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Étape majeure pour le projet de fusion nucléaire ITER

Posté le par Joël Spaes dans Énergie

Le projet de réacteur thermonucléaire expérimental international (ITER, en initiales anglaises) a franchi une étape importante fin mai, avec la mise en place de la première pièce majeure du réacteur, le cryostat, sur le site de Cadarache, dans les Bouches-du-Rhône.

En deux jours, une équipe d’environ 200 personnes a installé la base du cryostat, une cuve en acier de 1 250 tonnes, pour la mettre en place dans le puits qui va accueillir le tokamak, un énorme tore au sein duquel la réaction de fusion aura lieu. Cet élément est la partie inférieure du « boîtier » qui va encapsuler le tokamak, l’ensemble étant placé dans un puits de 30 mètres de profondeur et de 30 m de diamètre.

Les éléments composant la base du cryostat ont été fabriqués par Larsen & Toubro dans son usine d’Hazira en Inde. Ils ont été livrés en 2015 sur le site d’ITER, à Cadarache. Et le composant de 1 250 tonnes a été assemblé sur place. Il attendait depuis juillet dernier sur site pour une mise en place. La difficulté de l’opération a consisté à vérifier que les déformations lors du levage et de la mise en place ne dépassaient pas les valeurs acceptables.

Le cryostat aura un rôle de « thermos » permettant d’isoler le système magnétique qui va être mis à l’intérieur, des températures cryogéniques de l’extérieur.

Dans un tokamak, trois conditions doivent en effet être remplies pour obtenir des réactions de fusion : une température de l’ordre de 150 millions de degrés Celsius, une densité de particules suffisante pour produire le plus grand nombre de collisions possibles, et un temps de confinement de l’énergie suffisamment long pour que les collisions se produisent avec la plus grande vitesse possible. Ainsi, le cœur du tokamak est constitué d’une chambre à vide en forme d’anneau (tore). Sous l’influence d’une température et d’une pression extrêmes, le gaz d’hydrogène se mue en plasma, au sein duquel les atomes d’hydrogène peuvent fusionner et produire de l’énergie.

La fusion présente plusieurs avantages par rapport à la fission nucléaire utilisée dans les réacteurs du parc nucléaire existant. D’abord, le « combustible » est abondant, l’hydrogène pouvant être fabriqué à partir d’eau. Ensuite, la fusion n’utilise pas de matière fissiles (comme l’uranium ou le plutonium) susceptibles d’être utilisées à des fins militaires. En outre, la fusion ne produit pas de déchets radioactifs à vie longue (des dizaines de milliers d’années), les matériaux utilisés peuvent être recyclés ou réutilisés dans les 100 ans après arrêt de l’installation, selon les concepteurs. Enfin, le risque d’accident est largement réduit, la fusion s’arrêtant en cas de perturbation et la quantité de matière présente dans l’enceinte ne permet pas d’alimenter des réactions au-delà de quelques secondes, évitant ainsi toute réaction en chaîne. En revanche, comme la fission, la fusion n’entraîne que des émissions de CO2 marginales.

Si la fusion n’a pas encore été utilisée commercialement, c’est à cause de la complexité à mettre en œuvre une telle source d’énergie : notamment parvenir à une température très élevée à laquelle aucun matériaux connu ne peut résister, ce qui implique de former un plasma « dans le vide » sans toucher les parois du tokamak.

Objectifs 2025 et 2035

L’objectif des équipes d’ITER demeure de positionner l’ensemble des grands composants d’ici 2021, afin de respecter la date de décembre 2025 pour démarrer les premiers essais sur la machine et produire le « premier plasma » imitant le soleil. Néanmoins, il faudra attendre 2035 pour que l’installation de fusion soit pleinement opérationnelle avec une exploitation complète du plasma deutérium-tritium auto-entretenu. La machine réalisera des décharges de plasma de longue durée et testera également, pour la première fois, les technologies, les matériaux, ainsi que les régimes de plasma requis pour produire de l’électricité dans une perspective commerciale. Avec un volume de plasma dix fois supérieur à celui de la plus grande machine de fusion opérationnelle aujourd’hui.

Le record de puissance de fusion produite est à ce jour détenu par le tokamak européen JET (Joint European Torus), au Royaume-Uni. En 1997, il a produit 16 MW de puissance de fusion pour une puissance de chauffage totale de 24 MW. Ce ratio de 0,67 devrait être porté à 10 par ITER, soit 500 MW de puissance de fusion pour une puissance en entrée de 50 MW. Attention, ITER ne fonctionnera pas en continu, et l’électricité produite ne sera pas injectée sur le réseau.

En 1985 le projet a été lancé, mais les membres d’ITER (la Chine, l’Union européenne, l’Inde, le Japon, la Corée, la Russie et les États-Unis) ne se sont engagés dans une collaboration de 35 ans pour construire et exploiter l’installation expérimentale ITER qu’en 2006.

L’accord signé alors par les partenaires prévoit un financement par les sept membres. Au passage, le Royaume-Uni, qui sort de l’Union européenne, a demandé à continuer à participer au projet. Des 5 milliards de dollars prévus au départ, le projet mise désormais sur 20 milliards de dollars (près de 18 milliards d’euros), pour construire le plus grand réacteur à fusion du monde. L’Union européenne, où sera installé ITER, fournit 46 % du budget, et au sein de ce chiffre, la France, pays d’accueil, 20 %, les 80 % de la contribution européenne étant répartis sur Bruxelles. Chacun des six autres partenaires fourni 9 % du budget global. A noter que seulement 20 % du financement global est fourni en « cash », les pays membres s’engageant sur la livraison de composants.

Demo, la suite

Si ITER est un prototype, Demo, qui sera le projet de démonstration commerciale, avance en parallèle. Ainsi, récemment, un consortium comprenant Ansaldo Nucleare, Empresarios Agrupados Internacional et Framatome s’est vu attribuer par la Commission européenne un contrat-cadre de quatre ans, d’une valeur de 10 millions d’euros (11 millions de dollars), pour l’étude pré-conceptuelle du successeur d’ITER.

Une machine qui ne verra le jour qu’au mieux en 2050, et aura pour objectif de démontrer la production continue d’énergie, en fournissant de l’électricité au réseau.

Le contrat, dont Ansaldo Nucleare représente environ 40 % de la valeur totale, vise à une évaluation physique et technologique de l’architecture du système de l’usine de fusion nucléaire, de sa configuration générale et des processus d’ingénierie du système.

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Posté le par Joël Spaes


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