En 2020, 55 % de la population mondiale vit en milieu urbain et ce nombre ne cesse d’augmenter en se traduisant notamment par un phénomène d’étalement urbain. Au-delà des changements globaux, ces espaces urbains en expansion concentrent aujourd’hui un grand nombre d’enjeux environnementaux (e.g. îlot de chaleur urbain, perturbation du cycle de l’eau urbaine, défaut de connectivité écologique). Il apparaît alors indispensable de développer et de mettre en œuvre des solutions pour rendre plus durables les villes de demain.
Les infrastructures vertes sont des constructions environnementales urbaines conçues par l’Homme comme des espaces naturels interconnectés pouvant fournir de multiples fonctions écologiques. En raison de leurs capacités à fournir un large éventail de services écosystémiques dans des villes bétonnées, les infrastructures vertes font l’objet d’une attention croissante en Europe et au-delà.
Les sols sont la composante fondamentale des infrastructures vertes, jouant un rôle clé dans la croissance des plantes, l'infiltration de l’eau, les activités microbiennes responsables du cycle des nutriments et la gestion des polluants. Prélever dans les zones rurales les horizons superficiels les plus fertiles du sol pour les transporter vers les zones urbaines où ils seront utilisés n’est pas une solution durable. En effet, le sol est une ressource non renouvelable et donc limitée nécessitant des milliers d’années pour se former dans des climats optimaux. De plus, l'excavation et le transport du sol des zones rurales aux zones urbaines sont coûteux et génèrent d’importantes émissions de dioxyde de carbone dans l'atmosphère. Dans l’autre sens, le transport de sols excavés pour les fondations de bâtiments depuis les villes vers d'autres sites, généralement ruraux, dégrade la zone réceptrice agricole ou naturelle. Cela affecte non seulement le paysage local mais également le bien-être des populations environnantes, humaines ou animales (nuisances sonores, olfactives et visuelles). Enfin, même si le sol transporté est propre, cette activité peut affecter la qualité de l'air par l’émission de poussières et de particules fines nocives pour la santé humaine.
Depuis une décennie, les collectivités locales, les entreprises de gestion des déchets et la communauté scientifique se penchent sur le recyclage de déchets en circuits courts pour créer des sols et des substrats de culture présentant des caractéristiques adéquates pour la croissance de végétaux. De tels sols artificiels sont appelés « technosols construits ». Cette approche présente notamment deux avantages majeurs : elle permet de recycler des déchets complexes à valoriser comme les gravats de destruction de bâtiments, et de limiter le prélèvement de ressources naturelles comme les sols prélevés loin des villes. Mais cela ne peut se faire sans considérer les nombreuses implications, notamment environnementales, des choix effectués lors de leur conception. Quels déchets peuvent être utilisés ? Comment les associer, et en quelles quantités, pour obtenir des caractéristiques souhaitées pour son usage donné ? Le sol ainsi créé sera-t-il propice à la croissance de végétaux et quelles espèces de plantes sont les plus à même de s’y développer ? Enfin, comment ces végétaux qui s’y développeront, ainsi que la biodiversité qui s’y installera spontanément, agiront-ils sur ces technosols et leur évolution à long terme ? Cet article a l’ambition d’éclairer ces questions en se basant sur les connaissances issues d’études scientifiques, illustrées par de nombreux exemples concrets.