En complément de la description des principes sous-tendant l’innovation frugale (cf. Comprendre les stratégies de conception frugale), vous aborderez ici la façon d’instaurer ces principes dans votre organisation.
L’approche bottom-up de l’innovation frugale s’inspire des logiques jugaad, où les concepteurs bricolent et innovent « à l’envers », c’est-à-dire en partant de leurs besoins et des ressources disponibles. Plusieurs stratégies peuvent vous inspirer pour remodeler offres et produits vers les besoins réels.
- Combinez les technologies existantes pour repenser leur utilité : une lampe qui permet de charger les batteries, une machine à laver qui lave les pommes de terre, une télévision qui surfe sur Internet… Le groupe français Schneider Electric, le chinois Haier et l’indien Tata Consulting Services montrent une manière d’agréger les technologies existantes en repoussant la frontière de l’identité des objets, et dans le but de fournir davantage de services, à moindre coût.
- Concevez directement l’essentiel : au lieu d’ajouter des caractéristiques, les innovateurs frugaux déconstruisent les produits et les remodèlent selon les besoins les plus importants de leurs clients. De la même manière, Siemens a repensé les moniteurs de cœur fœtal actuels – basés sur une technologie coûteuse d’ultrason – pour se focaliser sur un simple microphone, moins cher et permettant d’offrir la fonctionnalité voulue.
- Étendez les possibilités des technologies actuelles : l’utilisation des ressources informatiques existantes et de leurs supports associés vous permet d’amortir les coûts de développement initiaux avec un coût de production nul. Ainsi l’utilisation du téléphone portable par exemple sert aujourd’hui de supports à de nombreux services, par exemple financiers (M-PESA au Kenya) ou de gestion d’agriculture (Tata Consultancy Service en Inde). Autres exemples, ABB en Tanzanie ou CREOS à Haïti prolongent leur système de gestion de l’électricité vers de nouveaux services spécifiques aux zones rurales ou défavorisées.
L’utilisation des téléphones mobiles : l’exemple de M-PESA
L’étude des transferts d’argent en Afrique centrale (Ouganda et Botswana) a été l‘origine d’une réflexion : puisque les populations utilisaient les crédits de télécommunication à des fins de transfert d’argent, pourquoi ne pas favoriser ce système d’échange pour leur permettre de payer grâce aux téléphones portables ? Le projet M-PESA, lancé en 2005 au Kenya et exploité en 2007 par Vodafone, permet de déposer, retirer et transférer de l’argent, ainsi que de payer des factures par le biais de SMS. Grâce à une plate-forme technologique solide et un réseau mobile mondialement développé, le système s’étend aujourd’hui dans plusieurs pays (Tanzanie, Afghanistan, Afrique du Sud, Inde…) et diversifie ses offres (assurance, microfinance…).