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Décryptage

Reach, 5 ans après

Posté le par La rédaction dans Chimie et Biotech

Trop lacunaire pour les défenseurs de l’environnement, l’encadrement européen des substances chimiques est un fardeau financier et bureaucratique pour les entreprises.

Les étapes

A ce jour, la base de données de l’Echa, l’agence européenne des substances chimiques, répertorie 7 649 substances. Si les procédures sont respectées, 30 000 produits auront été passés au crible en 2018.

  • 1er juin 2007 : Entrée en vigueur du règlement
  • 1er juin au 1er décembre 2008 : Enregistrement préalable des substances (nom, quantité, identité de l’entreprise…) pour que les entreprises puissent continuer à fabriquer ou importer des substances tout en disposant de plus de temps pour constituer un dossier complet en vue de l’enregistrement final. Suspension de l’utilisation des produits chimiques au-delà du 1er décembre 2008 pour les fabricants ou importateurs qui ne se sont pas conformés à cette première obligation.
  • 30 novembre 2010 : Date butoir d’enregistrement des substances produites ou importées en quantités égales ou supérieures à 1000 tonnes par an, des substances cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction à partir d’une tonne par an, des substances classées comme très toxiques pour les animaux ou végétaux aquatiques.
  • 2012 : 84 substances, identifiées comme “extrêmement préocupantes”, ont été inscrites sur une liste candidate, alors que l’objectif initial était de 150 à la fin de l’année. En fonction des données récoltées, Bruxelles pourra décider de les interdire ou de maintenir leur utilisation sous certaines conditions.
  • Début 2013 : Publication des conclusions de la Commission sur la mise en oeuvre de Reach (review)
  • 31 mai 2013 : Enregistrement des substances produites ou importées en quantités égales ou supérieures à 100 tonnes par an.
  • 31 mai 2018 : Enregistrement des substances produites ou importées en quantités égales ou supérieures à une tonne par an.

Vent de critiques

Depuis 5 ans, les industriels européens ont appris à vivre avec les contraintes prévues par la législation européenne sur les produits chimiques.

Objet d’âpres débats pendant leur négociation, les 800 pages de règlement prêtent toujours le flanc aux critiques. Deux camps divisés apparaissent. D’un côté, les défenseurs de l’environnement, pour qui la mise en œuvre de Reach comporte de nombreuses failles. De l’autre, les industriels, inquiets des surcoûts engendrés par l’instruction des dossiers, le remplacement de certaines substances par d’autres, et sceptiques sur la promesse de compétitivité que Bruxelles associe à Reach. Dans toute la chaîne d’approvisionnement, l’ensemble des entreprises sont appelées à s’informer mutuellement des substances chimiques utilisées. Des contraintes auxquelles les PME doivent également se préparer, alors qu’elles sont moins armées que les géants de la chimie.

Distorsions de concurrence

7600 substances ont à ce jour été enregistrées auprès de l’agence européenne des produits chimiques. Une démarche qui permet de récolter des informations sur leurs applications et leurs effets potentiellement nocifs sur la santé, en vue d’autoriser ou d’interdire leur utilisation.

« Reach avait comme objectif de renforcer l’image de la chimie et la compétitivité des entreprises », rappelle Jean Pelin, directeur général de l’Union des industries chimiques, perplexe sur les vertus prêtées au règlement, mais déterminé à en dénoncer le prix. Le coût de la première vague d’enregistrement est estimé à 2, 1 milliards d’euros, alors que la Commission européenne « avait chiffré l’impact global de Reach (toutes étapes confondues) à 2, 3 milliards d’euros ». A l’échelle des entreprises, la mise en oeuvre varie de 50 000 euros à 1 million d’euros.

La déclaration des produits concerne aussi bien les produits fabriqués dans l’UE qu’importés d’ailleurs. Des contraintes susceptibles d’inciter les autres continents à prendre le chemin de la chimie responsable. A ce stade, l’arsenal juridique s’exporte mal. En dehors de la Corée du Sud et de la Turquie, peu de pays semblent avoir emboîté le pas à l’UE. « Pour les Etats-Unis, Reach est un anti modèle », relève Jean Pelin, ajoutant que d’autres grandes puissances économiques, comme la Russie et l’Inde, s’en étaient également écartées.

Ces pratiques divergentes sont le creuset de conflits commerciaux et sanitaires. Certains « exemples sont frappants », note la députée européenne Françoise Grossetête (UMP/PPE), citant le cas de fongicides toxiques retrouvés dans les meubles ou encore les vêtements venus de pays tiers. « Nous souhaiterions que la règlementation européenne soit plus exigeante dans les produits que nous importons », réclame l’élue. Un problème soulevé par Louis Gallois dans le rapport sur la compétitivité qu’il a remis au gouvernement.

« Toute la crédibilité du système repose sur le contrôle de la mise en œuvre de Reach sur le terrain, que ce soit à l’importation, dans les circuits de distribution ou de fabrication », reconnaît Patricia Blanc, chef du service de la prévention des nuisances au ministère du Développement durable. Ce dernier réalise 300 à 400 contrôles par an, sans compter ceux menés par d’autres administrations comme les douanes, l’inspection du travail, la direction de lutte contre les fraudes…

« Black listing »

Les failles de Reach dépassent d’ailleurs le seul champ conflictuel des importations. L’agence européenne Echa est régulièrement épinglée par les ONG pour son laxisme présumé lors dans le traitement des dossiers des industriels. L’un des principes fondamentaux de Reach repose sur le « no data, no market ». En clair, aucune substance ne peut être commercialisée si l’Echa n’a pas reçu les informations nécessaires à son enregistrement.

Ce « principe est mis en péril, car les dossiers présentés présentent de nombreux points de faiblesse » estime Yannick Vicaire, chargé de campagne pour le Réseau environnement santé. Des lacunes particulièrement notables dans le domaine des substances dites ‘intermédiaires’, destinées à être transformées, pour lesquelles 86 % des dossiers reçus par l’Echa n’étaient pas conformes. Pour autant, les industriels ne subissent pas de sanctions. L’agence européenne se réduit à « une chambre d’enregistrement » et des « substances mal enregistrées peuvent être mises sur le marché », avance-t-il.

Même imparfaite, la mise en œuvre de Reach permet de repérer les substances préoccupantes appelées à être interdites et remplacées ou, en l’absence de produit de substitution adapté, à être autorisées dans des conditions précises.

Pour anticiper cette échéance, le Nickel Institute s’est rapproché de l’agence nationale de sécurité sanitaire afin d’évaluer les « risques potentiels liés à l’utilisation de certaines substances », explique France Capon, conseillère au sein de cette fédération d’industriels. Le but est d’éviter le’black listing’de certains produits, et, si necessaire, le choix de la meilleure option de gestion de risque. »

Le cas des perturbateurs endocriniens

Un phénomène qui résonne avec l’actualité des perturbateurs endocriniens, à l’origine de dérèglements hormonaux voire de cancers ou de perte de fertilité. Le Danemark a ainsi légiféré pour l’interdiction de 4 phtalates, quand les députés français viennent tout juste de voter le retrait des emballages alimentaires contenant du bisphénol A à partir de 2015. Des pratiques jugées trop sévères par Jean Pelin. C’est une « violation de Reach » lâche-t-il, s’appuyant sur les précautions déjà prévues par le règlement européen pour encadrer l’usage de ce type de substances.

« Les perturbateurs endocriniens, on en parlait un peu au début des négociations de Reach », se souvient Yannick Vicaire. Libre aux pays qui le souhaitent d’aller plus vite, estime-t-il, car leur impact sanitaire finira par être abordé différemment, y compris en termes de coût. « Un certain nombre de perturbateurs endocriniens sont diabétogènes. Or, le diabète représente 10 % des dépenses de santé publique en Europe. »

Une révision a minima ?

Avant de décider de l’opportunité d’une révision de Reach, la Commission passe au peigne fin la mise en œuvre du texte. Mais les travaux ont pris plusieurs mois de retard. « C’est un processus vaste et complexe. Il est donc à mon avis raisonnable de s’accorder un peu plus de temps d’analyse pour, in fine, avoir quelque chose de complet et d’exploitable, plutôt que de limiter le champ d’investigation et de risquer des oublis dommageables pour toutes les parties prenantes », explique Rémi Lefèvre, de la direction générale de l’Environnement à la Commission européenne.

Les conclusions seront rendues début 2013 sous la forme d’une communication, accompagnée d’un document plus détaillé.

Les industriels, tout comme l’Etat français, partisans de la stabilité juridique, ne souhaitent pas rouvrir de négociations sur un texte qui avait laborieusement été adopté. Contrairement aux organisations environnementales, qui veulent saisir l’opportunité de durcir, par exemple, l’encadrement des perturbateurs endocriniens.

La Commission compte en tout cas réunir les différents acteurs au cours du premier trimestre 2013 afin de débattre des conclusions tirées de la mise en œuvre de Reach. Si elle intervient, la proposition de révision se contentera de modifications a minima, loin de bousculer le paysage actuel.

Source : EurActiv.fr

 

 

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