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Décryptage

Les agrégateurs de flexibilité : pourquoi, comment ?

Posté le par Matthieu Combe dans Énergie

Le marché de capacité, prévue par la loi NOME, devrait être effectif dès 2016. Dans ce cadre, de nouveaux opérateurs et intermédiaires apparaîtront: les agrégateurs de flexibilité.

La hausse de la demande de pointe, le développement des énergies renouvelables intermittentes et les nouveaux usages, tels que les véhicules électriques, nous imposent d’adopter la gestion du réseau électrique, notamment pour assurer l’équilibre offre/demande. L’intermittence et la décentralisation des moyens de production complexifient la gestion de cet équilibre. Si la mesure en temps réel de la consommation est nécessaire pour ajuster la production, cela ne suffit pas. Pour optimiser cet équilibre, il convient aussi agir sur les clients et leurs consommations. Cela se fera grâce à l’effacement, géré par les agrégateurs de flexibilité. 

La flexibilité d’une seule habitation est insuffisante pour être valorisée. Cependant, lorsqu’elle est agrégée à celles de dizaines de milliers de bâtiments et de plusieurs sites industriels, une économie de moyens de production de plusieurs mégawatts peut être effectuée. En périodes de pointe de demande sur le réseau, l’agrégateur pourra ainsi, par exemple, délester dans les bâtiments qu’il pilote, certains usages électriques, comme le chauffage, la climatisation, l’eau chaude sanitaire, l’éclairage, des process industriels, etc. La capacité d’effacement devra être d’autant plus importante que, lors des déclenchements de l’effacement, le consommateur final garde la possibilité de l’annuler. Ces agrégateurs doivent donc avoir un volume de capacité d’effacement conséquent, en gérant un grand nombre de sites, pour pourvoir compenser automatiquement cette baisse d’effacement, action nécessaire pour assurer l’équilibre du système électrique.

Les gestionnaires de réseaux devront donc connaître en temps réel les besoins de consommation, les niveaux de production et l’état des réseaux. Pour cela, ils devront rendre les immeubles et sites industriels qu’ils pilotent « intelligents », en déployant des compteurs communicants Linky, des capteurs, des réseaux de communication, des automatismes, des systèmes d’information et des logiciels de pilotage (pour le chauffage, la climatisation, etc.). L’outil informatique est la base du système sans laquelle les performances attendues par l’agrégateur ne peuvent pas être garanties. Au final, l’agrégateur devient en quelque sorte une « centrale électrique virtuelle » constituée, d’une part, de sources de productions réparties sur l’ensemble du territoire et, d’autre part, de gisements d’effacements de consommation. 

Des modèles en construction

Pour prévoir les résultats de son action sur un site, l’agrégateur a besoin de modèles performants. La prévision de la disponibilité d’un site pour s’effacer est effectivement la donnée la plus complexe à élaborer. Elle doit prendre en compte, d’une part, des paramètres physiques intrinsèques et, d’autre part, des comportements humains.

L’agrégateur cherche donc à anticiper la consommation d’électricité du site avec quelques heures d’avances. Ainsi, des stratégies de délestage en fonction des appels de puissance sont en cours d’élaboration. Des modélisations financières sont également en construction pour identifier de nouveaux modèles économiques et de nouvelles offres tarifaires en vue d’étudier et améliorer l’acceptabilité par les usagers. 

Pour que le système fonctionne et attire les clients, le service sera monétisé. C’est une particularité du marché de capacité : le fait de mettre à disposition de la puissance sera rétribué. De même, la livraison de l’énergie sera naturellement payée : c’est le cas, par exemple, en cas de vente de production photovoltaïque ou de vente d’électricité préalablement stockée (stockage par batteries, etc.).

Tests réalisées dans le cadre du projet GreenLys

Dans le cadre du démonstrateur GreenLys, GDF Suez a développé un dispositif opérationnel d’agrégation pour le secteur résidentiel. En récupérant les données de consommation globales, chauffage et eau chaude, l’agrégateur évalue le gisement de flexibilité de chaque expérimentateur, le confronte aux besoins du réseau et décide ainsi des effacements à réaliser de manière optimale.

Depuis le début de l’expérimentation, l’agrégateur a réalisé 20 000 effacements chez les expérimentateurs, soit une moyenne de 9 effacements par site et par semaine. Les effacements réalisés sur le chauffage et/ou l’eau chaude sanitaire, pendant 1 heure majoritairement, voire 2 heures, n’ont pas eu pour le moment pour but de maximiser la quantité d’électricité effacée, mais simplement de tester l’applicabilité aux bâtiments tertiaires et avoir des retours d’expériences.

Les premiers retours  montrent d’ailleurs que ces effacements n’ont pas eu d’impact sur le confort des expérimentateurs. La variation de température constatée au cours d’un effacement est située en moyenne entre 0,1 et 0,2°C. Les expérimentateurs ont peu utilisé la possibilité de déroger (interruption de l’effacement en cours en appuyant sur un bouton) : seulement 3 % d’entre eux l’ont fait. Ce premier retour d’expérience est à confirmer dans la durée et sera aussi validé avec des enquêtes sociologiques réalisées auprès des expérimentateurs. Ces tests vont se poursuivre à partir d’octobre 2013 et ce, durant toute la saison de chauffe, jusqu’en avril. L’objectif à ce stade de l’expérimentation est de collecter des données pour construire des modèles de prévision et d’étudier le comportement des utilisateurs.

Après avoir expérimenté sur les deux précédentes saisons de chauffe des plannings d’effacements « statiques », selon un rythme prédéfini, des plannings d’effacements «  dynamiques  » vont voir le jour. La tarification dynamique pourrait en effet devenir monnaie courante : elle consiste à faire évoluer le prix de l’électricité en temps réel pour s’ajuster aux contraintes du réseau. Ainsi, en cas de tension détectée, à cause de la hausse du prix de l’énergie ou de la baisse importante de la température extérieure, le prix de l’électricité est augmenté afin de réduire la demande globale et donc éviter le recours aux moyens de production de pointe plus onéreux et plus polluants !

Par Matthieu Combe, journaliste scientifique

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