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Des matériaux atomiquement minces génèrent des vortex optiques : une révolution pour les communications photoniques

Posté le par Morgane Gillard dans Innovations sectorielles

Les vortex optiques, ces faisceaux lumineux en spirale, représentent une avancée majeure pour les communications optiques et la photonique quantique. Jusqu’ici, leur génération nécessitait des dispositifs complexes et coûteux, difficiles à miniaturiser. Des chercheurs australiens proposent aujourd’hui une solution radicalement différente : l’utilisation de matériaux van der Waals ultra-minces, capables de transformer la lumière en vortex sur quelques micromètres seulement, ouvrant la voie à des dispositifs photoniques ultra-compacts et potentiellement révolutionnaires pour les télécommunications et la cryptographie quantique.

Dans le domaine de la photonique, les vortex optiques représentent l’une des avancées les plus prometteuses pour l’avenir des communications optiques, de la manipulation microscopique jusqu’à la cryptophotonique. Ces faisceaux lumineux en spirale, capables de transporter un moment angulaire orbital (OAM, le faisceau ne se propage pas comme une vague plate mais en spirale, avec un front d’onde hélicoïdal), offrent un moyen d’encodage inédit – exploitable pour l’augmentation significative de la capacité d’information ou la création de canaux de transmission ultra-sécurisés. Jusqu’à aujourd’hui, la génération de tels faisceaux reposait sur des dispositifs volumineux ou coûteux (fentes spatiales, métasurfaces complexes, « micro-combs » intégrés…), nécessitant des procédés de nanofabrication sophistiqués, souvent peu compatibles avec un déploiement à grande échelle.

Des matériaux naturels ultra-minces pour la génération de vortex optiques

Dans ce contexte, les chercheurs de l’Université de Melbourne publient une méthode inédite et élégante – basée sur l’utilisation de matériaux van der Waals (vdW) – pour fabriquer des générateurs de vortex optiques sans aucune nanofabrication. Ces matériaux « atomiquement minces », tels que le nitrure de bore hexagonal (hBN) et le disulfure de molybdène (MoS₂), présentent une biréfringence très élevée, autrement dit une forte anisotropie optique (ces matériaux ralentissent la lumière de différentes manières, selon la façon dont elles y pénètrent), ce qui permet de provoquer un couplage spin-orbite efficace sur des épaisseurs allant de quelques micromètres à quelques centaines de nanomètres.

Des expérimentations convaincantes

Formation d’un vortex optique
Le passage d’une lumière polarisée circulairement à travers certains matériaux de van der Waals provoque la formation d’un vortex optique © Jaegang Jo et al. 2025

Dans l’article « Spin-orbit coupling in van der Waals materials for optical vortex generation » publié dans Light: Science & Applications, les auteurs montrent qu’un simple cristal ultra-fin peut transformer la lumière d’une manière spectaculaire. Lorsqu’un faisceau de lumière polarisée circulairement traverse un minuscule cristal de nitrure de bore hexagonal (hBN) de seulement 8 micromètres d’épaisseur, il change de polarisation et se met à « tourbillonner », créant un vortex optique. En clair, la lumière acquiert un moment orbital, comme si elle transportait une petite rotation intrinsèque supplémentaire. Dans cette expérience, environ 30 % de la lumière a subi cette transformation, ce qui est déjà une efficacité notable. Avec un flocon de disulfure de molybdène (MoS₂) encore plus fin – seulement 320 nanomètres d’épaisseur –, l’efficacité est de 9 %. Malgré un taux plus faible, cela montre que des effets quantiques fascinants peuvent être obtenus à des échelles nanométriques. À terme, les chercheurs estiment qu’il serait possible d’atteindre une efficacité maximale théorique de 50 %.

Vers des dispositifs photoniques ultra-compacts

Ce qui rend cette approche véritablement révolutionnaire, c’est d’abord la simplicité de fabrication : contrairement aux méthodes traditionnelles qui nécessitent des structurations nanométriques complexes ou l’utilisation de métasurfaces sophistiquées, les matériaux van der Waals exploitent directement leur anisotropie naturelle. À cela s’ajoute une compacité inégalée, puisque les générateurs de vortex optiques obtenus ne mesurent que quelques micromètres, voire nanomètres, alors que les dispositifs classiques atteignent généralement plusieurs millimètres, voire centimètres. Enfin, ces matériaux présentent une remarquable scalabilité : ils peuvent être empilés et intégrés facilement, ouvrant ainsi la voie à des dispositifs photoniques ultra-compacts, capables d’être directement intégrés sur des puces.

Applications et perspectives futures

Les vortex optiques produisent un nouveau degré de liberté pour l’encodage de l’information : leur structure hélicoïdale peut transporter plusieurs bits par photon, multipliant ainsi la bande passante des communications optiques. En outre, leur structure labyrinthique rend les canaux plus résistants au piratage ou aux écoutes non autorisées.

Au-delà des communications classiques, ces faisceaux sont déjà utilisés en optique quantique (pour manipuler des qubits), en microscopie à contraste de phase, ou encore en optomécanique, où le moment angulaire peut générer des forces sur des microparticules.

Les simulations des chercheurs suggèrent que l’utilisation d’un faisceau de type Bessel, focalisé de manière spécifique, pourrait améliorer l’efficacité tout en réduisant encore l’épaisseur requise – pouvant atteindre le domaine sub-longueur d’onde.

Limitations et prochaines étapes

Malgré des avancées spectaculaires, plusieurs limites doivent encore être surmontées avant d’envisager des applications concrètes. L’efficacité de conversion reste en effet partielle : les taux mesurés demeurent inférieurs à 50 %, même si les modèles théoriques suggèrent qu’ils pourraient être améliorés. De plus, les matériaux testés comme le hBN et le MoS₂ possèdent des plages de transparence propres, qui doivent impérativement coïncider avec les longueurs d’onde utilisées en télécommunications, situées entre 1,3 et 1,5 µm. Enfin, se pose la question de l’intégration pratique : transformer ces résultats en modules réellement utilisables dans des systèmes existants – qu’il s’agisse de satellites, de réseaux à fibre optique ou encore de puces photoniques – nécessitera encore un important travail d’ingénierie.

Le travail de Jo et al. pose cependant les fondations d’une technologie optique plus simple, plus compacte et potentiellement moins coûteuse pour la génération de vortex optiques. En exploitant la biréfringence géante des matériaux van der Waals – sans recourir à la fabrication nanométrique –, ils ouvrent une voie prometteuse vers la photonique intégrée, en particulier pour les communications ultra-haut débit et la cryptographie quantique. Ce paradigme pourrait transformer la conception des composants optoélectroniques, en alliant simplicité, efficacité et compatibilité industrielle.

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Posté le par Morgane Gillard


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