Hydrogène : quels impacts sur les émissions de CO2

1/ Quelle réduction des émissions de CO2 peut-on atteindre en utilisant de l’hydrogène décarboné ?

L’hydrogène est un vecteur énergétique, il faut donc le produire. Il est important de le rappeler pour aborder son impact sur le réchauffement climatique. On le produit actuellement à partir d’énergies fossiles (reformage de méthane), mais aussi d’énergies renouvelables. Pour ces dernières, la méthode qui a le vent en poupe est l’électrolyse, c’est-à-dire le craquage d’une molécule d’eau grâce à l’électricité (nucléaire ou renouvelable pour l’hydrogène bas carbone). Il existe aussi des méthodes d’utilisation de la biomasse, comme la thermolyse de la biomasse ou le craquage du biométhane.

Les impacts seront visibles sur le secteur industriel, lors du remplacement de l’hydrogène produit à partir de méthane par de l’hydrogène bas carbone. Il y a en effet un gain de CO2 de 75 % entre les deux méthodes (par kilogramme d’hydrogène produit). Dans le secteur de la sidérurgie, responsable de 7 % des émissions mondiales de CO2, il est envisageable de remplacer le charbon par de l’hydrogène à horizon 2030-2040, ce qui réduirait les émissions de ce secteur de la moitié ou des trois quarts, en fonction des choix technologiques.

Dans la mobilité, on compare les émissions à celles des véhicules diesel. Pour une même distance parcourue, on émet 5 fois moins de CO2 en utilisant l’hydrogène bas carbone ou renouvelable. Cela est dû au fait qu’on ne rejette que de l’eau à l’échappement. Même en utilisant de l’hydrogène « gris », fossile, on a un gain de CO2 d’environ 20 %.

2/ L’hydrogène issu de la biomasse a-t-il un bilan CO2 négatif ? 2:58

L’hydrogène est partout, notamment dans la biomasse. Dans les filières biomasse, comme le bois, ou le biogaz, de production d’hydrogène, il est possible d’avoir des bilans négatifs en CO2, selon les procédés de transformation utilisés. C’est encore peu mature mais intéressant pour des applications futures, notamment les puits de carbone industriels.

3/ La molécule d’hydrogène elle-même a-t-elle un pouvoir réchauffant dans l’atmosphère ? 3:36

Il y a eu des polémiques récentes à ce sujet. Il y a en effet des fuites dans toute la chaîne de production et de distribution de l’hydrogène, qui provoquent des rejets dans l’atmosphère. Le problème vient du fait que l’hydrogène atmosphérique a un impact sur la durée de vie du méthane dans l’atmosphère. Le méthane a un pouvoir d’effet de serre important, contrebalancé par sa dégradation assez rapide dans l’atmosphère. L’hydrogène prolonge la durée de vie du méthane atmosphérique et a donc un impact indirect sur le réchauffement climatique. On ne sait pas encore le quantifier scientifiquement, la recherche est très active sur ce sujet.

Hydrogène : quels usages ?

1/ Quelles sont les grandes applications actuelles de l’hydrogène ?

Il faut différencier deux types d’usages de l’hydrogène. Le premier, l’« hydrogène matière », est l’usage historique. Il utilise les propriétés physico-chimiques de l’hydrogène pour produire des engrais, ou pour raffiner le pétrole par exemple. Le second, l’« hydrogène énergie », plus nouveau, regroupe différents moyens d’utiliser l’hydrogène tels que la combustion directe, les piles à combustible (une réaction électrochimique où l’hydrogène est recombiné avec de l’oxygène pour obtenir de l’eau et de l’électricité), ou les moteurs à combustion interne pour la mobilité.

2/ Quels acteurs économiques en sont les principaux utilisateurs ? 1:13

Aujourd’hui, le principal usage de l’hydrogène est industriel. On l’utilise surtout pour le raffinage du pétrole, mais aussi pour la fabrication des engrais ou le traitement thermique.

Actuellement, l’hydrogène utilisé est produit à 95 % à partir de méthane ou d’autres énergies d’origine fossile. À court terme, le principal enjeu est de changer la méthode de production de cet hydrogène, en la ramplaçant notamment par de l’électrolyse utilisant des énergies renouvelables, avec pour objectif une décarbonation complète de l’hydrogène industriel du secteur. C’est d’ailleurs l’enjeu principal des politiques publiques.

En ce qui concerne la mobilité, l’idée est de développer de nouvelles applications. Cela concerne surtout les poids lourds, les trains, les bateaux (bien que les trains et les bateaux soient plutôt à long terme, à horizon 2030). Il existe déjà une offre de voitures légères, de bus, de bennes à ordures ménagères ; les poids lourds arriveront en 2024-2025.

Plus il y aura besoin d’autonomie et de puissance, plus l’usage de l’hydrogène aura du sens par rapport à celui de la batterie. Il est intéressant de souligner la complémentarité des technologies, notamment dans la mobilité, entre la batterie, pour des usages courte distance permettant de recharger régulièrement, et des usages intensifs comme les taxis, la logistique, les chariots élévateurs, où l’hydrogène sera nécessaire pour tenir les performances opérationnelles.

3/ D’ici 2030, quels nouveaux usages sont envisagés ? 2:57

À l’horizon 2030, il y aura des changements plutôt radicaux dans l’usage de l’hydrogène, en particulier dans l’industrie. Les nouveaux usages industriels vont concerner notamment la sidérurgie, où l’hydrogène pourrait remplacer une partie du charbon utilisé. Cela permettrait de diminuer drastiquement les émissions mondiales de CO: la part de cette industrie s’élève actuellement à 7 %. C’est un véritable « game changer » dans le secteur de la consommation hydrogène industrielle.

Les applications concernant la mobilité seront de très forte puissance comme le bateau ou le train, mais concerneront également la voiture individuelle. En effet, même si la voiture individuelle est déjà disponible sur le marché, il n’y a pas de cas d’usage ayant suffisamment d’intérêt pour entraîner une adoption massive (éventuellement les taxis). 2030 devrait être le point d’inflexion pour un usage plus massif de la voiture hydrogène, grâce notamment aux baisses de prix de ces véhicules.

Un autre usage devrait se développer, moins directement visible, pour les foyers : l’injection d’hydrogène dans le réseau de gaz. Il est intéressant de souligner que dans les années 1950, il était déjà possible d’avoir de l’hydrogène et du monoxyde de carbone, ce qu’on appelait « gaz de ville », pour alimenter les foyers. L’injection d’hydrogène dans le réseau de gaz s’expérimente actuellement dans différents projets en France et devrait se massifier après 2030-2040, quand la conjoncture technique et économique permettra de mieux gérer les problématiques d’injection ; l’application deviendra alors un peu plus rentable.

Il existe d’autres usages, plus marginaux aujourd’hui, qui ne semblent pas prévus pour devenir significatifs. Il s’agit par exemple d’usage de l’hydrogène pour de la cogénération en résidentiel et en stationnaire, pour produire de la chaleur et de l’électricité dans les immeubles ou les foyers.

Hydrogène : quel bilan environnemental ?

1/ Quels sont les bénéfices d’un véhicule à hydrogène sur la qualité de l’air ?

Commençons par le fonctionnement de la pile à combustible. L’hydrogène va réagir avec l’oxygène extrait de l’air pour produire de l’eau, de la chaleur et de l’électricité. Il n’y a pas d’émission de polluants (particules fines, oxydes d’azote). C’est une technologie « zéro émissions ». L’utilisation de ces véhicules en remplacement de véhicules diesel représente donc une diminution d’émission de polluants.

Il est intéressant de souligner que la pile à combustible est très sensible aux polluants atmosphériques. Il y a donc des filtres très sévères en amont de la pile, à travers lesquels l’air capté pour l’alimentation en oxygène de la pile va passer et être purifié. Comme les polluants de l’air capté ne sont pas rejetés à l’échappement, il y a purification de l’air ambiant.

2/ Quel est le bilan de la production d’hydrogène sur la ressource en eau ? 1:27

Pour les questions de ressources en eau, on s’intéresse à l’électrolyse. Celle-ci a pour intrants l’électricité et l’eau. Il faut environ 15 à 20 litres d’eau par kilogramme d’hydrogène produit.

La consommation d’un bus à hydrogène est d’environ 20 kg H2/jour, ce qui donne 300 litres d’eau pour faire rouler un bus une journée, soit la consommation moyenne quotidienne de 2 personnes. Cela peut paraître faible, mais il faut faire attention aux territoires de production de l’hydrogène, dans les cas de tension ou de stress hydrique.

Il ne faut pas non plus oublier que la pile à combustible rejette de l’eau à l’échappement, donc contribue au cycle de l’eau global.

3/ La filière hydrogène a-t-elle recourt à des métaux rares ? 2:42

La filière hydrogène est en effet concernée par la problématique des métaux rares. La pile à combustible nécessite beaucoup de platine, environ 6 fois plus que pour un pot catalytique.

On sait recycler le platine mais il faut d’abord l’extraire, avec des conséquences environnementales, et gérer l’approvisionnement, avec des conséquences politiques.

4/ Le rendement énergétique global de l’hydrogène est-il suffisant ? 3:18

On rappelle que l’hydrogène est un vecteur énergétique, qui nécessite une énergie primaire pour sa production. Cette énergie primaire va avoir un impact, que ce soit de la biomasse ou de l’électricité via l’énergie éolienne, photovoltaïque ou nucléaire. Il faut comparer différentes chaînes de rendement, notamment dans les périodes de tension sur la ressource énergétique. Le rendement de l’hydrogène n’est pas extraordinaire, il est de 70 % à la production et de 50 % à l’utilisation dans la pile à combustible. Dans l’ensemble de la chaîne, cela représente donc 30 % de rendement.
Il existe cependant des cas d’application de la pile à combustible, très spécifiques, qui sont intéressants, notamment en raison de sa charge rapide et sa grande autonomie. La batterie ne peut en effet pas répondre à tous les besoins, malgré son rendement supérieur.

La chaîne de rendement peut encore être améliorée dans la partie production, pour atteindre des rendements de 90 %.

Hydrogène : quels coûts ?

1/ En termes de coût, comment se situe l’hydrogène énergie par rapport au diesel ?

Dans la mobilité, l’équation économique est aujourd’hui à l’avantage du diesel.

À la pompe, dans les projets développés actuellement, le carburant coûte entre 10 et 15 €/kg H2. Pour être compétitif, il faudrait atteindre 8 à 9 €/kg H2, si on considère uniquement le prix du carburant. En ajoutant la valeur du véhicule, et donc pour que le consommateur réalise des économies et rentabilise l’achat de son véhicule, le prix du carburant doit atteindre 5 à 6 €/kg H2.

Il y a encore un gué à franchir, qui semble possible grâce à l’industrialisation de la filière hydrogène et à la montée du prix des carburants fossiles, un phénomène conjoncturel à ne pas négliger. C’est donc une équation dynamique.

2/ Pour les usages industriels, l’hydrogène bas carbone est-il compétitif face à l’hydrogène carboné ? 1:24

Dans l’industrie, l’équation économique est encore difficile à résoudre. Le moyen de production est différent. L’hydrogène « gris » provient du méthane, qui était plutôt bon marché avant la crise du gaz. Il était alors entre 2 et 3 €/kg. En électrolyse, le prix « avant crise » est autour de 6-7 €/kg dans les projets performants. La différence doit être comblée par des progrès dans l’industrialisation de l’hydrogène et par une taxation du CO2 (soit une plus grande pression sur l’usage d’énergies fossiles). Avec la conjoncture actuelle de crise énergétique et l’inflation, le prix du gaz augmente mais celui de l’électricité aussi. Les deux coûts de production de l’hydrogène augmentent, mais pas de la même manière ; c’est à l’avantage de l’hydrogène bas carbone.

Hydrogène : quels enjeux ?

1/ Pourquoi le contexte actuel est-il favorable au développement de l’hydrogène

Il y a déjà eu de l’enthousiasme autour de l’hydrogène, notamment dans les années 2000, porté par les constructeurs automobiles.

Aujourd’hui, le contexte et le référentiel changent. On a affaire à une double contrainte carbone : raréfaction des énergies fossiles d’une part, et impact climatique d’autre part. Cela touche désormais de nombreux secteurs autres que l’automobile. Il y a donc un engouement pour l’hydrogène de la part des acteurs publics, ainsi que des industriels énergéticiens et gaziers. De plus, les crises environnementales locales (comme la qualité de l’air, entraînant la création de zones à faibles émissions) ajoutent des contraintes pour les acteurs du transport et de la mobilité, les poussant aussi vers l’hydrogène.

 

2/ Un cadre mondial est-il en place pour permettre ce développement ? 1:07

La dynamique mondiale est intéressante. Les États font actuellement la course à la « feuille de route hydrogène », à qui mettra le plus de budget. En parallèle, la dynamique industrielle propose des regroupements d’intérêt des gros acteurs industriels (Air Liquide, Hyundai, Toyota, etc.), sur toute la chaîne de valeur, à l’image de l’association Hydrogen Council. Ces regroupements réalisent des études, qui montrent notamment qu’à l’horizon 2050, un peu moins de 20 % de l’énergie finale consommée au quotidien (sous forme de mobilité, d’énergie) le sera sous forme d’hydrogène.
L’Agence internationale de l’énergie, orientée vers les énergies fossiles et nucléaire au départ, a bien compris l’enjeu de l’hydrogène et son lien avec les énergies renouvelables. Dans son récent rapport, consacré en partie à l’hydrogène, elle affiche la nécessité de l’intégrer au mix mondial dans le développement des énergies renouvelables.

3/ Aujourd’hui, comment est fabriqué l’hydrogène et pour quels marchés ? 2:34

Aujourd’hui, malgré les dynamiques en cours, l’hydrogène est avant tout utilisé dans l’industrie (pétrochimique, engrais, traitements thermiques), et son usage n’est pas encore répandu dans les mobilités (moins de 1% de la consommation).

L’hydrogène à usage industriel est encore aujourd’hui produit à partir de méthane et de charbon. 90 % de l’hydrogène consommé est donc issu de sources fossiles. L’électrolyse (production à partir d’eau et d’électricité provenant de sources renouvelables ou bas carbone) ne représente que quelques pourcents dans le mix de production de l’hydrogène.

4/ Quels sont les enjeux de son développement ? 3:47

Le plus gros enjeu est de massifier la production d’hydrogène renouvelable à usage industriel. La production actuelle d’hydrogène représente en effet 2 à 3 % des émissions de CO2 à échelle mondiale. Il y a donc un véritable enjeu de décarbonation de cette production, pour aller de l’hydrogène gris vers un hydrogène « vert » (bas carbone et renouvelable). En parallèle, l’autre enjeu va être de développer de nouvelles mobilités, de se passer du pétrole pour aller vers des modèles hydrogène. Cette transition sera plus échelonnée, à horizon 2030.

Article témoin : Énergie

Crise énergétique et géopolitique, impact environnemental, réglementation…, notre monde est soumis à de multiples enjeux qui l’obligent à revoir la disponibilité des ressources énergétiques et leur utilisation. L’industrie, pour sa part, est par ailleurs confrontée au double défi d’assurer sa croissance tout en préservant l’environnement. Dans ce contexte, il est indispensable d’être en mesure d’imaginer et développer des sources d’énergie propre et durable, capables de participer à la décarbonation de l’économie sans nuire à la compétitivité des entreprises.

L’hydrogène apparaît aujourd’hui comme une ressource susceptible de relever ces défis, à condition que sa production et ses usages soient respectueux de l’environnement. Il est déjà possible de produire de l’hydrogène de manière vertueuse. Cependant, son stockage et, consécutivement, son transport sont compliqués par la nature même de ce gaz qui nécessite des conditions précises de température et de pression. L’hydrogène étant très inflammable, voire explosif sous certaines conditions, son stockage en toute sécurité constitue donc un autre enjeu.

Pour résumer, pour une utilisation pratique, sûre et respectueuse de l’environnement, il convient de développer des méthodes de stockage performantes, fiables et peu coûteuses.

Le stockage sous forme solide dans des hydrures métalliques constitue, pour sa part, une piste très prometteuse en la matière. Parmi ces matériaux, une nouvelle classe d’alliages affiche des performances très intéressantes : les alliages multi-élémentaires, autrement appelés « à haute entropie ». Les possibilités de composition de ces alliages étant nombreuses, il conviendra de déterminer lesquelles devront être privilégiées au regard de leurs possibles capacités, de leurs propriétés ou encore de leur stabilité.

Vous avez envie d’en savoir sur ces nouveaux alliages et leurs performances ? Les éditions Techniques de l’Ingénieur vous invitent à découvrir gratuitement toute la richesse des bases documentaires en vous proposant le téléchargement gratuit d’un dossier témoin.

Découvrez ainsi le thème Énergie avec l’article témoin : « Nouveaux matériaux pour le stockage de l’hydrogène – Alliages métalliques multi-élémentaires hydrurables » de Claudia Zlotea, en téléchargement gratuit.