A la veille du lancement de leurs négociations commerciales annuelles, grande distribution et fournisseurs agro-industriels tentent de s’entendre sur une charte « inédite », censée illustrer une volonté d' »apaisement » après des années de « psychodrame » sur fond d’inflation et de guerre des prix.
Vers 20H30 samedi, cette charte était « en très bonne voie d’aboutir » dans la soirée, a indiqué à l’AFP un des participants aux discussions. Un peu plus tard, un autre proche des négociations confirmait qu’elles étaient « en effet en bonne voie », mais « se poursuivaient ».
Il y a « une envie de changer » chez « toutes les parties prenantes », assure à l’AFP Judith Jiguet, déléguée générale de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD).
Les négociations prévues de lundi au 1er mars permettent de fixer les prix et les conditions (modalité de livraison, calendrier promotionnel…) auxquelles les grandes surfaces s’approvisionnent auprès des fabricants.
Elles déterminent in fine les tarifs en rayon, uniquement pour les produits de grandes marques (Nutella de Ferrero, Actimel de Danone, bonbons Haribo….), et non ceux des marques des supermarchés (Carrefour, Marque Repère, U…), qui pèsent plus du tiers des ventes.
Ces tractations opposent des distributeurs en quête de prix compétitifs pour attirer les clients, et des industriels invoquant coûts de production et besoins d’investissements.
Opaques et sources de tensions, elles sont accusées de tirer vers le bas les revenus des agriculteurs malgré leur encadrement par la loi Egalim.
Mais tous les partenaires « sont épuisés par les conflits de postures », selon la patronne de la FCD, qui échange depuis trois semaines avec les organisations d’industriels (Ania, Ilec, Feef, Pact’Alim et la Coopération agricole).
En jeu: la signature de la charte, suggérée par le gouvernement, et qui a été encore discutée toute la journée de samedi, sous l’égide des ministères du Commerce et de l’Agriculture.
– Juste prix –
Plutôt que d’empiler les lois, « peut-être que tous ensemble on peut trouver un cadre pour travailler autrement », résume Mme Jiguet.
Au menu de ce texte non contraignant, des règles de bonne conduite et des engagements concernant l’origine des produits et le nutri-score… Et surtout, « la reconnaissance de la situation particulière des PME en France », se félicite Mme Jiguet.
Pour les PME, la fin des négociations serait avancée au 15 janvier, selon plusieurs sources.
« On ne peut pas continuer à avoir les mêmes règles du jeu pour les très grandes et les plus petites entreprises », justifie Léonard Prunier, président de la Feef, qui représente 22.000 PME et entreprises de taille intermédiaire (ETI).
Charte ou pas, les négociations s’annoncent ardues, d’autant qu’elles pourraient être parasitées par le lancement prochain, par le Sénat, d’une commission d’enquête sur les marges de la grande distribution, à l’initiative des Ecologistes.
En 2025, les industriels de l’agroalimentaire ont obtenu 1,5% de hausse moyenne des prix alors qu’ils demandaient une augmentation moyenne de 5,7%.
« Le pouvoir d’achat reste la préoccupation numéro un des Français », affirme à l’AFP Dominique Schelcher, le patron de Coopérative U, qui appelle à des négociations « justes » et « tenant compte » de « l’évolution des cours des matières premières », à la hausse comme à la baisse.
– « Souveraineté alimentaire » –
Le dirigeant redoute « des exigences très fortes des multinationales » face aux « postures beaucoup plus raisonnables des PME », comme ce fut le cas dernièrement, selon lui, pour la négociation sur les chocolats de Pâques 2026.
« Les grands industriels du chocolat sont venus avec des demandes de hausse à deux chiffres (15%), malgré la baisse des cours. C’était absolument incompréhensible », regrette celui qui a dû « batailler » pour maintenir l’augmentation « sous les 10% ».
Refusant « toute hausse qui ne serait plus justifiée », Carrefour indique vouloir « des baisses de prix à l’achat sur des produits d’hygiène », invoquant les moindres « coûts de l’énergie ».
De son côté, Jérôme Foucault, le président de Pact’Alim, qui représente 3.000 PME et ETI comme Bonduelle ou Bigard, anticipe des tensions sur le « boeuf, la volaille ou les oeufs ». Et déplore qu’on ait « érigé l’alimentaire comme l’alpha et l’oméga du pouvoir d’achat », sans regarder « l’évolution des abonnements internet » et autres « dépenses contraintes » au détriment de la « souveraineté alimentaire ».
Autre sujet de crispation, le recours par les distributeurs à des centrales d’achat européennes, accusées de contourner la législation française.
Les distributeurs rétorquent avoir besoin de peser face aux multinationales. Comme d’autres, Concordis, alliance formée par Carrefour et Coopérative U pour négocier depuis Bruxelles, ne négociera qu’avec des « géants mondiaux » vis-à-vis « desquels il faut faire masse pour résister et défendre le pouvoir d’achat », explique Carrefour.
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