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Possible cession de Biogaran: un dossier sensible pour le secteur des génériques

Posté le par AFP

La perspective d’une cession à un acteur étranger du producteur de génériques français Biogaran par sa maison mère Servier inquiète le gouvernement, au moment où l’Europe s’efforce de relocaliser la production de médicaments. Tour des interrogations et des enjeux liés à ce dossier sensible.

Quels sont les éventuels acheteurs?

A ce stade, « quatre repreneurs se sont fait connaître, dont deux solutions françaises, deux solutions indiennes », a indiqué vendredi le ministre délégué à la Santé Frédéric Valletoux sur LCI.

Le quotidien Les Echos rapporte que la mise en vente serait pilotée par la banque conseil Lazard et intéresserait « le fonds BC Partners (en partie basé à Paris, ndlr) et un fonds en tandem avec un industriel français ».

Côté indien, sont évoqués les noms de deux importants groupes pharmaceutiques: Torrent Pharmaceuticals et Aurobindo Pharma.

La mise en vente de Biogaran n’a toutefois pas été officiellement confirmée et les potentiels acquéreurs cités se refusent à tout commentaire.

Avec un prix estimé à 700 millions d’euros pour cette entreprise au chiffre d’affaires de 1,2 milliard, ce serait l’occasion « de racheter un laboratoire pas trop cher », estime Frédéric Bizard, spécialiste des questions de santé et professeur d’économie affilié à l’ESCP, jugeant la société « sous-valorisée ».

Pourquoi vendre?

Il est habituel que des laboratoires cèdent des filières qu’elles jugent non stratégiques. Servier accélère en oncologie et entend « maximiser le potentiel » de ses activités.

Selon le rapport annuel 2023 de Servier, Biogaran représente moins d’un quart du chiffre d’affaires.

Une « politique du médicament peu attractive pour les génériques en France » et un marché à faible marge peut décourager les laboratoires à poursuivre leur production, estime M. Bizard.

En septembre 2023, Biogaran affirmait à l’AFP « perdre de l’argent sur 144 produits » de son catalogue de plus de 900 médicaments. Et ses demandes de hausses de prix auprès de l’Etat, dans les rares cas où elles aboutissent, se traduisent par des « hausses de 3 à 7% sur des produits à des prix extrêmement bas : soit quelques centimes par produit ».

Un « besoin de liquidités » pour Servier après ses lourdes condamnations financières dans l’affaire du Mediator (9 millions d’euros d’amendes et 415 millions d’euros de remboursement aux organismes de sécurité sociale et mutuelles), peut aussi entrer en ligne de compte, présume l’expert.

Va-t-on manquer de génériques?

L’essentiel des pénuries récurrentes en France et en Europe concerne déjà des médicaments anciens, donc des génériques.

En cas de disparition de Biogaran, « on peut donc être sérieusement inquiet » quant à l’approvisionnement de génériques, un marché « sous-dimensionné » en France, pointe M. Bizard.

Biogaran revendique une boîte de médicaments sur huit parmi toutes celles qui sont vendues en France et 31% des parts de marché des génériques.

« On aura toujours des génériques », ajoute l’expert, mais le nouvel acquéreur pourrait arrêter certains produits et/ou faire produire ailleurs.

L’Etat peut-il intervenir?

Biogaran compte seulement 240 salariés mais pèse surtout via ses 39 sous-traitants en France, représentant 8.600 emplois. La crainte d’une délocalisation a fait réagir la classe politique en pleine campagne pour les européennes.

Le gouvernement indique n’écarter « aucun scénario » pour maintenir sur le territoire l’activité du génériqueur. Le ministre délégué chargé de l’Industrie, Roland Lescure, a proposé de recevoir les potentiels acheteurs et évoqué la possibilité d’activer le contrôle des investissements étrangers en France (IEF).

Cette procédure peut s’appliquer dès lors qu’un acteur non européen souhaite acquérir 10% ou plus des droits de vote d’une société française cotée (ou 25% des droits de vote d’une société non cotée) opérant dans un secteur stratégique.

« La protection de la santé publique figure bien dans le décret, à l’alinéa 8 du II de l’article R 151-3 du Code monétaire et financier », indique à l’AFP le cabinet de M. Lescure.

« L’Etat est à la manoeuvre et fait ce qu’il peut pour rassurer », analyse M. Bizard. Il ne pourra « pas s’opposer » à une éventuelle reprise mais pourra toutefois exiger, selon lui, « des garanties, comme conserver les contrats avec les façonniers et des emplois en France ».

pan/alu

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