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Une nouvelle industrie du méthanol émerge

Interview

Lionel Barnéoud-Rousset : « Nous n’avons pas la prétention de sauver la planète, mais nos produits peuvent faire partie des solutions »

Posté le par Benoît CRÉPIN dans Chimie et Biotech

Née en 2011, l’entreprise Green & Safe Distribution a développé des additifs pour carburants particulièrement vertueux. Sans pétrole, ils sont facilement biodégradables et permettent de diminuer de manière substantielle la consommation et les émissions polluantes des moteurs.

Conçus notamment à partir de matières actives d’origine végétale, les additifs développés par Green & Safe Distribution permettent de diminuer la consommation des véhicules de 5 à près de 13 %, en fonction de leur charge moteur. Un effet qui se traduit par une baisse des émissions de gaz et particules polluants, mais également par un gain économique de l’ordre de 3 € pour 1 € investi. Ex-distributeur de carburant, Lionel Barnéoud-Rousset est aujourd’hui président de l’entreprise et nous en parle plus en détail.

Techniques de l’Ingénieur : Quand et pourquoi avez-vous décidé de vous lancer sur le marché des additifs pour carburants ?

Lionel Barnéoud-Rousset © Green & Safe Distribution

Lionel Barnéoud-Rousset : À l’origine, j’étais distributeur de carburant, un métier que j’ai exercé pendant une quinzaine d’années, dans les Alpes. J’ai commencé à m’intéresser aux additifs à partir de 2008-2009 suite à des problèmes récurrents rencontrés par mes clients avec leurs carburants. Beaucoup se plaignaient de problèmes de maintenance sur les systèmes de filtration et d’injection de leurs véhicules, en dépit des précautions de stockage de leurs carburants. Je leur ai dans un premier temps proposé de nombreux additifs achetés à des sociétés pétrolières, que j’ai également testés sur mes propres machines grâce à l’activité dans les travaux publics que j’avais aussi à l’époque. Tous ces produits ne nous ont pas donné satisfaction. Je me suis aperçu que la plupart d’entre eux avaient très peu de substances actives et, au contraire, beaucoup de solvants pétroliers sans grand intérêt. Certains de nos clients désiraient également améliorer leur impact en matière de pollution. L’idée d’apporter un peu de vert dans ce monde d’énergie fossile a ainsi germé, avec la volonté d’utiliser des matières actives exemptes de pétrole pour générer une économie en matière de consommation, mais aussi de maintenance, en plus d’une diminution de l’impact environnemental. C’est ainsi qu’est née, en 2011, Green & Safe Distribution.

De quoi vos additifs se composent-ils ?

Sans révéler de secrets industriels, je peux dire que nos additifs sont composés de matières actives non issues du pétrole : alcool, acides gras d’origine végétale et biocide. Nous privilégions des produits issus au moins à 40 % de biomasse. Nous travaillons soit avec des revendeurs, soit en direct avec des producteurs. La plupart sont d’origine européenne, d’Allemagne et d’Europe du Nord notamment. Nous favorisons ainsi le circuit court.

Quels sont les principaux intérêts des additifs que vous avez développés ?

Ajoutés au carburant à hauteur de 1‰, les additifs développés par Green & Safe permettent des gains de consommation qui peuvent atteindre 13% sur les véhicules fonctionnant de manière intensive, comme les dameuses. © Green & Safe Distribution

Pour évaluer et quantifier les effets de nos produits, nous avons fait réaliser des tests très normés, transparents, reproductibles, par l’UTAC CERAM (Union technique de l’automobile du motocycle et du cycle). Sur les poids-lourds, nous avons obtenu des résultats remarquables sur la consommation (environ -5 %) comme sur les émissions des cinq gaz polluants : -4,7 % de CO2, -7,6 % d’oxydes d’azote (NOx), -11 % de particules en suspension (PM), -13,4 % de monoxyde de carbone (CO) et jusqu’à -37,6 % d’hydrocarbures imbrûlés. C’est assez unique sur le marché : souvent, pour parvenir à abaisser les consommations, les produits créent une « surchauffe » au départ au niveau du moteur pour éliminer les suies, goudrons, etc. Malheureusement, la calamine [dans la chambre d’explosion du moteur, résidu charbonneux issu de la combustion du carburant, NDLR] se reforme derrière. On a donc un effet qui peut au départ paraître intéressant, mais qui se révèle pervers au fur et à mesure de l’utilisation. On finit par se retrouver avec des incohérences au niveau de la consommation et des émissions polluantes.

Par ailleurs, nous avons aussi travaillé sur les propriétés biocides de nos additifs. Avec l’incorporation dans les carburants d’une part de biocarburant, on peut être confronté à des problèmes de prolifération de bactéries, d’autant plus depuis l’abaissement du taux de soufre qui est un bon biocide, mais aussi un bon lubrifiant. Nous avons donc également formulé nos additifs pour qu’ils améliorent les propriétés de lubrification des carburants.

D’un point de vue économique, avec un litre d’additif pour mille litres de carburants, on est a minima à 3 € récupérés pour 1 € investi. Les utilisateurs de poids-lourds et autocaristes peuvent en plus bénéficier d’éco-primes substantielles grâce au dispositif des CEE (Certificat d’économie d’énergie), auxquels sont éligibles nos additifs. En outre, plus le taux de charge moteur du matériel est élevé, plus la baisse de consommation est importante. Elle peut atteindre 13 % comme l’ont montré nos tests menés à Serre Chevalier sur deux dameuses à neige. Sur ce type de matériel comme sur le matériel agricole, qui est lui aussi fortement sollicité, on peut ainsi atteindre un retour sur investissement de l’ordre de 5 € pour 1 € investi.

Quelles sont vos capacités de production actuelles ? Où vos produits sont-ils distribués ?

Nous travaillons pour l’heure avec un partenaire sous-traitant. Mais il commence à être un peu dépassé par les volumes qui vont croissant. Il va néanmoins continuer à travailler à nos côtés en nous accompagnant dans la réalisation de notre usine que nous prévoyons d’ouvrir en Savoie, à Ruffieux, l’an prochain. Nous avons actuellement une capacité de production avec notre sous-traitant de l’ordre de 15 m³ par jour, pour une production d’environ 300 m³ par an. L’objectif avec notre usine de Ruffieux sera de porter la capacité de production à 50 m³ par jour. Après dix ans d’activité, notre produit a bien évolué et s’avère de plus en plus apprécié. Il est distribué partout en Europe avec une grosse plateforme de distribution pour l’Europe du Nord et de l’Est basée en Belgique. La Suisse est aussi fortement intéressée par nos produits. Nous travaillons avec un réseau de distribution maillé avec les distributeurs de carburants, mais également en direct avec certains gros consommateurs.

Hormis l’amélioration continue de ces additifs, avez-vous d’autres projets, voire d’autres pistes en matière de recherche et développement ?

Nos additifs fonctionnent également très bien pour le fioul. Nous essayons donc de rentrer sur le marché des centrales thermiques. Avec nos produits, je pense que l’on peut contribuer à diminuer leurs impacts sur l’environnement et la santé publique. Nous n’avons bien entendu pas la prétention de sauver la planète, mais je pense que l’utilisation de nos produits peut faire partie des solutions. Il serait dommage de ne pas le faire, car leur mise en œuvre est facile, immédiate, et ne nécessite pas d’investissement ; au contraire, cela rapporte de l’argent.

Depuis que les normes de pollution se sont durcies, nous avons également pu approcher des réseaux de distribution et de réparation de véhicules légers ; un marché sur lequel nous ne sommes pour l’instant pas du tout présents. Des tests que nous avons menés sur des véhicules refusés au contrôle technique se sont révélés concluants, et cela a suscité un vif intérêt de la part d’enseignes de réparation et de vente de pièces détachées, qui n’ont pourtant au départ pas beaucoup d’intérêt à distribuer nos produits, puisqu’elles vendent déjà des additifs bien plus connus que les nôtres.

Nous travaillons également sur des super-lubrifiants et huiles moteur biodégradables, mais cela s’avère assez compliqué : les constructeurs sont très frileux, encore plus que sur les carburants. Il faut vraiment montrer patte blanche pour prouver que le produit ne va rien détériorer. Nous avons pourtant d’ores et déjà des retours positifs, nous savons que cela fonctionne. Nous travaillons sur des solutions à base de graphène par exemple, incorporé dans nos huiles. Mais au vu des difficultés rencontrées avec les constructeurs, nous nous interrogeons sur la pertinence de la poursuite d’une telle démarche…

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Posté le par Benoît CRÉPIN


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