Stockage solide de l’hydrogène – Avantages et inconvénients

1/ La densité volumique permise par le stockage solide de l’hydrogène est-elle élevée ?

Le premier avantage de la technologie du stockage solide est qu’il est possible d’atteindre des densités volumiques beaucoup plus importantes que dans le gaz ou le liquide. L’hydrure de magnésium atteint 110-112 kg H2/m3, tandis que le stockage gazeux, même à 700 bars, reste autour de 45 kg H2/m3 et que le stockage liquide est à 70 kg H2/m3. La densité énergétique pour l’hydrure de magnésium est 2,4 kWh/kg, ce qui est 10 fois supérieur à une batterie. Il faut tout de même souligner que l’on ne peut pas réellement comparer ces deux valeurs car le matériel n’est pas le même (réservoir ou pile à combustible).

2/ Quels sont ses autres avantages ? 1’06

Le deuxième avantage est que la pression nécessaire est de l’ordre de 10 bars. Dans un réservoir de 2 litres, on peut absorber 1 m3 d’hydrogène à pression atmosphérique, ce qui correspond à une pression de 500 bars si l’hydrogène se trouvait sous forme gazeuse. Un autre avantage tient à l’abondance du magnésium : on le trouve sur tous les continents, il est relativement peu coûteux, il ne présente aucun problème de toxicité ou de pollution.

3/ Le fort besoin en chaleur de la réaction de désorption est-il un inconvénient ? 1’41

Le principal inconvénient de l’hydrure de magnésium est qu’en effet il faut monter au-delà de 300 °C pour désorber l’hydrogène, et apporter la chaleur de réaction. Cela représente 30 % de l’énergie stockée dans l’hydrogène. Si l’on ne dispose pas de chaleur fatale pour chauffer les réservoirs, le rendement énergétique de stockage diminue de 30 %.

4/ Quelles solutions permettent de remédier à cette difficulté ? 2’12

L’une des solutions mises en œuvre est l’utilisation d’un matériau à changement de phase. Il a une température de fusion comprise entre la température d’absorption et celle de désorption. Lors de l’absorption de l’hydrogène, on va chauffer ce métal pour le faire fondre. Au contraire, on va le resolidifier lors de la désorption, la chaleur latente de solidification allant chauffer le magnésium. Le matériau à changement de phase est un alliage à base de magnésium, peu coûteux. En revanche, sa présence ajoute du poids au réservoir. Cette solution est donc à privilégier pour des usages stationnaires où le poids n’est pas un problème. De plus, sur des temps très longs, la chaleur va finir par se dissiper, c’est donc préférable de l’utiliser pour du stockage à court terme. Une application possible est un stockage jour/nuit couplé à des panneaux solaires utilisés dans la journée pour produire de l’hydrogène, qui serait stocké et réutilisé en période de pointe le soir. Pour du stockage à plus long terme, ou pour éviter un système trop lourd, une autre solution est par exemple de coupler thermiquement le réservoir à une pile à combustible et de récupérer la chaleur libérée par la pile à combustible pour chauffer le réservoir. Il existe en effet des piles à combustible qui travaillent à haute température, les solid oxyde fuel cells, entre 700 et 900 °C. Une troisième solution serait de développer un réseau de cogénération, où l’on a à la fois besoin de chaleur et d’électricité. On peut utiliser directement la chaleur dégagée par le réservoir et apporter la chaleur de réaction au moment où l’on veut désorber le réservoir. La chaleur est facilement valorisable puisqu’elle est à 300 °C.

5/ Atteint-on de hauts niveaux de rendement ? 4’10

Le rendement dépend de la taille du réservoir. Plus le réservoir est petit, plus le rapport surface/volume est important, plus il y a de pertes. En revanche, si l’on envisage des gros réservoirs (on parle alors de containers), le rapport surface/volume est faible et on peut atteindre des rendements de l’ordre de 95 % avec des matériaux à changement de phase.

6/ La poudre est-elle la seule présentation intéressante pour l’hydrure de magnésium ? 4’34

Dans les années 2005-2010, on a beaucoup travaillé sur le broyage de l’hydrure de magnésium. C’est très efficace et les cinétiques d’absorption obtenues sont très rapides. En revanche, cela a un coût lié à la manutention, un coût énergétique pour le broyage, et les poudres obtenues sont très pyrophoriques, or elles doivent être manipulées avant d’être compactées. Dans une usine, à grande échelle, cela peut être un inconvénient. Sachant cela, on travaille sur un procédé de déformation plastique sévère, le forgeage. Cela produit directement des matériaux massifs, que l’on peut hydrurer. Les cinétiques sont moins rapides, la capacité d’absorption est un peu plus faible, autour de 4,5 % massique (au lieu de 7 % avec les poudres). Cependant ce procédé est beaucoup plus facile à extrapoler à grande échelle, en grandes quantités, et sans problème de pyrophoricité.

Pour aller plus loin :

Stockage solide de l’hydrogène – Applications

1/ Quel est le coût du stockage de l’hydrogène sous forme solide ?

Le coût actuel est autour de 3 000 €/kg hydrogène stocké, un coût plus élevé que celui de la compression mais plus faible que celui de la cryogénie. Il n’y a pas de maintenance à faire sur les réservoirs, à part parfois de l’entretien sur les filtres, et ils durent une vingtaine d’années. La perte d’isolation du réservoir est compensée par un apport électrique, mais cela tourne autour de 5 % de pertes, contre 15 % pour la compression et plus de 35 % pour la cryogénie.

2/ Quelles sont les principales applications ? 00’56

Au départ, l’idée était de produire des réservoirs pour des usages stationnaires, pour de grosses quantités d’hydrogène. Des applications sont envisagées pour les futures stations-service : lorsqu’il y aura un grand nombre de voitures et camions à hydrogène, il faudra produire l’hydrogène sur place. Des applications industrielles existent, directement dans les usines pour l’industrie électronique, les industries du verre (flowed glass), et la fabrication des engrais avec l’hydrogène vert (ammoniaque). Jusqu’à maintenant, l’hydrogène était produit par reformage à la vapeur du gaz naturel, ne nécessitant pas de stockage. Cela produit malheureusement énormément de CO2 (1 tonne d’hydrogène libère 11 tonnes de CO2). Il faut désormais produire l’hydrogène avec des énergies intermittentes, du solaire ou de l’éolien, et donc le stocker. Pour stocker une centaine de tonnes par jour, il semble inévitable d’utiliser les hydrures métalliques.

3/ Y a-t-il aussi des applications dans le transport ? 2’37

Il y a une forte demande dans le transport. Un futur réservoir sous forme de container est mis au point, qui contiendra entre 1 et 1,2 tonnes d’hydrogène, pour un container de 25 tonnes. Les porte-container traditionnels pourront les transporter, sachant qu’ils ont une capacité de 10 000 à 15 000 containers, cela représente donc 10 000 tonnes d’hydrogène. C’est extraordinaire pour le transport lointain : le plus gros bateau actuel transportant de l’hydrogène liquide a une capacité maximale de 85 tonnes.

Pour le transport maritime, un projet est en cours avec un client norvégien intéressé par l’utilisation de containers amovibles pour alimenter les ferries. Il existe en effet de nombreux ferries circulant entre les fjords en Norvège. L’objectif est de les rendre non polluants, en interdisant l’usage du kérosène ou du gasoil. Les batteries ne s’étant pas révélées assez performantes (les quantités de batteries sont trop importantes), les piles à combustible sont envisagées. Pour le futur, une nouvelle voie est à l’étude, utilisant de l’hydrogène pur pour faire fonctionner les moteurs thermiques.

Pour aller plus loin :

Stockage solide de l’hydrogène – Procédé industriel

1/ Quelles sont les spécificités de votre usine-pilote d’hydrure de magnésium ?

L’usine se trouve dans un petit village de la Drôme. Elle produit des hydrures de magnésium, les met en pastille et fabrique les réservoirs. Ces derniers sont composés de pastilles empilées dans des tubes. Il existe de nombreux laboratoires et petites sociétés fabriquant des hydrures de magnésium, mais c’est l’unique producteur industriel. La technologie de fabrication, en particulier les fours conçus avec le CNRS, permettent de produire de gros tonnages chaque année.

2/ ÉTAPE 1 – Hydruration du magnésium 1’06

La matière première est une poudre de magnésium, d’une granulométrie comprise entre 0 et 100 microns. Il faut l’acheter en Chine, car il n’y a presque plus de production en Europe. Ce sont des produits très réactifs, utilisés dans des feux d’artifice par exemple. Les poudres sont tamisées et contrôlées avant d’être introduites dans des fours, sous pression d’hydrogène. La réaction d’hydruration est lancée par introduction de chaleur en utilisant des électrodes électriques. La réaction est fortement exothermique, il faut donc ensuite refroidir jusqu’à absorption complète de l’hydrogène par les poudres de magnésium. À la sortie du four, on obtient de l’hydrure de magnésium MgH2. Il se comporte comme une céramique.

 3/ ÉTAPE 2 – Ajout d’additifs et broyage 2’22

La deuxième étape consiste à ajouter quelques additifs pour activer la cinétique d’absorption et de désorption. Les poudres passent dans des broyeurs à billes pour réduire la granulométrie à une frange entre 2 et 5 microns. Ceci est rendu possible par le fait que ce sont des céramiques. Ces poudres sont très fracturées, nanostructurées et extrêmement réactives vis-à-vis de l’hydrogène.

4/ ÉTAPE 3 – Incorporation du graphite, pressage sous forme de disques 3’08

En sortie de broyeur, les poudres obtenues sont mélangées dans du graphite dans une presse à haute pression. Les disques obtenus ressemblent à des vinyles 33 tours de 15 mm d’épaisseur. Ces disques vont échanger l’hydrogène, passant du magnésium à l’hydrure de magnésium et inversement.

5/ ÉTAPE 4 – Empilement des disques dans des réservoirs 3’48

Les disques sont ensuite empilés dans des tubes, où un système automate permet de gérer la désorption et l’absorption. Ce système règle la pression et peut faire de même pour la température, avec si nécessaire un apport externe. Il existe deux types de réservoirs. Le premier est un réservoir adiabatique, où la chaleur de réaction est conservée. Cette chaleur fait fondre les matériaux à changement de phase présents à l’intérieur du réservoir, qui vont stocker la chaleur de réaction. Cette dernière est ensuite utilisée par les disques pour désorber l’hydrogène. Le second type de réservoir est à échange externe. Il comporte un système de chauffe et de refroidissement, en général par une huile spéciale, qui permet d’échanger la chaleur avec un refroidisseur ou un préchauffeur. Un des grands avantages du stockage sous forme d’hydrure de magnésium est qu’il est transportable à froid sans aucun danger.

Pour aller plus loin :

Stockage solide de l’hydrogène – Un nouveau départ

1- Quels ont été les premiers travaux de recherche sur le stockage solide de l’hydrogène ?

Interview de Daniel Fruchart, ancien directeur de recherche à l’Institut Néel (CNRS, Grenoble)

La recherche a démarré dans les années 1970, au moment du premier choc pétrolier. Cet événement a lancé les discussions sur les énergies alternatives, en particulier l’hydrogène. L’hydrogène est utilisable sous trois formes : liquide, à basse température, gazeuse, sous pression, et la forme qui nous intéresse ici, solide, sous forme d’hydrures métalliques. Cette dernière s’obtient grâce à une réaction chimique entre l’hydrogène et certains métaux. Au milieu des années 1980, le magnésium a été envisagé. Cependant, sous sa forme pure, sa réactivité est très lente, il a donc été oublié. À la fin des années 1990, plusieurs laboratoires dans le monde (France, Canada, Japon) ont réalisé que l’on pouvait améliorer la réactivité du magnésium grâce à des additifs, en petites quantités (4 % massique). Commence alors la recherche du meilleur additif.

2- Comment s’est déroulé le passage à l’échelle industrielle ? 1’36

Interviews de Daniel Fruchart, ancien directeur de recherche à l’Institut Néel (CNRS, Grenoble) et de Michel Jehan, co-fondateur de McPhy et fondateur de Jomi Leman

Le magnésium absorbe 7,6 % théorique d’hydrogène : c’est le meilleur de tous les matériaux accessibles. Pour lancer une étude fondamentale en laboratoire, il faut pouvoir stocker et déstocker l’hydrogène en grande quantité, ce qui demande d’avoir facilement accès à une grande quantité de magnésium. Un partenariat est donc mis en place avec un producteur de poudre de magnésium à Romans-sur-Isère, Michel Jehan. Le magnésium produit est en effet extrêmement fin, de meilleure qualité et disponible en plus grande quantité que celui produit au laboratoire.

Les premiers développements ont eu lieu au sein de MCP Technologies, l’ancienne société de production de poudre ultrafines et granulats de magnésium de M. Jehan. Avec Daniel Fruchart, il fonde ensuite la société McPhy pour utiliser les poudres fines (produites à raison de quelques dizaines de tonnes par an) dans le domaine du stockage solide de l’hydrogène.

La production d’hydrures a été arrêtée au départ à la retraite de M. Jehan. McPhy s’est alors lancée dans la production d’électrolyseurs et s’est développée. Le stockage solide n’était pas encore mûr pour les applications, en particulier dans les stations-service.
Aujourd’hui, la production sur site va devenir indispensable : on ne peut pas transporter massivement de l’hydrogène par camion-citerne. L’idée développée par M. Jehan est de produire de l’hydrogène vert en utilisant de l’électricité dans la station-service, de le stocker sous forme solide, sans danger, et de recomprimer directement l’hydrogène pour charger les réservoirs de voitures ou de camions.

3- Aujourd’hui, où en est le développement de ce type de stockage ? 2’55

Interviews de Michel Jehan, co-fondateur de McPhy et fondateur de Jomi Leman et de Patricia de Rango, directrice de recherche à l’Institut Néel (CNRS, Grenoble)

À son départ à la retraite, M. Jehan avait monté une petite société de conseil dans le domaine de la métallurgie du magnésium, Jomi Leman, avec de nombreuses applications industrielles pour la fabrication du magnésium lui-même. Des Canadiens, intéressés par le stockage solide de l’hydrogène, ont approché M. Jehan. Ils ont ensuite injecté des fonds et racheté des parts de la société de conseil pour relancer l’activité sur le stockage solide. Ils ont également racheté le matériel de McPhy et l’ont remis en état pour redémarrer prochainement l’activité.

Ces travaux sont lauréats du prestigieux Prix de l’inventeur européen 2023 (catégorie recherche) attribué par l’Office européen des brevets à Patricia de Rango, Daniel Fruchart, Albin Chaise, Michel Jehan et Nataliya Skryabina. Les brevets pour lesquels ils ont été récompensés datent de 2005 à 2010 : à l’époque, l’intérêt du stockage solide n’était pas évident. Désormais, on cherche des solutions de stockage à grande échelle et dans des conditions de sécurité renforcées : le stockage solide a son rôle à jouer.

4- Cette thématique fait-elle l’objet de nouveaux programmes de recherche ? 5’48

Interview de Patricia de Rango, directrice de recherche à l’Institut Néel (CNRS, Grenoble)

Actuellement, de nombreux programmes de recherche sur le stockage solide de l’hydrogène redémarrent, avec la Fédération de recherche Hydrogène par exemple, ou des programmes et équipement prioritaires de recherche, accompagnés par de nouveaux financements. Il est question de développer de nouveaux matériaux avec une plus grande capacité d’absorption et en particulier à température ambiante.

Pour aller plus loin :

Stockage solide de l’hydrogène – Le principe

1/ Comment se déroule la réaction d’absorption de l’hydrogène par le magnésium ?

Elle se produit quand on place une poudre de magnésium sous pression d’hydrogène. Au cours de cette réaction, il y a d’abord dissociation de la molécule d’hydrogène, puis diffusion des atomes d’hydrogène dans le métal pour former un nouveau composé, MgH2. Cette réaction est gouvernée par un équilibre thermodynamique dépendant de la pression et de la température. Pour l’absorption, la pression d’hydrogène doit être de 5 à 10 bar minimum. Pour la désorption, pour rester au-dessus de la pression atmosphérique, en raison de la grande stabilité de MgH2, il faut une température minimum de 280 °C.

2/ Quels ont été les travaux conduits par votre laboratoire ? 0’58

Il y a eu deux principaux axes de travail.

Le premier est l’optimisation des matériaux, en particulier des cinétiques d’absorption. Un morceau de métal solide n’absorbera en effet pas d’hydrogène, ou alors extrêmement lentement. Il a donc fallu développer une microstructure nanostructurée, en broyant la poudre de magnésium, pour descendre à des tailles de grain de quelques dizaines de nanomètres. Des additifs tels que le titane, le vanadium et le chrome sont ensuite ajoutés pour jouer un rôle de catalyseur et favoriser la dissociation de la molécule d’hydrogène.

Le second axe est le développement de réservoirs. Philippe Marty a utilisé la modélisation numérique pour comprendre le comportement thermique et fluidique du réservoir. Une fois les cotes de calcul validées par la modélisation, des réservoirs optimisés et de grande capacité ont été développés en laboratoire, pouvant contenir jusqu’à 1 kg d’hydrogène.

3/ À quelles difficultés avez-vous été confrontée ? 2’27

Il y a deux problèmes. Le premier, c’est que la poudre de magnésium, une fois broyée, devient pyrophorique, c’est-à-dire qu’elle s’enflamme spontanément au contact de l’oxygène, et donc de l’air. Le second concerne l’enthalpie de réaction. La réaction d’absorption de l’hydrogène dégage de la chaleur, la désorption nécessite un apport de chaleur. Cela suppose une gestion thermique importante. Dès qu’on applique une pression d’hydrogène, le réservoir monte en température et la réaction atteint un équilibre thermodynamique entre le métal et son hydrure : elle ralentit. Pour maintenir la vitesse de réaction, il faut extraire rapidement la chaleur du réservoir lors de l’absorption, ou à l’inverse apporter rapidement de la chaleur pour la désorption. L’efficacité des échanges thermiques gouverne les temps de chargement et de déchargement des réservoirs.

4/ Pourquoi avez-vous créé un composite contenant du graphite ? 3’16

Les échanges thermiques dépendent des échanges convectifs, on utilise donc un liquide caloporteur, en général une huile synthétique. Ils dépendent aussi de la conductivité thermique de l’hydrure de magnésium. On a donc utilisé du graphite, très bon conducteur de chaleur, pour améliorer cette dernière. En incorporant du graphite dans la poudre d’hydrure de magnésium, puis en la compactant sous forme de galette, la conductivité thermique est multipliée par 30 par rapport à la poudre libre. La bonne surprise, c’est que les feuillets de graphite protègent également la poudre des échanges avec l’air, évitant que la poudre s’enflamme au contact de l’air et simplifiant sa manipulation.

Pour aller plus loin :

Hydrogène : quels impacts sur les émissions de CO2

1/ Quelle réduction des émissions de CO2 peut-on atteindre en utilisant de l’hydrogène décarboné ?

L’hydrogène est un vecteur énergétique, il faut donc le produire. Il est important de le rappeler pour aborder son impact sur le réchauffement climatique. On le produit actuellement à partir d’énergies fossiles (reformage de méthane), mais aussi d’énergies renouvelables. Pour ces dernières, la méthode qui a le vent en poupe est l’électrolyse, c’est-à-dire le craquage d’une molécule d’eau grâce à l’électricité (nucléaire ou renouvelable pour l’hydrogène bas carbone). Il existe aussi des méthodes d’utilisation de la biomasse, comme la thermolyse de la biomasse ou le craquage du biométhane.

Les impacts seront visibles sur le secteur industriel, lors du remplacement de l’hydrogène produit à partir de méthane par de l’hydrogène bas carbone. Il y a en effet un gain de CO2 de 75 % entre les deux méthodes (par kilogramme d’hydrogène produit). Dans le secteur de la sidérurgie, responsable de 7 % des émissions mondiales de CO2, il est envisageable de remplacer le charbon par de l’hydrogène à horizon 2030-2040, ce qui réduirait les émissions de ce secteur de la moitié ou des trois quarts, en fonction des choix technologiques.

Dans la mobilité, on compare les émissions à celles des véhicules diesel. Pour une même distance parcourue, on émet 5 fois moins de CO2 en utilisant l’hydrogène bas carbone ou renouvelable. Cela est dû au fait qu’on ne rejette que de l’eau à l’échappement. Même en utilisant de l’hydrogène « gris », fossile, on a un gain de CO2 d’environ 20 %.

2/ L’hydrogène issu de la biomasse a-t-il un bilan CO2 négatif ? 2:58

L’hydrogène est partout, notamment dans la biomasse. Dans les filières biomasse, comme le bois, ou le biogaz, de production d’hydrogène, il est possible d’avoir des bilans négatifs en CO2, selon les procédés de transformation utilisés. C’est encore peu mature mais intéressant pour des applications futures, notamment les puits de carbone industriels.

3/ La molécule d’hydrogène elle-même a-t-elle un pouvoir réchauffant dans l’atmosphère ? 3:36

Il y a eu des polémiques récentes à ce sujet. Il y a en effet des fuites dans toute la chaîne de production et de distribution de l’hydrogène, qui provoquent des rejets dans l’atmosphère. Le problème vient du fait que l’hydrogène atmosphérique a un impact sur la durée de vie du méthane dans l’atmosphère. Le méthane a un pouvoir d’effet de serre important, contrebalancé par sa dégradation assez rapide dans l’atmosphère. L’hydrogène prolonge la durée de vie du méthane atmosphérique et a donc un impact indirect sur le réchauffement climatique. On ne sait pas encore le quantifier scientifiquement, la recherche est très active sur ce sujet.

Hydrogène : quels usages ?

1/ Quelles sont les grandes applications actuelles de l’hydrogène ?

Il faut différencier deux types d’usages de l’hydrogène. Le premier, l’« hydrogène matière », est l’usage historique. Il utilise les propriétés physico-chimiques de l’hydrogène pour produire des engrais, ou pour raffiner le pétrole par exemple. Le second, l’« hydrogène énergie », plus nouveau, regroupe différents moyens d’utiliser l’hydrogène tels que la combustion directe, les piles à combustible (une réaction électrochimique où l’hydrogène est recombiné avec de l’oxygène pour obtenir de l’eau et de l’électricité), ou les moteurs à combustion interne pour la mobilité.

2/ Quels acteurs économiques en sont les principaux utilisateurs ? 1:13

Aujourd’hui, le principal usage de l’hydrogène est industriel. On l’utilise surtout pour le raffinage du pétrole, mais aussi pour la fabrication des engrais ou le traitement thermique.

Actuellement, l’hydrogène utilisé est produit à 95 % à partir de méthane ou d’autres énergies d’origine fossile. À court terme, le principal enjeu est de changer la méthode de production de cet hydrogène, en la ramplaçant notamment par de l’électrolyse utilisant des énergies renouvelables, avec pour objectif une décarbonation complète de l’hydrogène industriel du secteur. C’est d’ailleurs l’enjeu principal des politiques publiques.

En ce qui concerne la mobilité, l’idée est de développer de nouvelles applications. Cela concerne surtout les poids lourds, les trains, les bateaux (bien que les trains et les bateaux soient plutôt à long terme, à horizon 2030). Il existe déjà une offre de voitures légères, de bus, de bennes à ordures ménagères ; les poids lourds arriveront en 2024-2025.

Plus il y aura besoin d’autonomie et de puissance, plus l’usage de l’hydrogène aura du sens par rapport à celui de la batterie. Il est intéressant de souligner la complémentarité des technologies, notamment dans la mobilité, entre la batterie, pour des usages courte distance permettant de recharger régulièrement, et des usages intensifs comme les taxis, la logistique, les chariots élévateurs, où l’hydrogène sera nécessaire pour tenir les performances opérationnelles.

3/ D’ici 2030, quels nouveaux usages sont envisagés ? 2:57

À l’horizon 2030, il y aura des changements plutôt radicaux dans l’usage de l’hydrogène, en particulier dans l’industrie. Les nouveaux usages industriels vont concerner notamment la sidérurgie, où l’hydrogène pourrait remplacer une partie du charbon utilisé. Cela permettrait de diminuer drastiquement les émissions mondiales de CO: la part de cette industrie s’élève actuellement à 7 %. C’est un véritable « game changer » dans le secteur de la consommation hydrogène industrielle.

Les applications concernant la mobilité seront de très forte puissance comme le bateau ou le train, mais concerneront également la voiture individuelle. En effet, même si la voiture individuelle est déjà disponible sur le marché, il n’y a pas de cas d’usage ayant suffisamment d’intérêt pour entraîner une adoption massive (éventuellement les taxis). 2030 devrait être le point d’inflexion pour un usage plus massif de la voiture hydrogène, grâce notamment aux baisses de prix de ces véhicules.

Un autre usage devrait se développer, moins directement visible, pour les foyers : l’injection d’hydrogène dans le réseau de gaz. Il est intéressant de souligner que dans les années 1950, il était déjà possible d’avoir de l’hydrogène et du monoxyde de carbone, ce qu’on appelait « gaz de ville », pour alimenter les foyers. L’injection d’hydrogène dans le réseau de gaz s’expérimente actuellement dans différents projets en France et devrait se massifier après 2030-2040, quand la conjoncture technique et économique permettra de mieux gérer les problématiques d’injection ; l’application deviendra alors un peu plus rentable.

Il existe d’autres usages, plus marginaux aujourd’hui, qui ne semblent pas prévus pour devenir significatifs. Il s’agit par exemple d’usage de l’hydrogène pour de la cogénération en résidentiel et en stationnaire, pour produire de la chaleur et de l’électricité dans les immeubles ou les foyers.

Hydrogène : quel bilan environnemental ?

1/ Quels sont les bénéfices d’un véhicule à hydrogène sur la qualité de l’air ?

Commençons par le fonctionnement de la pile à combustible. L’hydrogène va réagir avec l’oxygène extrait de l’air pour produire de l’eau, de la chaleur et de l’électricité. Il n’y a pas d’émission de polluants (particules fines, oxydes d’azote). C’est une technologie « zéro émissions ». L’utilisation de ces véhicules en remplacement de véhicules diesel représente donc une diminution d’émission de polluants.

Il est intéressant de souligner que la pile à combustible est très sensible aux polluants atmosphériques. Il y a donc des filtres très sévères en amont de la pile, à travers lesquels l’air capté pour l’alimentation en oxygène de la pile va passer et être purifié. Comme les polluants de l’air capté ne sont pas rejetés à l’échappement, il y a purification de l’air ambiant.

2/ Quel est le bilan de la production d’hydrogène sur la ressource en eau ? 1:27

Pour les questions de ressources en eau, on s’intéresse à l’électrolyse. Celle-ci a pour intrants l’électricité et l’eau. Il faut environ 15 à 20 litres d’eau par kilogramme d’hydrogène produit.

La consommation d’un bus à hydrogène est d’environ 20 kg H2/jour, ce qui donne 300 litres d’eau pour faire rouler un bus une journée, soit la consommation moyenne quotidienne de 2 personnes. Cela peut paraître faible, mais il faut faire attention aux territoires de production de l’hydrogène, dans les cas de tension ou de stress hydrique.

Il ne faut pas non plus oublier que la pile à combustible rejette de l’eau à l’échappement, donc contribue au cycle de l’eau global.

3/ La filière hydrogène a-t-elle recourt à des métaux rares ? 2:42

La filière hydrogène est en effet concernée par la problématique des métaux rares. La pile à combustible nécessite beaucoup de platine, environ 6 fois plus que pour un pot catalytique.

On sait recycler le platine mais il faut d’abord l’extraire, avec des conséquences environnementales, et gérer l’approvisionnement, avec des conséquences politiques.

4/ Le rendement énergétique global de l’hydrogène est-il suffisant ? 3:18

On rappelle que l’hydrogène est un vecteur énergétique, qui nécessite une énergie primaire pour sa production. Cette énergie primaire va avoir un impact, que ce soit de la biomasse ou de l’électricité via l’énergie éolienne, photovoltaïque ou nucléaire. Il faut comparer différentes chaînes de rendement, notamment dans les périodes de tension sur la ressource énergétique. Le rendement de l’hydrogène n’est pas extraordinaire, il est de 70 % à la production et de 50 % à l’utilisation dans la pile à combustible. Dans l’ensemble de la chaîne, cela représente donc 30 % de rendement.
Il existe cependant des cas d’application de la pile à combustible, très spécifiques, qui sont intéressants, notamment en raison de sa charge rapide et sa grande autonomie. La batterie ne peut en effet pas répondre à tous les besoins, malgré son rendement supérieur.

La chaîne de rendement peut encore être améliorée dans la partie production, pour atteindre des rendements de 90 %.

Hydrogène : quels coûts ?

1/ En termes de coût, comment se situe l’hydrogène énergie par rapport au diesel ?

Dans la mobilité, l’équation économique est aujourd’hui à l’avantage du diesel.

À la pompe, dans les projets développés actuellement, le carburant coûte entre 10 et 15 €/kg H2. Pour être compétitif, il faudrait atteindre 8 à 9 €/kg H2, si on considère uniquement le prix du carburant. En ajoutant la valeur du véhicule, et donc pour que le consommateur réalise des économies et rentabilise l’achat de son véhicule, le prix du carburant doit atteindre 5 à 6 €/kg H2.

Il y a encore un gué à franchir, qui semble possible grâce à l’industrialisation de la filière hydrogène et à la montée du prix des carburants fossiles, un phénomène conjoncturel à ne pas négliger. C’est donc une équation dynamique.

2/ Pour les usages industriels, l’hydrogène bas carbone est-il compétitif face à l’hydrogène carboné ? 1:24

Dans l’industrie, l’équation économique est encore difficile à résoudre. Le moyen de production est différent. L’hydrogène « gris » provient du méthane, qui était plutôt bon marché avant la crise du gaz. Il était alors entre 2 et 3 €/kg. En électrolyse, le prix « avant crise » est autour de 6-7 €/kg dans les projets performants. La différence doit être comblée par des progrès dans l’industrialisation de l’hydrogène et par une taxation du CO2 (soit une plus grande pression sur l’usage d’énergies fossiles). Avec la conjoncture actuelle de crise énergétique et l’inflation, le prix du gaz augmente mais celui de l’électricité aussi. Les deux coûts de production de l’hydrogène augmentent, mais pas de la même manière ; c’est à l’avantage de l’hydrogène bas carbone.

Hydrogène : quels enjeux ?

1/ Pourquoi le contexte actuel est-il favorable au développement de l’hydrogène

Il y a déjà eu de l’enthousiasme autour de l’hydrogène, notamment dans les années 2000, porté par les constructeurs automobiles.

Aujourd’hui, le contexte et le référentiel changent. On a affaire à une double contrainte carbone : raréfaction des énergies fossiles d’une part, et impact climatique d’autre part. Cela touche désormais de nombreux secteurs autres que l’automobile. Il y a donc un engouement pour l’hydrogène de la part des acteurs publics, ainsi que des industriels énergéticiens et gaziers. De plus, les crises environnementales locales (comme la qualité de l’air, entraînant la création de zones à faibles émissions) ajoutent des contraintes pour les acteurs du transport et de la mobilité, les poussant aussi vers l’hydrogène.

 

2/ Un cadre mondial est-il en place pour permettre ce développement ? 1:07

La dynamique mondiale est intéressante. Les États font actuellement la course à la « feuille de route hydrogène », à qui mettra le plus de budget. En parallèle, la dynamique industrielle propose des regroupements d’intérêt des gros acteurs industriels (Air Liquide, Hyundai, Toyota, etc.), sur toute la chaîne de valeur, à l’image de l’association Hydrogen Council. Ces regroupements réalisent des études, qui montrent notamment qu’à l’horizon 2050, un peu moins de 20 % de l’énergie finale consommée au quotidien (sous forme de mobilité, d’énergie) le sera sous forme d’hydrogène.
L’Agence internationale de l’énergie, orientée vers les énergies fossiles et nucléaire au départ, a bien compris l’enjeu de l’hydrogène et son lien avec les énergies renouvelables. Dans son récent rapport, consacré en partie à l’hydrogène, elle affiche la nécessité de l’intégrer au mix mondial dans le développement des énergies renouvelables.

3/ Aujourd’hui, comment est fabriqué l’hydrogène et pour quels marchés ? 2:34

Aujourd’hui, malgré les dynamiques en cours, l’hydrogène est avant tout utilisé dans l’industrie (pétrochimique, engrais, traitements thermiques), et son usage n’est pas encore répandu dans les mobilités (moins de 1% de la consommation).

L’hydrogène à usage industriel est encore aujourd’hui produit à partir de méthane et de charbon. 90 % de l’hydrogène consommé est donc issu de sources fossiles. L’électrolyse (production à partir d’eau et d’électricité provenant de sources renouvelables ou bas carbone) ne représente que quelques pourcents dans le mix de production de l’hydrogène.

4/ Quels sont les enjeux de son développement ? 3:47

Le plus gros enjeu est de massifier la production d’hydrogène renouvelable à usage industriel. La production actuelle d’hydrogène représente en effet 2 à 3 % des émissions de CO2 à échelle mondiale. Il y a donc un véritable enjeu de décarbonation de cette production, pour aller de l’hydrogène gris vers un hydrogène « vert » (bas carbone et renouvelable). En parallèle, l’autre enjeu va être de développer de nouvelles mobilités, de se passer du pétrole pour aller vers des modèles hydrogène. Cette transition sera plus échelonnée, à horizon 2030.

Article témoin : Énergie

Crise énergétique et géopolitique, impact environnemental, réglementation…, notre monde est soumis à de multiples enjeux qui l’obligent à revoir la disponibilité des ressources énergétiques et leur utilisation. L’industrie, pour sa part, est par ailleurs confrontée au double défi d’assurer sa croissance tout en préservant l’environnement. Dans ce contexte, il est indispensable d’être en mesure d’imaginer et développer des sources d’énergie propre et durable, capables de participer à la décarbonation de l’économie sans nuire à la compétitivité des entreprises.

L’hydrogène apparaît aujourd’hui comme une ressource susceptible de relever ces défis, à condition que sa production et ses usages soient respectueux de l’environnement. Il est déjà possible de produire de l’hydrogène de manière vertueuse. Cependant, son stockage et, consécutivement, son transport sont compliqués par la nature même de ce gaz qui nécessite des conditions précises de température et de pression. L’hydrogène étant très inflammable, voire explosif sous certaines conditions, son stockage en toute sécurité constitue donc un autre enjeu.

Pour résumer, pour une utilisation pratique, sûre et respectueuse de l’environnement, il convient de développer des méthodes de stockage performantes, fiables et peu coûteuses.

Le stockage sous forme solide dans des hydrures métalliques constitue, pour sa part, une piste très prometteuse en la matière. Parmi ces matériaux, une nouvelle classe d’alliages affiche des performances très intéressantes : les alliages multi-élémentaires, autrement appelés « à haute entropie ». Les possibilités de composition de ces alliages étant nombreuses, il conviendra de déterminer lesquelles devront être privilégiées au regard de leurs possibles capacités, de leurs propriétés ou encore de leur stabilité.

Vous avez envie d’en savoir sur ces nouveaux alliages et leurs performances ? Les éditions Techniques de l’Ingénieur vous invitent à découvrir gratuitement toute la richesse des bases documentaires en vous proposant le téléchargement gratuit d’un dossier témoin.

Découvrez ainsi le thème Énergie avec l’article témoin : « Nouveaux matériaux pour le stockage de l’hydrogène – Alliages métalliques multi-élémentaires hydrurables » de Claudia Zlotea, en téléchargement gratuit.