Pourquoi de nouveaux solvants ? L’utilisation de solvants variés offre de nombreuses possibilités pour contrôler et influencer les réactions chimiques. En effet, des espèces chimiques peuvent exister ou non selon le solvant employé, du fait de la stabilisation de degrés d’oxydation nouveaux ou de la formation de complexes différents. Bien qu’abondamment employé depuis de très nombreuses années, le solvant eau impose un certain nombre de limitations, notamment dans l’industrie chimique organique et organométallique. Ceci explique que les solvants non aqueux, et particulièrement les solvants organiques, ont été, et sont encore, massivement utilisés dans les procédés chimiques.
Aujourd’hui, le contexte évolue. Les solvants organiques, très efficaces en termes de réactivité chimique, sont aussi, pour bon nombre d’entre eux, inflammables, très volatils et toxiques (cancérigènes, mutagènes, etc.). De ce fait, l’industrie chimique est de plus en plus souvent montrée du doigt pour sa participation à la pollution environnementale et à l’effet de serre. C’est la raison pour laquelle de nouveaux solvants, possédant des propriétés attrayantes, sans les inconvénients des solvants organiques, ont été envisagés. Les liquides ioniques, sels fondus à température ambiante et stables à l’air, en font partie. Dans ces milieux, de nombreux procédés industriels sont en cours de transposition. En effet, l’une des propriétés les plus intéressantes des liquides ioniques concerne leur tension de vapeur négligeable, ce qui permet une récupération aisée des produits finaux par distillation, sans dégradation ni perte du solvant par évaporation et, par voie de conséquence, un taux de recyclage élevé du solvant. De ce fait, l’emploi des liquides ioniques contribue à la diminution des pollutions atmosphériques et des quantités d’effluents à gérer. C’est la raison pour laquelle ils appartiennent à la catégorie dite de la « la chimie verte ».
Outre une nomenclature, les aspects historiques et quelques aperçus sur la synthèse et la purification des liquides ioniques, nous présenterons les principales propriétés physico-chimiques de ces milieux, telles qu’elles sont connues à la fin de 2003. Compte tenu de la relative nouveauté de ces milieux, il n’est pas rare que des valeurs expérimentales ou des interprétations soient sensiblement différentes d’un article à un autre. Aussi, bien que le présent article puisse être lu comme un tout cohérent, avons-nous tenu à ne pas occulter ces désaccords, en faisant largement référence à la littérature, afin que le lecteur, intéressé par un point très particulier, puisse juger sur pièce. Le lecteur consultera avec profit d’autres ouvrages sur le sujet comme par exemple, pour les propriétés physico-chimiques et l’emploi des liquides ioniques en synthèse, l’excellent livre ou une revue plus restreinte, axée plutôt sur les aspects de catalyse .