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Interview

Guillaume Odriosolo : « Avec la blockchain, nous fournissons de la transparence au vote en ligne »

Posté le par Philippe RICHARD dans Informatique et Numérique

Il existe différentes solutions de vote en ligne. Si la confidentialité du vote peut être obtenue grâce au chiffrement, la transparence du système et le déploiement à grande échelle restent problématiques. La start-up bordelaise V8te relève ces deux défis grâce à la blockchain et en répondant aux recommandations de sécurité de la CNIL. Explications avec Guillaume Odriosolo, le cofondateur et directeur de V8te.

La blockchain n’a pas de secrets pour Guillaume Odriosolo. Avant de créer V8te en mars 2020, il a été Directeur général du service « Le Vote », un outil numérique de vote consultatif développé par Orange et s’appuyant sur la Blockchain. Durant ses 12 ans passés à l’Innovation au sein d’Orange en tant qu’intrapreneur, il a fondé 5 start-ups internes. Après avoir accompagné des entrepreneurs et la création de start-ups, Guillaume Odriosolo a décidé de lancer, en pleine pandémie Covid, sa propre start-up. Son ambition : construire la plus grande plateforme mondiale de vote en ligne, 100 % libre-service.

Techniques de l’Ingénieur : Quelles sont les différentes solutions de vote en ligne sécurisé ?

Guillaume Odriosolo, cofondateur et directeur de V8te (DR).

Guillaume Odriosolo : il y a deux grandes familles. La première regroupe les solutions de vote en ligne sécurisé. Pour être reconnu comme éditeur de logiciel de vote en ligne sécurisé, il faut passer un audit de sécurité qui est réalisé par des experts indépendants. Ils vont s’assurer que le prestataire respecte les exigences et recommandations de la CNIL. Ces recommandations sont réparties en trois niveaux qui correspondent à différents types de votes. Le premier concerne l’élection d’un président d’une association de quartier, le second concerne une ETI (Entreprise de taille intermédiaire) et enfin le niveau 3 s’adresse potentiellement aux élections de plusieurs millions de personnes dans plusieurs pays.

Une dizaine d’éditeurs sont conformes aux recommandations de la CNIL, mais seule une poignée en France a décroché le niveau 3.

La seconde catégorie regroupe les initiatives de vote en ligne sur la blockchain. Elles sont utilisées notamment pour ce que l’on appelle de la démocratie citoyenne. Pour ce genre de vote, il n’y a aucune exigence. Dès que l’on organise des votes avec des personnes ayant des mandats, il faut respecter le Code électoral.

Notre service fait le pont entre ces deux mondes, c’est-à-dire le respect de la réglementation et la décentralisation de la confiance.

Quelle est la différence entre un vote sécurisé et un vote sur la blockchain ?

Je vais répondre par une analogie. Dans le premier cas, il y a une boîte (une urne opaque). Le processus de vote a été certifié et validé par des experts. Même si ce sont des professionnels très sérieux qui ont fait cet audit, les votants doivent leur faire confiance. C’est le cas pour la banque. Imaginons que je me sois acheté une très belle montre. Pour éviter qu’elle ne soit volée, je décide de la mettre dans un coffre. Le banquier m’assure que tout est sécurisé.

Dans le cas de ma montre, un service reposant sur la blockchain n’affirme pas que son processus est inviolable. Rappelons que le bitcoin est la première technologie de l’histoire informatique qui n’a jamais été piratée depuis son apparition en 2008. Personne ne peut dire que ça ne sera pas le cas un jour. La blockchain repose donc sur une urne « transparente ». Cela signifie qu’à la place de cacher ma montre dans un coffre-fort, je vais la mettre au milieu d’une table autour de laquelle il y a des dizaines de personnes. Chacune d’entre elles peut la voler, mais personne ne le fera, car nous saurions immédiatement qui l’a fait.

Rapportée au vote en ligne, la blockchain assure un niveau élevé de sécurité en mettant en avant la transparence des processus. Si l’on constate que quelque chose s’est mal passé ou que des résultats semblent bizarres, on pourra vérifier par soi-même. Au fur et à mesure du vote, nous publions les empreintes (un fichier « chiffré ») de la blockchain (des bulletins, des personnes qui ont voté et qui étaient inscrites sur la liste…).

La blockchain Ethereum est connue pour être très énergivore ; quelle solution avez-vous mise en place pour réduire cette consommation tout en permettant des votes à grande échelle ?

Pour l’instant, nous utilisons cette technologie qui est une proof of work¹ et qui est en effet particulièrement énergivore. Par ailleurs, sa scalabilité n’est pas très élevée (NDLR : capacité à traiter de nombreuses transactions en peu de temps). C’est la raison pour laquelle, nous avons décidé d’utiliser une plateforme très modulaire et fonctionnelle qui s’appelle Polygon (Layer 2 sur Ethereum). Elle permet de concilier rapidité et sécurité, sans pour autant délaisser la décentralisation.

Néanmoins, nous faisons aussi le pari d’utiliser d’ici fin 2022 la proof of stake² d’Ethereum afin de réduire de 99,99 % la consommation de l’énergie utile pour écrire de l’information. Cela permettra également d’améliorer la scalabilité. Techniquement, il est possible d’organiser des votes à grande échelle dans quelques pays comme la Suisse et l’Estonie qui sont très avancés dans ce domaine. Cependant, en France, si l’on veut procéder à du vote sécurisé sur les grandes élections nationales, la loi n’est pas prête.


  1. Le plus ancien des protocoles de consensus blockchain. Il fait appel à des mineurs pour vérifier les données entrantes sur le registre, valider l’authenticité des transactions et créer de nouveaux blocs.
  2. Plus une personne possédera de jetons d’une cryptomonnaie, plus on considérera que la sécurité du réseau est un enjeu important pour elle. Un algorithme de preuve d’enjeu implique que différents utilisateurs du réseau mettent en dépôt une partie de leurs possessions en cryptomonnaie pour devenir des minters (NDLR, mint désigne le processus de création d’un NFT sur la blockchain).
Pour aller plus loin

Posté le par Philippe RICHARD


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