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Le concept de jumeau numérique du vivant consiste à créer une réplique numérique fidèle et dynamique d’un organisme vivant, en étant capable de simuler son fonctionnement en temps réel ou en projection. Si cette approche est aujourd’hui en plein essor dans le domaine industriel - aéronautique, automobile - pour des systèmes inertes, son application au vivant soulève des enjeux scientifiques et éthiques considérables.
Plusieurs projets internationaux d’envergure visent à modéliser certaines fonctions biologiques à très grande échelle. En Europe, le Human Brain Project, par exemple, a mobilisé plus d’un milliard d’euros sur une décennie pour modéliser le fonctionnement du cerveau humain. En France, l’INRIA et l’Inserm travaillent sur des modèles des jumeaux numériques de cœur, avec comme objectif la simulation des réactions d’un patient à un traitement, ou la prédiction de l’évolution d’une maladie.
D’autres projets se concentrent sur la modélisation de cellules uniques ou sur le jumeau numérique du microbiote, clé de voûte de nombreuses recherches dans les domaines de la nutrition, l’immunité et les pathologies chroniques. Enfin, à l’échelle systémique, des initiatives émergent autour de la biodiversité et des écosystèmes, avec l’ambition de créer des jumeaux numériques de forêts, rivières ou océans pour anticiper les effets du changement climatique.
Ces projets se heurtent à plusieurs obstacles. D’abord, la complexité biologique est immense : les interactions moléculaires, cellulaires et organiques dépassent de loin la linéarité des systèmes industriels. Le vivant évolue, s’adapte, résiste, ce qui rend toute modélisation hautement instable.
Ensuite, le manque de données fiables, massives et normalisées freine la précision des modèles. Malgré les progrès des biocapteurs, du séquençage de l’ADN, de l’imagerie médicale ou de l’intelligence artificielle, les données sont souvent fragmentées, peu interopérables, et souvent biaisées.
Un autre frein technique émerge : la puissance de calcul nécessaire pour faire tourner ces modèles en temps réel. Même les supercalculateurs actuels montrent leurs limites face aux ambitions de certains jumeaux numériques multi-échelles. Enfin, le cadre éthique, juridique et réglementaire reste flou, en particulier lorsqu’il s’agit de modéliser des individus et de prédire leur santé future.
Au-delà de ces difficultés, les promesses véhiculées par le jumeau numérique pour le vivant sont considérables. En médecine, les jumeaux numériques personnalisés pourraient révolutionner la prise en charge des maladies chroniques, permettre des essais cliniques virtuels, et optimiser la médecine prédictive et préventive.
Dans les sciences du vivant, ils pourraient améliorer la recherche fondamentale en testant des hypothèses in silico.
Dans l’agriculture, il deviendrait possible de simuler la croissance d’une plante en fonction du climat ou du sol. En écologie, les jumeaux numériques offrent des outils puissants pour la préservation des espèces et la gestion des crises environnementales. Plus largement, le jumeau numérique du vivant incarne un changement de paradigme : du soin curatif à l’anticipation, de l’expérimentation réelle à la simulation numérique.
Au final, le jumeau numérique du vivant reste aujourd’hui une promesse à venir. Si les projets foisonnent, les verrous techniques et éthiques sont nombreux. Mais les progrès conjoints de la biologie, de l’IA, de la simulation et des capteurs laissent entrevoir un futur où le vivant pourra être compris, soigné et protégé, en temps réel et sur mesure.
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