L’étude des propriétés électriques des liquides diélectriques concerne essentiellement l’électrotechnique. Cependant, il s’agit d’un domaine qui se caractérise par sa pluridisciplinarité, puisqu’il touche à la chimie, l’électrochimie, l’électronique, la mécanique des fluides, la physique des décharges dans les gaz.
Les liquides utilisés dans les isolations des matériels électrotechniques, en dehors de l’huile minérale, sont pour la plupart des matériaux de synthèse, élaborés pour une étude ou une application spécifique. Il s’agit de fluides, donc de matériaux déformables : les forces électriques peuvent y créer des mouvements (électrohydrodynamiques) modifiant considérablement le transport des charges électriques.
Les liquides sont très rarement employés seuls, mais généralement en association avec des solides isolants (isolations imprégnées). Outre le rôle de contribuer à l’isolation électrique, ces liquides permettent de réduire, voire d’éliminer les décharges partielles. Enfin, leur rôle caloporteur dans de nombreux appareils est très important. Dans certains cas spécifiques, ils ont pour fonction également de ralentir l’oxydation.
Dans tous les cas, le passage du courant électrique implique qu’il y ait un échange de charges aux interfaces métalliques ou isolantes avec une certaine cinétique : des charges peuvent disparaître, être créées (injectées) ou bloquées. L’examen de tels mécanismes est également abordé en électrochimie, ou dans le domaine de la physique des semi-conducteurs.
Pour l’ingénieur électricien, le problème majeur est celui des pertes par conduction et de la tenue diélectrique aux temps longs (vieillissement) ou lors de surtensions ; en général, la tension appliquée est alternative, de basse fréquence (50 à 400 Hz). Les isolants liquides et solides sont utilisés en association dans des géométries complexes, souvent sous contraintes conjuguées électriques, thermiques, mécaniques, etc.
La compréhension des mécanismes de génération et de transport de charge, ainsi que des phénomènes électrochimiques et électrohydrodynamiques, constitue une étape importante pour l’interprétation des phénomènes de préclaquage et de claquage, à court et à long terme, des liquides.
Une isolation est soumise à une tension (alternative, continue, impulsionnelle), mais la distribution du champ électrique, au sein des matériaux et en fonction du temps, peut être fortement modifiée par la présence de charges spatiales. Celles-ci peuvent créer des renforcements locaux du champ électrique susceptibles de conduire au claquage de l’isolation. Ces effets, dominants en général sous champ élevé (et souvent présents sous tension de service), donnent lieu à une conduction non linéaire (le comportement du liquide n’est plus ohmique).
Dans cet exposé, nous analysons les divers mécanismes de conduction en examinant des situations bien définies : géométrie plane, liquide de formule chimique simple dont on contrôle la conductivité par adjonction d’électrolytes connus, électrodes choisies pour leurs propriétés de collecteurs ou d’injecteurs de charges. Nous examinons également le comportement de liquides dans les situations où ils sont utilisés dans la pratique industrielle.