La prévention des inondations et la politique agricole ont conduit à la modification physique des cours d’eau par des travaux de recalibrage et de rectification. Ces techniques ont été utilisées de manière très fréquente dans les zones rurales et péri-urbaines, particulièrement au cours des années 1950 à 1980, pour diminuer la fréquence de submersion des terres. Ces travaux ont été effectués, le plus souvent, sans diagnostic environnemental et sans prendre en compte la dynamique naturelle de la rivière et les impacts potentiels sur l’écosystème aquatique. Il en résulte aujourd’hui une altération profonde de l’ensemble des fonctionnalités et des services écosystémiques rendus par le milieu. Ces travaux sont à l’origine d’une homogénéisation générale du lit, des écoulements et donc des habitats aquatiques. Ils ont également contribué à l’incision importante du lit des cours d’eau et à l’accentuation des étiages estivaux défavorables à la vie aquatique.
Affluent en rive gauche de la Dordogne, le ruisseau du Céou n’échappe pas à cette tendance. Cette rivière s’écoulant sur 50 km au sein d’un bassin versant karstique est soumise à de fortes perturbations liées à ces travaux passés. Pour améliorer l’état et le fonctionnement de ce cours d’eau, le Programme pluri-annuel de gestion du Céou (PPG., 2007) a permis la restauration d’aménagements appelés « barres tufeuses » qui constituent des petits seuils se formant naturellement à partir du tuf calcaire. Ces aménagements ont pour objectifs d’inverser la tendance à l’enfoncement du lit induit par une auto-incision active depuis les lourds travaux de curages réalisés par le passé et de diversifier la fonctionnalité du milieu en créant des habitats piscicoles dans les secteurs les plus perturbés servant de zones refuges en période estivale.
La nécessité d’intervenir activement en matière de restauration écologique dans ce contexte donné est issue de plusieurs facteurs : un assèchement estival du cours d’eau qui semble aller en s’aggravant lors des années les plus sèches, une mortalité importante de la faune aquatique (nécessité de pêches de sauvegarde annuelles), une différence entre l’abondance des populations piscicoles réellement observées et celles potentiellement attendues au regard des capacités du milieu et des données historiques. Afin de disposer d’éléments de caractérisation par aménagement, un suivi a été réalisé en 2014 et 2015. Les objectifs sont d’évaluer la capacité des barres tufeuses restaurées à répondre aux problématiques identifiées : limiter l’incision et restaurer certaines fonctionnalités écologiques. Un protocole a été mis en place, il permet d’évaluer les effets des aménagements sur le cours d’eau en utilisant plusieurs indicateurs qui seront décrits.
Dans cet article, nous présenterons rapidement les processus impliqués dans la formation des barres tufeuses à partir des données bibliographiques sélectionnées. Nous déroulerons ensuite les différentes étapes clés de leur restauration : de la conception du projet à la mise en place des aménagements. Nous présenterons les difficultés rencontrées, qu’elles soient techniques, économiques ou encore sociales et nous terminerons enfin par la présentation des effets mesurés dans le cadre du suivi et nous discuterons de leur possible transposition sur d’autres ruisseaux karstiques.