Deux grands modes de gestion des combustibles sont possibles :
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le cycle ouvert où les combustibles usés sont considérés comme des déchets ultimes, destinés au stockage géologique ;
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le cycle fermé où les matières valorisables (uranium et plutonium) contenues dans les combustibles usés sont recyclées. Le complément de matières au sein des combustibles usés représente les déchets ultimes qui, après vitrification, sont mis au stockage géologique.
En France, le cycle du combustible n'est plus complètement ouvert depuis presque 30 ans. Le recyclage du plutonium dans les combustibles MOX a été mis en œuvre pour la première fois en 1987 à la centrale de Saint-Laurent- des-Eaux et le recyclage de l'uranium de retraitement sous forme de combustible URE pour la première fois en 1994 à la centrale de Cruas. En fait, le cycle du combustible évolue constamment avec des constantes de temps très longues, à la fois au niveau de la conception de ces évolutions et au niveau de leurs effets après leur déploiement. Ainsi, la faisabilité du recyclage du plutonium dans les REP a été démontrée en s'appuyant sur des expérimentations qui ont commencé dès 1963 dans le réacteur à eau pressurisée belge BR3 et se sont poursuivies dans la centrale Chooz A à partir de 1974. La décision de le recycler industriellement en France a été prise en 1985. Depuis le début du déploiement du parc REP français, dans la seconde moitié des années 1970, les évolutions ont été nombreuses pour rechercher une meilleure efficacité dans l'utilisation de l'uranium et optimiser la gestion des déchets : accroissement des taux de combustion moyens depuis environ 30 GWj/tU jusqu'à 45 GWj/tU dans les années 2000 grâce à la mise en œuvre de gestions nouvelles du combustible, traitement des combustibles à l'uranium enrichi déchargés des réacteurs dès le début des années 1980, recyclage du plutonium et de l'uranium de retraitement, etc. Toutes ces évolutions ont des impacts multiples sur la gestion des matières et des déchets, sur les réacteurs et les installations du cycle, autrement dit sur le « système nucléaire » dont la cohérence doit être assurée dans la durée. Ces impacts se situent à différentes échelles de temps, dont certaines sont très lointaines et il est indispensable de les anticiper suffisamment tôt.
Des évolutions sont bien sûr encore à venir sur le parc actuel et avec la mise en service des réacteurs de 3e génération comme EPR : le cycle y restera partiellement fermé. La fermeture complète du cycle viendra avec les systèmes nucléaires de 4e génération qui font l'objet de développements importants dans le monde depuis le début des années 2000, que ce soit dans le cadre d'une collaboration internationale à travers le Forum International « Generation IV » ou dans le cadre de programmes nationaux. Les objectifs assignés à ces systèmes sont, outre ceux des réacteurs de 3e génération (sûreté, compétitivité notamment), des objectifs liés à la « soutenabilité » : mieux utiliser les ressources combustible et optimiser la gestion des déchets nucléaires. Les systèmes de 4e génération en cours d'étude sont pour la plupart des réacteurs à neutrons rapides avec un cycle complètement fermé uranium/plutonium. En France, en particulier, le choix a été fait de développer prioritairement le réacteur à neutrons rapides refroidi au sodium dont le niveau de maturité est le plus avancé et un démonstrateur technologique, dénommé ASTRID (Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration) d'une puissance de 600 MWe, est développé sous le pilotage du CEA. Sa mise en service est prévue aux alentours de 2025 avec les installations du cycle associées. Le développement de ces systèmes jusqu'à la maturité industrielle prendra du temps (milieu du XXI e siècle). La transition entre un parc nucléaire de 3e génération et un parc nucléaire de 4e génération se fera sur une durée séculaire et elle fera cohabiter les deux générations de réacteurs et de cycles. Cette transition doit se faire en garantissant la cohérence du cycle du combustible qui sera alors encore plus qu'aujourd'hui un point clé du « système nucléaire ». Les développements associés à ces évolutions encore lointaines se préparent dès aujourd'hui pour que, notamment, le maintien de cette cohérence soit garanti.
Cet article a pour objet de présenter les apports du cycle du combustible nucléaire de 4e génération et la transition possible entre le cycle actuel des réacteurs à eau légère et le cycle futur en utilisant les résultats d'études de scénarios de déploiement des réacteurs à neutrons rapides. Le multirecyclage du plutonium dans ces systèmes est traité dans cet article. La transmutation des actinides mineurs est une option potentielle du cycle de ces systèmes : elle est présentée dans un autre article intitulé « La transmutation des actinides mineurs dans les systèmes de 4e génération » [BN 3 562].