veille technologique intéressante. Il nous faut aussi mettre en place une veille politique et sociétale.

Etes-vous un lobby défendant les intérêts des ingénieurs ?

Notre objectif n’est pas de défendre des intérêts catégoriels. Nous considérons que si la France a une chance de sortir de ses difficultés, c’est en développant son économie, basée essentiellement sur l’industrie et les services. Les ingénieurs et les scientifiques ont donc un rôle moteur à jouer. On parle beaucoup d’innovation, elle repose en grande partie sur les ingénieurs et les scientifiques. Il faut leur permettre de contribuer au mieux à cela. Lors des grands débats, nous restons souvent « la grande muette ». Cependant, dans le domaine des transports, du développement durable, du réchauffement climatique etc., notre opinion me semble importante. Nous sommes sur le terrain, il nous faut aussi prendre des positions, faire des propositions, voire les mettre en œuvre.

De quels moyens de communication disposez-vous ?

A part notre enquête annuelle et un annuaire, nous ne disposons pas de publication. Nous devons produire des documents, des livres blancs, des propositions… Nous devons aussi utiliser les réseaux sociaux. Nous avons créé un groupe sur Viadeo, et nous serons bientôt sur LinkedIn et Facebook. Il faut aussi convaincre les écoles d’aller sur les réseaux sociaux et leur expliquer comment faire.

Nous organisons le Prix des ingénieurs de l’année et le Prix de l’ingénieur-inventeur Prix Chéreau Lavet. Le Club Lamennais propose des petits-déjeuners avec des personnalités. Nous devons être plus en contact avec le monde politique et les entreprises.  Tout cela va prendre du temps. Il faudra aussi que les membres de l’association s’approprient les projets et soient motivés.

Comment peut-on attirer plus d’étudiants dans les filières scientifiques ?

Les études scientifiques connaissent une désaffection progressive. Notre mission est aussi d’agir contre cette tendance. Il faut par exemple intervenir dans les collèges et lycées pour expliquer ce qu’est notre métier. Les métiers d’ingénieur ne font plus rêver comme à une époque. Ce sont pourtant des métiers dans lesquels on peut se mobiliser sur un sujet technique pointu, tout en faisant preuve de créativité, en conduisant une équipe et en faisant aboutir des grands projets. Cela permet de vivre des carrières très variées.

La formation des ingénieurs vous semble-t-elle adaptée ?

La formation en grande école, spécifique à la France, est très appréciée à l’étranger. Elle est de plus en plus tournée vers l’international et vers les doubles diplômes, soit dans des pays différents soit dans des disciplines différentes. Il faut encourager cette tendance et probablement rajouter une dimension marketing, communication et management.

Propos recueillis par Corentine Gasquet et Anne-Laure Béranger

 

Conseil national des ingénieurs et scientifiques de France : www.cnisf.org

Parcours de Julien Roitman

Diplômé de Supélec et d’une maîtrise en physique, Julien Roitman a travaillé presque toute sa carrière chez IBM, son dernier poste étant directeur général des opérations pour la France. Il a ensuite créé un réseau d’aide aux pôles de compétitivité (France compétitivité). Président des anciens de Supélec pendant trois ans, il vient de quitter ses fonctions pour rejoindre le CNISF comme président.

 

 

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