Le CO2 supercritique (SC) : un solvant vert pour l’extraction
Utilisé à l’échelle industrielle depuis la fin des années 1970 pour l’extraction de produits naturels dans la cosmétique, la nutraceutique et l’agroalimentaire, le CO2 SC s’est imposé comme un procédé alternatif à l’extraction classique à base de solvants issus de l’industrie pétrolière. Le premier exemple d’industrialisation à grande échelle de ce procédé concerne la décaféination du café. Le CO2 de par ses propriétés physico-chimiques (incolore, inodore, non toxique, non inflammable) est en effet le fluide supercritique le plus utilisé d’un point de vue industriel. Par ailleurs, du fait de ses conditions critiques modérées (Tc = 31 °C, Pc = 73,8 bar), le CO2 SC est très rapidement apparu comme un candidat particulièrement approprié à l’extraction végétale, et notamment comme alternative aux solvants organochlorés. Il est aussi dense qu’un liquide, avec des propriétés de transport proches de celles d’un gaz. Il peut ainsi être utilisé comme un solvant apolaire pour remplacer des produits chimiques beaucoup moins inoffensifs (exemple : chloroforme, trichloréthylène, perchloroéthylène...). Depuis, de nouvelles applications du CO2 SC dans le domaine du nettoyage de pièces mécaniques et médicales ont permis de confirmer les potentialités de ce fluide comme solvant alternatif de choix, non seulement pour l’élimination de résidus hydrophobes de type huiles, lubrifiants, monomères mais aussi pour son action bactéricide et désinfectante.
Respect de l’environnement et réglementation (enjeux)
L’intérêt grandissant porté ces dernières années aux questions environnementales a conduit à l’émergence de solutions innovantes s’engageant définitivement dans le développement durable afin de satisfaire les exigences pour la protection de l’environnement, la santé publique et, qui plus est, de minimiser la consommation énergétique des procédés développés. Et surtout, au-delà de l’aspect environnemental et sociétal, ces procédés doivent être économiquement rentables pour être durables. Par exemple, l’utilisation des solvants organiques pour le nettoyage de pièces mécaniques ou de dispositifs médicaux est soumise à des restrictions de plus en plus fortes, en particulier depuis la mise en œuvre de la directive REACH (interdiction de l’utilisation du trichloréthylène depuis mars 2016), afin d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement, contre les risques que peuvent engendrer ces produits chimiques. Ces contraintes sont particulièrement importantes dans le domaine de l’industrie médicale, il est donc essentiel de proposer des substances alternatives aux solvants organiques classiquement utilisés dans les procédés de nettoyage. Le traitement par le CO2 supercritique a été récemment introduit avec succès comme alternative à ces procédés de nettoyage par solvants.
Les fluides supercritiques et le nettoyage (procédé écologique/économique)
Le CO2 est le fluide supercritique le plus utilisé car il est largement disponible (c’est en fait un sous-produit de l’industrie pétrolière) et a des coûts modérés (de l’ordre de 120 €/tonne). De plus ses paramètres critiques sont faibles, ce qui en fait un solvant « vert » avec des applications industrielles tout à fait innovantes. Le premier atout de ce procédé innovant repose sur la forte variation du pouvoir solvant du CO2 en fonction des conditions opératoires (température et pression), ce qui permet de solubiliser les nombreuses molécules entrant dans la composition des lubrifiants ou autres composés hydrophobes suivant leur nature chimique. Très faiblement polaire, le CO2 se révèle en effet être un excellent solvant des molécules apolaires ou peu polaires dans les conditions supercritiques. Le second atout réside dans un mode de nettoyage 100 % « à sec », gazeux après dépressurisation, le CO2 SC permet de mettre en œuvre des procédés sans séchage, aboutissant à des produits exempts de tout résidu d’extraction, les lubrifiants solubilisés dans la phase supercritique ayant été préalablement éliminés et récupérés sous forme liquide. De plus, les faibles températures mises en œuvre (en général de 35 à 50 °C) permettent de respecter l’intégrité chimique des molécules thermo-sensibles traitées (textiles synthétiques et naturels) et de minimiser les coûts opératoires. Ces propriétés font du nettoyage par CO2 SC une alternative, écologiquement et économiquement viable, aux procédés classiques répandus jusqu’à maintenant dans l’industrie (lessiviel, hydrocarbures, alcool modifié).