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Décryptage

La transition énergétique demande-t-elle trop de métaux ?

Posté le par Matthieu Combe dans Matériaux

Selon Guillaume Pitron, auteur de « La guerre des métaux rares », la réussite de la transition énergétique est menacée par son besoin en métaux rares. La Banque mondiale met également les pays en garde. Alors, que faire ?

En juillet 2017, la Banque mondiale alertait sur le fait qu’un monde bas carbone nécessitera beaucoup de ressources. La transition énergétique demandera bien son lot de minéraux et de métaux pour construire toujours plus d’éoliennes, de panneaux solaires et stocker l’énergie dans des batteries. « Il faut s’attendre à une augmentation de la demande d’acier, d’aluminium, d’argent, de cuivre, de plomb, de lithium, de manganèse, de nickel et de zinc, ainsi que de certaines terres rares, telles que l’indium, le molybdène et le néodyme », prévenait la Banque mondiale. Pour respecter la trajectoire des 2°C, l’augmentation de la demande de métaux – aluminium, cobalt, fer, plomb, lithium, manganèse et nickel – pourrait notamment être multipliée par plus de 1.000 %. Elle invitait les pays disposant de ces réserves stratégiques à mettre en place des mines durables.

Des nombreux métaux dans les technologies du futur

Ces nouvelles technologies incorporent significativement plus de ressources dans leur fabrication que les centrales à énergie fossile traditionnelles. C’est-à-dire qu’il faut plus, voire parfois beaucoup plus, de métaux pour produire la même quantité d’électricité d’origine renouvelable qu’avec la combustion de produits fossiles.  « Soutenir le changement de notre modèle énergétique exige déjà un doublement de la production de métaux rares tous les quinze ans environ, et nécessitera au cours des trente prochaines années d’extraire davantage de minerais que ce que l’humanité a prélevé depuis 70 000 ans », calcule Guillaume Pitron.

L’évolution de la demande en différents matériaux dépendra des choix technologiques qui seront retenus au niveau mondial. Et ainsi du nombre d’éoliennes, de panneaux solaires et de véhicules électriques fabriqués. Par exemple, les trois principales catégories de véhicules alternatifs ont des impacts différents sur la demande de métaux, note la Banque mondiale. Si les véhicules électriques ont besoin de lithium, les véhicules hybrides préfèrent le plomb et les véhicules à hydrogène le platine.

Le lien capital entre transition énergétique et numérique

L’électricité produite par les panneaux solaires et les éoliennes est intermittente. Les gestionnaires de réseaux misent ainsi sur le développement des réseaux intelligents pour assurer l’équilibre de l’offre et de la demande en continu. Pour ce faire, ils font appel au big data et, nécessairement, à des infrastructures de gestion des données de plus en plus importantes.

Le numérique promet de nous aider à faire cette transition énergétique et décarboner notre économie. La troisième révolution industrielle prévue par Jeremy Rifkin nous promet de tout dématérialiser grâce au « cloud ». Il appelle de ses vœux la création d’un Internet de l’énergie. Il oublie simplement de dire ouvertement que cette révolution nécessiterait des réseaux complexes, des téléphones portables, tablettes et ordinateurs, câbles sous-marins, serveurs, ordinateurs, supercalculateurs, data centers, satellites et fusées pour les lancer. « Est-ce vraiment immatériel ?» questionne Guillaume Pitron. En réalité, cette révolution repose sur l’exploitation de métaux, rares ou non, dont l’impact environnemental est à améliorer. Pour le moment, nous délocalisons la pollution vers les pays extracteurs de matières premières, chinois, africains ou latino-américains et devenons dépendants des importations. La pollution est externalisée.

La question à  Guillaume Pitron : Vous peignez un tableau très noir de la transition énergétique actuelle. Faut-il abandonner les éoliennes, les panneaux solaires, les véhicules électriques et le numérique?

G.P : Non, bien évidemment. Mon livre peint une photographie actuelle de ces technologies qui utilisent un certain nombre de ressources, des métaux abondants et des métaux rares. Il ne faut surtout pas les abandonner, la question n’est pas de revenir à un monde du tout pétrole ! Il faut bien évidemment changer de modèle énergétique. La transition énergétique contient des avancées qu’il faut pousser davantage. J’ai tendance à dire qu’il y a une transition dans la transition. Sur un certain nombre de technologies, nous avons des problématiques qui se posent sur terrain. Nous allons bientôt remplacer un certain nombre de composants des panneaux solaires qui sont très polluants par d’autres qui permettront un meilleur rendement. C’est notamment le remplacement des technologies silicium par les pérovskites. Cela sera également le cas pour les éoliennes et les voitures électriques. Il y a un immense enjeu d’innovation pour repousser plus loin les capacités de ces technologies dans un monde où nous serons bientôt 10 milliards d’humains.

J’ai voyagé pendant 10 ans et je suis frappé par la dégradation environnementale dans tous les pays où je suis allé. Je suis frappé par les tensions sur les ressources, notamment en Algérie, en Indonésie, et en Chine. Si l’on ne travaille pas à davantage de sobriété dans la façon dont nous consommons nos ressources, si nous ne rationalisons pas davantage l’utilisation de ces matières premières, je crains que cette transition ne soit ni durable ni soutenable.

Par Matthieu Combe, journaliste scientifique

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Posté le par Matthieu Combe

Les derniers commentaires

  • C’est d’une grande évidence. Calculez la masse de cuivre et de fer d’un alternateur de 1000 MW tournant à 1500 t/mn dans une centrale thermique ou nucléaire et cherchez si l’on peut faire mieux pour la même puissance et la même énergie annuelle.
    Calculez le tonnage de béton rapporté à un MWh d’une centrale nucléaire et celle rapportée à une production d’un MWh d’une éolienne.


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