L’effet couronne, phénomène aujourd’hui bien connu, se manifeste sous forme d’une gaine lumineuse bleuâtre qui apparaît autour d’un fil mince, lorsque celui-ci est porté à un potentiel suffisant. Il rappelle le halo lumineux visible à la périphérie du soleil, au moment des éclipses, et qui lui a donné son nom. Du point de vue physique et électrique, ce phénomène est dû à l’ionisation de l’air, dès que le champ électrique régnant au voisinage immédiat du conducteur devient suffisant.
Lorsque l’on utilise des conducteurs de plus gros diamètre, comme ceux qui équipent les lignes aériennes, on constate que la gaine lumineuse évolue en décharges discrètes que les spécialistes ont coutume d’appeler « aigrettes » ou « effluves ».
On peut remarquer ici que ce phénomène se manifeste aussi dans des conditions naturelles, en particulier à l’approche d’un orage : sous l’effet de l’intense champ électrique généré par les charges électriques du nuage orageux, il se forme au sommet de toutes les pointes ou aspérités (mâts, paratonnerres, pics montagneux...) des effluves ou aigrettes, accompagnées d’un crépitement caractéristique. Les alpinistes connaissent bien ce bruit, qu’ils appellent « bruit d’abeilles ». Les feux de Saint-Elme, décrits par les anciens navigateurs, n’ont pas d’autre origine.
Lors de l’effet couronne, l’énergie dissipée est à l’origine de pertes électriques et les impulsions électriques associées aux aigrettes entraînent des perturbations radioélectriques.
Par l’analyse des résultats de mesures antérieures sur de nombreux types de conducteurs, on a mis en évidence l’influence des principaux paramètres régissant l’amplitude des phénomènes couronne. Dans leur ordre de mise en évidence, ce sont : le champ électrique superficiel du conducteur, son diamètre, son état de surface, la densité de l’air environnant.
Pour l’exploitation du réseau à 380 kV, l’effet couronne devient gênant et le choix de conducteurs en faisceaux permet d’en limiter les pertes et le champ perturbateur à des valeurs raisonnablement acceptables.
L’état de surface des conducteurs est un paramètre important par le fait que, plus il se dégrade, plus les pertes augmentent, et plus le champ perturbateur est élevé. Parmi les facteurs de dégradation, la pollution végétale ou industrielle, voire le suintement en surface de la graisse de toronage, jouent un rôle important, mais malheureusement difficilement maîtrisable. Plus encore, la pluie, en raison des aspérités que constituent les gouttes d’eau suspendues aux conducteurs, multiplie le nombre d’aigrettes génératrices de l’effet couronne.
Le code de calcul EFCOR (EFfet CORona), mis au point par EDF pour analyser la formation des pertes peut être considéré comme un outil remarquable, car il permet de suivre physiquement le mécanisme des pertes : entre autres performances, ce code permet de visualiser le mouvement des charges d’espace, et il est fascinant pour l’esprit d’assister quasi concrètement au ballet des ions qui se déplacent, s’entrecroisent et se recombinent au rythme du potentiel alternatif du conducteur. Mais, au-delà de cette satisfaction toute intellectuelle, les méthodes pratiques dérivées d’EFCOR permettent une prévision plus que satisfaisante au niveau des pertes sous pluie, précisément dans les conditions où elles sont économiquement les plus gênantes.
En ce qui concerne les perturbations radioélectriques, les diverses étapes de la connaissance des mécanismes de leur génération permettent maintenant la prédétermination du niveau perturbateur d’une ligne en projet. Actuellement, deux groupes de méthodes se partagent la faveur des spécialistes :
-
la méthode comparative, qui se base sur une comparaison directe avec des lignes témoins de caractéristiques plus ou moins semblables, et cherche à établir des relations empiriques de passage d’une structure de ligne à l’autre et d’un champ superficiel à l’autre ;
-
la méthode analytique, qui exploite les notions présentées ci-avant, prenant en compte l’influence de tous les paramètres constructifs d’une ligne, en remontant jusqu’au phénomène initial de l’aigrette ; cette méthode a donné lieu, également à EDF, à la mise au point du code de calcul ANALIG (ANAlyse des LIGnes).
Actuellement, la structure socio-géographique de la plupart des pays d’Europe de l’Ouest fait que les très hautes tensions (comprises entre 750 et 1 000 kV) ne seront probablement pas introduites dans un proche avenir (France, République fédérale d’Allemagne, Grande-Bretagne, Benelux, etc.), sauf dans les pays où des puissances massives doivent être transportées sur des distances de l’ordre du millier de kilomètres ; cela est le cas en Suède et le sera peut-être en Italie. Dans ce dernier pays, notamment, on envisage des transports à des tensions de 1 200 kV, voire de 1 500 kV. Il en est de même dans d’autres pays de vastes dimensions ou à très forte densité de population (États-Unis, Canada, Russie, Japon, etc.), où de telles tensions sont prévues et où des réseaux à 750 ou 800 kV sont déjà exploités. Ce sont donc dans ces pays que se déploient les plus importants efforts actuels de recherche, centrés sur l’emploi des ultra-hautes tensions.
Enfin, la multiplication des lignes aériennes, nécessitée par le développement économique, fait apparaître des contraintes de passage et met en évidence des phénomènes perturbateurs autres que ceux dus à l’effet couronne auxquels on n’avait jusqu’à présent prêté que peu d’attention. Les contraintes de passage ont conduit le CISPR (Comité International Spécial pour les Perturbations Radioélectriques) à élaborer, à la demande de certains pays, des règles de bon voisinage entre lignes perturbatrices et installations de réception riveraines, sans que toutefois l’application de ces règles devienne obligatoire. Parmi les phénomènes perturbateurs à considérer, on mentionnera notamment, outre l’effet couronne des conducteurs :
-
les perturbations dues aux chaînes d’isolateurs et à l’appareillage de poste ;
-
la perturbation des images de télévision par les ondes réfléchies sur les lignes (échos) ;
-
le bruit acoustique directement rayonné par les conducteurs ; ce problème a été traité dans l’article D 566 « Bruit des matériels électriques ».
En outre, certains pays (Brésil, États-Unis, Chine, Japon, Russie) développent, à côté des transports en courant alternatif triphasé, des liaisons à courant continu à très haute tension, ce qui entraîne la nécessité d’étudier également les phénomènes associés à l’effet couronne en tension continue.