Logo ETI Quitter la lecture facile

Décryptage

Une volonté de changer les choses, sans savoir comment

Posté le par La rédaction dans Environnement

Les notions de productivité et de rentabilité ont longtemps été associées à celle de progrès social. Mais les problématiques environnementales et d’accès à l’énergie ont changé la donne. Si ce constat est partagé par toutes les générations, leurs réponses en termes d’action et d’engagement diffèrent. 2ème volet de l’enquête.

Les trois générations souhaitent toutes que soient mieux perçus, mieux identifiés et mieux compris les problèmes majeurs et prioritaires. Elles attendent qu’ils soient réellement, et sérieusement, pris en considération par des instances compétentes, que ce soit au niveau international, national, régional et local, mais des différences notables apparaissent entre les générations.Les jeunes n’hésitent pas à faire des propositions qui peuvent paraître naïves et font penser à une liste à la Prévert. Néanmoins, cela témoigne d’une volonté de trouver des solutions. Ils ne se sentent absolument pas dans une impasse, ce qui n’est pas toujours le cas des autres générations. Ils sont soucieux de développer des stratégies appropriées, qui combinent les actions individuelles et les actions collectives, à la fois dans la sphère privée, chez soi, au quotidien et dans la sphère publique.

Les jeunes en attente de mesures radicales et d’actions efficaces
Leurs aspirations se rapprochent dans ce sens de celles de la génération de leurs parents. Mais les jeunes sont beaucoup plus enclins qu’eux à considérer l’importance des interventions dans les deux sphères. Ils sont aussi plus demandeurs d’actions efficaces et de mesures radicales que leurs parents et ils sont affectés par ce qu’ils appellent « l’irresponsabilité des gouvernements ».Leur conscience est tournée vers l’avenir et passe par le souci d’améliorer réellement la situation, de trouver les moyens d’y parvenir, souci partagé par les trois générations, mais de manière plus intense et décisive par les jeunes générations, d’autant que leur enfance est marquée par différentes catastrophes, comme Tchernobyl qui demeure entouré d’un halo de secret.Leurs propos sont moins contradictoires, moins ambivalents, moins chargés de conscience coupable que la génération de leurs parents, qui éprouvent un fort sentiment de responsabilité face à l’absence de mesures claires et efficaces qu’ils déplorent.

Il est devenu urgent de responsabiliser
Les jeunes n’admettent absolument pas l’idée qu’ils vont droit dans le mur alors que leurs aînés sont, pour certains, beaucoup plus résignés. Pour leurs grands-parents, la distinction se fait, entre les hommes et les femmes, autour du clivage entre la sphère privée et la sphère publique. Les femmes sont surtout soucieuses de l’environnement proche, les hommes dénient l’importance des interventions au quotidien au profit des grandes mesures, tout en ayant une approche complexe et contradictoire des mesures qu’il s’agirait de développer.On trouve ainsi une plus grande clarté d’intentions du côté des jeunes qui lancent en direction de leurs aînés un appel à la responsabilité. Ces jeunes revendiquent une existence dans laquelle l’individu peut défendre ses droits à ne pas vivre dans un monde « pollué » et dévasté et à ne pas le faire subir à ses futurs enfants, et demandent que ces droits soient garantis par des normes de régulation, y compris répressives. En 1968, il était « interdit d’interdire ». Pour les jeunes d’aujourd’hui, compte tenu de la perception qu’ils ont de la gravité de la situation, il est devenu urgent d’interdire. Cette nécessité d’action, qui démarque cette génération des deux précédentes, peut trouver son explication à travers le contexte dans lequel ont grandi ces hommes et ces femmes. Objet de toutes les attentions depuis 25 ans, l’environnement est un problème de société pour les jeunes. Pour leurs parents et leurs grands-parents, c’est le développement de l’industrie, annonciateur de progrès et d’augmentation du niveau de vie, qui a longtemps été un enjeu de société.

« La technologie ne vaut que par l’usage que l’on en fait »
Ainsi, notre société, qui s’est tournée vers la production, la rentabilité et le profit, en découvre les effets pervers sur l’environnement et l’accès aux énergies. Ce problème est nouveau dans l’histoire. Il n’a émergé que dans le dernier quart de la fin du 20 ème siècle, tant la question du travail et de la productivité restait jusque-là associée à la notion de progrès social, dans la continuité du siècle des lumières.Quoi qu’il en soit, les rapports entre l’individu, la technologie, la nature ont toujours été traversés par des tensions, des contradictions, des ambiguïtés en termes de domination, de soumission, voire même de sacrifices de vies humaines. Le psychosociologue Serge Moscovici dans son ouvrage « L’homme domestique et l’homme sauvage » a été l’un des premiers à analyser la complexité des rapports entre l’homme et son environnement.L’historien Fernand Braudel dans son livre « L’identité de la France » montre à quel point la technologie ne vaut que par les manières que l’individu a de l’utiliser, c’est-à-dire, en fonction des usages qu’il en fait. Et si pour parler des problèmes de la France du milieu du 20 ème siècle, il mentionne la dénatalité et le problème brûlant de l’immigration, il faudrait pour évoquer ceux de la France du 21 ème siècle, mentionner entre autres, le chômage et la vaste problématique que l’on résumera, par commodité, par le terme générique d’environnement.

Au cœur de l’ambivalence et du paradoxe
Cette problématique fait désormais partie intégrante des préoccupations des jeunes générations, inquiètes pour l’environnement, mais aussi de leurs parents et grands-parents, même s’il est difficile de trouver un consensus entre tous sur la hiérarchie des problèmes. En même temps, s’exprime la sensation diffuse qu’il va falloir changer de comportement, sans trop savoir comment, alors qu’on commence à peine à savoir pourquoi.Les énergies renouvelables sont appréhendées au travers du prisme de l’urgence et constituent des alternatives valorisées par les jeunes, d’autant plus qu’ils ont moins d’à priori que leurs aînés sur l’efficacité liée à la combinaison des contraires, à l’ambivalence, symbolisée par l’osmose entre les technologies, les savoirs concernant les énergies traditionnelles, industrielles, contemporaines. Ils sont aussi moins rétifs à manier le paradoxe qui consiste à aller contre les idées reçues et à s’insurger contre des normes qui leur paraissent pérennes.L’idée de devenir producteur-consommateur d’énergie en séduit plus d’un et peut s’inscrire dans leur perspective d’avenir, à condition qu’ils possèdent les clés pour y parvenir.Par Christine Castelain Meunier, chercheur au CNRS, auteur de Adieu Pétrole! Vive les énergies renouvelables, Dunod

Posté le par La rédaction


Réagissez à cet article

Commentaire sans connexion

Pour déposer un commentaire en mode invité (sans créer de compte ou sans vous connecter), c’est ici.

Captcha

Connectez-vous

Vous avez déjà un compte ? Connectez-vous et retrouvez plus tard tous vos commentaires dans votre espace personnel.

INSCRIVEZ-VOUS
AUX NEWSLETTERS GRATUITES !