Logo ETI Quitter la lecture facile

En ce moment

Le charbon : le problème de la Banque Mondiale

Posté le par La rédaction dans Environnement

[Tribune] Mindy S. Lubber

Même si les Etats-Unis réduisent leurs émissions de gaz à effet de serre, la Chine et l'Inde sont sur le point d'écraser l'Occident alors qu'elles construisent d'énormes centrales à charbon. Mais qui finance ces nouvelles centrales à charbon dans les pays émergents ?

Mindy S. Lubber est la Présidente de Ceres, une coalition américaine d’investisseurs et de leaders dans l’environnement qui vise à améliorer les pratiques de gouvernance sociale et environnementale dans les entreprises. Elle aborde ici le problème récurrent de l’usage du charbon, le combustible fossile le plus polluant pour l’atmosphère, mais qui reste trop largement utilisé.A Washington, c’est un casse-tête climatique dont tout le monde parle : même si les Etats-Unis réduisent leurs émissions de gaz à effet de serre, la Chine et l’Inde sont sur le point d’écraser l’Occident alors qu’elles construisent d’énormes centrales à charbon. Pour les politiques, nous devons inciter la Chine et l’Inde à consommer moins de charbon, la plus sale des énergies fossiles, pour propulser leurs économies.Mais qui finance ces nouvelles centrales à charbon dans les pays émergents ? Il faut chercher du côté de la Banque Mondiale, de la Banque Asiatique de Développement et autres institutions financières publiques internationales soutenues par les nations les plus prospères.Alors que le monde industrialisé lutte pour réduire ses émissions et s’apprête à négocier un traité climatique international à Copenhague, il finance plusieurs milliers de mégawatts produits par les nouvelles centrales à charbon des pays en développement.

37 milliards de dollars investis dans des centrales à charbon
Une nouvelle étude de Bruce Rich, auparavant à la fondation américaine Environmental Defense Fund, montre que les institutions financières publiques internationales ont donné 37 milliards de dollars pour la construction d’au moins 88 nouvelles centrales à charbon dans les pays en développement depuis 1994. Qui plus est, ces 37 milliards de dollars de financement direct en ont garanti 60 autres en provenance de fonds privés et locaux, ce qui monte l’investissement total dans les nouvelles centrales à charbon des pays en développement à plus de 100 milliards de dollars.La Banque Mondiale classe ces centrales parmi les projets à faibles émissions de CO2 dans le cas des centrales supercritiques1 soi-disant à faible taux d’émissions.Hors, ces 88 centrales à charbon vont émettre 792 millions de tonnes de CO2 par an, réduisant à néant la réduction d’émissions à laquelle le projet de loi Waxman-Markey espère aboutir d’ici la prochaine décennie.L’année 1994 est prise comme référence car il s’agit de l’entrée en effet de la Convention des Nations Unies sur le climat, date à laquelle les pays industrialisés se sont engagés à financer la lutte contre le changement climatique dans les pays pauvres. Au lieu de cela, les nations les plus riches ont mis en place une infrastructure à forte teneur en CO2 qui va opérer pendant des dizaines d’années.Certes, ces mêmes prêteurs ont engagé 6 milliards de dollars ces 15 dernières années pour aider les citoyens les plus vulnérables à s’adapter au réchauffement climatique. Mais ce n’est qu’une fraction des 100 milliards investis dans des centrales à charbon. C’est ce qui s’appelle se tirer une balle dans le pied.

« Les centrales à charbon se construiront avec ou sans notre aide »
Voici ce que l’économiste en chef de la Banque Mondiale a à dire : « Dans la mesure où le charbon est bon marché et abondant et que les besoins en électricité sont si grands, les centrales à charbon se construiront avec ou sans notre aide. Sans notre aide, ce sont les moins chères et les plus sales qui prolifèreront. »Faux, répond le Center for Global Development. La plupart des nouvelles centrales à charbon construites sans l’aide de la Banque Mondiale, du moins en Inde, sont des centrales supercritiques car les coûts opérationnels et de carburant sont les plus faibles.Mais les centrales supercritiques sont seulement légèrement plus propres. Elles produisent environ 15 % de moins de CO2 que les centrales à charbon traditionnelles, selon l’Environmental Defense Fund, et elles ne sont pas aussi propres que les centrales à gaz naturel.

Des alternatives existent
Ce qui m’amène aux alternatives. Il y a un meilleur moyen d’alimenter les pays pauvres en électricité : les institutions financières internationales devraient investir davantage dans les énergies renouvelables et la modernisation des réseaux.Aujourd’hui la Banque Mondiale dépense deux fois plus pour les énergies fossiles que pour les nouvelles énergies renouvelables et l’efficacité énergétique réunies, et cinq fois plus que pour les énergies renouvelables seules.C’est une occasion manquée alors que les projets à grande échelle pour les énergies renouvelables sont si réalisables dans les pays en développement. Prenez l’état de Gujarat en Inde, où une énorme centrale à charbon de 4.000 megawatts, la Tata Mundra, est construite avec l’aide de la Banque Mondiale.

Redéfinir les « faibles émissions »
Plus de 7.000 megawatts issus des énergies renouvelables sont également en jeu ici, sans aucune aide des banques internationales de développement. AES, une société américaine, y construit notamment une centrale thermique solaire pour 1,2 milliards de dollars.Enfin, les institutions financières doivent être plus strictes sur la définition de « faibles émissions ». Les centrales à charbon supercritiques [1] entrent aujourd’hui dans cette vaste catégorie, ce qui vide de sens les 40 % de prêts de la Banque Mondiale en direction d’énergies à faibles émissions.Ces réformes sont impératives car si nous ne freinons pas l’augmentation des émissions de CO2 du charbon dans les pays en développement, aucune réduction des émissions des pays riches ne fera une différence.[1] Les centrales supercritiques (SC) demandent moins de charbon par mégawatt-heure, ce qui veut dire moins d’émissions (notamment de dioxyde de carbone et de mercure), une plus grande efficacité et des coûts moins élevés par mégawatt. 

Source :
Marc Gunther.comMindy S. Lubber est la Présidente de Ceres, une coalition américaine d’investisseurs et de leaders dans l’environnement qui vise à améliorer les pratiques de gouvernance sociale et environnementale dans les entreprises. Elle dirige également le Réseau des investisseurs sur le risque climatique (INCR), une alliance qui coordonne les réponses des investisseurs américains aux risques et opportunités financières posés par le changement climatique.

Pour aller plus loin

Posté le par La rédaction


Réagissez à cet article

Commentaire sans connexion

Pour déposer un commentaire en mode invité (sans créer de compte ou sans vous connecter), c’est ici.

Captcha

Connectez-vous

Vous avez déjà un compte ? Connectez-vous et retrouvez plus tard tous vos commentaires dans votre espace personnel.

INSCRIVEZ-VOUS
AUX NEWSLETTERS GRATUITES !