CCUS – Impact carbone

1/ Quel est le bilan carbone du CCUS ?

L’impact carbone est un point fondamental à vérifier. On le mesure à l’aide d’un outil bien connu, l’ACV (analyse du cycle de vie). Cet outil n’est pas toujours facile à manipuler, en particulier en ce qui concerne les périmètres considérés dans l’analyse. Lorsque l’on capture du CO2, qu’on le transporte et qu’on le séquestre, l’effet global est décarbonant. Il y a en effet une réduction assez importante, via la séquestration, par rapport à l’émission directe de ce CO2 dans l’atmosphère. Cependant, il y aura tout de même de faibles émissions ; ce ne sera pas suffisant pour être complètement neutre en CO2. La réduction des émissions se calcule donc par ACV. Chaque action (compression, transport, fabrication du bateau, injection du CO2) émet du CO2. Sur un site industriel, il y aura une réduction très importante des émissions SCOP1 par la capture du CO2, un avantage fort pour la décarbonation. Ensuite, en fonction des différents procédés et de l’origine de ce CO2 (fossile ou biogénique), l’ACV pourra être très différente. Il convient donc de bien mesurer la véritable décarbonation effectuée.

2/ Quel niveau de décarbonation peut-on atteindre ? 2:02

Sur un site industriel, le procédé va être conçu de manière à capturer 90 à 95 % des émissions de CO2. Sur la chaîne de valeur d’un projet comme celui de Northern Lights, l’ACV montre que, pour une tonne de CO2 transportée dans le bateau et injectée dans le pipeline jusqu’au sous-sol, un peu plus de 90 % du CO2 est piégé. On n’émet pas plus de CO2 que ce que l’on séquestre, mais il reste toujours des émissions résiduelles, liées à l’activité industrielle autour, qui n’est pas complètement décarbonée. Le CCUS permet donc de réduire mais pas d’arrêter les émissions de CO2.

3/ Quel levier supplémentaire offre la capture du CO2 biogénique ? 3:04

Le CO2 fossile vient d’un stock terrestre ; on veut éviter qu’il aille dans l’atmosphère. Le CCS consiste à le capturer et le remettre dans un stock terrestre. Le CCU (utilisation) permet de produire, par exemple, un carburant synthétique pour l’aviation, et donc d’éviter d’avoir à utiliser un autre CO2 fossile. Il y aura donc une baisse des émissions. L’impact est le plus fort lorsque l’on utilise du CO2 biogénique. Ce dernier a été capté par les plantes, depuis l’atmosphère, puis travaillé, dans la méthanisation ou les chaudières biomasse par exemple. Au moment où il est réémis, il est plus concentré que dans l’atmosphère. On va pouvoir ainsi appliquer un procédé de capture et utiliser ce CO2 pour fabriquer des carburants synthétiques (l’impact de décarbonation sera plus fort qu’avec du CO2 fossile), ou bien on va pouvoir le séquestrer. On aura ainsi fait le chemin inverse depuis l’atmosphère vers le sous-sol. Le CO2 biogénique est la même molécule que le CO2 fossile, mais son parcours et son impact en termes de décarbonation sont tout à fait différents.

Smart grids – Des boucles locales grâce au compteur communicant

1/ Quel est le principe de l’autoconsommation collective ?

Il s’agit d’un ensemble de clients qui s’associent pour financer un actif de production situé à proximité (souvent du solaire, parfois de l’éolien). Ils peuvent par exemple financer un parc photovoltaïque. La production de ce parc est alors déduite de leur consommation d’énergie, proportionnellement à leur participation au financement du projet : c’est de l’autoconsommation. Cela peut être le cas d’usagers en immeuble, qui ne peuvent pas installer de panneaux directement sur leur toit et qui profitent d’un projet collectif local.

2/ Quelles solutions techniques ont permis la concrétisation de ces boucles locales ? 1:34

Le travail réalisé sur l’autoconsommation collective vise à mettre en place des systèmes pour prévoir, puis réaliser le rapprochement entre une production plutôt centralisée dans un quartier et les consommations des parties prenantes de ce même quartier.

  3/ Quel rôle joue le compteur communicant dans la faisabilité de telles opérations ? 2:04

L’autoconsommation collective est rendue possible, en termes d’adaptation et de gestion du réseau, par le développement des compteurs communicants. Ces derniers indiquent la consommation et la production, sur les deux lieux différents, en temps réel (avec une courbe de charge permanente). Il est alors possible de soustraire la production à la consommation. Cela entraîne les clients vers un comportement vertueux : chacun se sent investi, acteur de la transformation du système électrique dans une maille locale. Les personnes qui s’intéressent à l’environnement et ont une volonté d’engagement y trouvent du sens. C’est aussi précieux pour le réseau, car on approche du meilleur équilibre possible entre production et consommation dans une poche de réseau.

Smart grids – Vers un foisonnement de la recharge des véhicules électriques

1/ Pourquoi faut-il désynchroniser la recharge des véhicules électriques ?

Le réseau a été conçu en prenant en compte un foisonnement des charges électriques. Si aujourd’hui tous les usagers se mettent à consommer, au même moment, sur un morceau de réseau, la puissance totale qu’ils ont chacun souscrite, ce réseau va donc se retrouver en surcharge. En bref, si tout le monde met sa voiture à charger au même moment en rentrant, en charge immédiate, cela peut potentiellement mettre le réseau en difficulté. Il est donc nécessaire d’avoir un foisonnement des charges, avec une répartition la plus naturelle possible des appels de charge liés à la mobilité électrique. On va chercher à les positionner au moment où l’énergie est abondante, notamment en fonction de l’apport des énergies renouvelables.

2/ Comment ce nouveau mode de pilotage de la recharge se traduira-t-il concrètement ? 1:07

On inciterait les véhicules à se recharger au moment où l’énergie est excédentaire. La production dépasse en effet parfois la consommation, et il arrive même que l’énergie soit excédentaire au point d’avoir un prix négatif. Sur le territoire insulaire, des tests sur l’utilisation du compteur numérique pour commander la borne de recharge ont déjà été effectués. Le compteur indique alors à la borne le moment propice pour lancer la recharge.

3/ Quels sont les axes de recherche ? 1:49

Tout d’abord, de nombreux travaux de modélisation et d’études sont en cours. Un axe de travail particulièrement important de la R&D d’EDF concerne l’analyse du comportement des utilisateurs de véhicules électriques. Ensuite, on étudie comment inciter les véhicules électriques à se charger au bon moment. Pour la branche commercialisation d’EDF, cela concerne les incitations tarifaires : quelle structure tarifaire mettre en place pour pousser les utilisateurs à recharger leur véhicule quand il y a du soleil par exemple (et non le soir en rentrant). On s’intéresse également aux bornes de recharge et à leur communication avec d’autres équipements, afin que les bornes déterminent le moment propice pour la recharge. Cela ne sera pas une contrainte forte : l’utilisateur conservera la capacité de recharger son véhicule au moment où il le souhaite. Cela fonctionne un peu comme un ballon d’eau chaude électrique en heures creuses.

4/ Où en est le déploiement du pilotage intelligent de la recharge ? 3:30

Le pilotage de la recharge, voire la recharge bidirectionnelle (le V to G, l’utilisation de la batterie du véhicule pour injecter de l’énergie dans le réseau) nécessitent une coordination entre de nombreux acteurs (producteurs, commercialisateurs, opérateurs de réseau, fabricants de bornes et de véhicules, etc.). Un cadre réglementaire va être mis en place pour déterminer ce qui relèvera des compétences des uns ou des autres.

Smart grids – Le pilotage des réseaux se décentralise

1/ Concernant le pilotage du réseau, quelles innovations apportent les smart grids ?

Il y a de nombreux besoins différents. L’un des besoins les plus simples à appréhender actuellement est l’observabilité et la pilotabilité du réseau. On souhaite connaître :

  • l’état du réseau, le plus fréquemment possible, voire en temps réel ;
  • le niveau de tension sur la haute tension, la moyenne tension, la basse tension ;
  • le niveau d’intensité, en actif et en réactif.

À partir de ces observations, on établit des actions pour piloter le réseau.

Les organes actifs de pilotage sont, par exemple :

  • les organes de manœuvre pour changer la topologie du réseau ;
  • des transformateurs dont on peut modifier le ratio de transformation.

2/ Va-t-on vers plus de pilotage à distance et d’automatisation ? 1:14

L’observabilité se fait à distance, sous une supervision humaine. Le réseau de transport dispose d’un dispatch 24h/24 365 jours par an, géré par RTE en France métropolitaine, et Enedis dispose d’agences de conduite régionales qui fonctionnent elles aussi en continu pour piloter le réseau HTA, et demain le réseau basse tension. Les actions peuvent être à déclenchement manuel ; lors d’un incident, les opérateurs de ces centres vont décider d’implémenter une solution (ouverture ou fermeture d’organes, etc.). Les smart grids relèvent de l’intelligence artificielle décentralisée. Au plus près du capteur, une intelligence artificielle va analyser la situation et décider de l’action à entreprendre, sans qu’il y ait besoin d’une intervention humaine, ni sur place, ni à distance. Le superviseur est simplement informé de la résolution du problème du réseau et de son redéploiement.

3/ Où se situera cette intelligence décentralisée ? 2:53

Aujourd’hui, au sein des postes sources, entre le réseau de transport et celui de distribution, se trouvent déjà des automates, qui vont continuer à se développer avec les smart grids. L’IA pourra éventuellement aller plus loin et être employée dans les postes de distribution, c’est-à-dire les postes entre le réseau HTA (20 000 V) et la basse tension, qui sont près de 900 000 en France métropolitaine. On peut envisager d’aller encore plus loin, jusqu’au compteur, en particulier dans le cas des compteurs marchés d’affaire. Les compteurs particuliers ne présentent pas de besoins qui nécessiteraient l’usage de l’IA.

Pour aller plus loin

D4963 Smart Grids : contexte, acteurs et enjeux

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CCUS – Installations pionnières

1/ En France, quels sites industriels capturent déjà du CO2 ?

En France, quelques sites centralisés capturent du CO2 concentré, le plus simple à capturer, sur la production d’ammoniac ou de bioéthanol. Ces sites produisent un volume de l’ordre de 100 000 tonnes chacun (par exemple, les sites Air Liquide à Port-Jérôme, Cristanol dans l’est, ou près de Pau pour le bioéthanol). En méthanisation, depuis 2020, une quinzaine de projets capturent du CO2 pour un volume d’un peu plus de 1 000 tonnes par an. Certaines installations montent jusqu’à 3 000 ou 5 000 tonnes. Il y a 700 unités de méthanisation en France, et il est prévu que ce nombre soit doublé d’ici 2030. Le secteur des unités de valorisation énergétique des déchets est en réflexion, et des acteurs français sont présents au Royaume-Uni, où des projets sont déjà engagés.

2/ Quels sont les projets de capture en France ? 1:38

Il existe un certain nombre de pilotes en France, comme le pilote DMX des usines ArcelorMittal à Dunkerque. La start-up Revcoo travaille sur des chauleries, Cryopur développe des installations en cryogénie.

Le projet GOCO2, lui, est un écosystème fédérateur qui veut connecter de grosses industries, comme les cimenteries, au port de Saint-Nazaire, par un réseau de transport de CO2 opéré par GRT Gaz. Le CO2 serait amené depuis le hub de Saint-Nazaire sur des sites de séquestration, par exemple en mer du Nord où de nombreux sites sont en développement, ou sur le site de Northern Lights (Norvège), quasi opérationnel en 2024. Des projets sont en développement dans tous les grands ports (Dunkerque, Le Havre, etc.), à des stades plus ou moins avancés. Les ports sont en effet considérés comme des hubs idéaux pour récolter le CO2, soit parce que de nombreux industriels y sont déjà présents, soit parce que ce sont des lieux adaptés pour l’arrivée de canalisations de transport de CO2 dans le but d’amener ce dernier sur des sites de séquestration en mer du Nord.

La mer du Nord permet en effet le stockage offshore dans des sites précédemment exploités pour le pétrole ou le gaz, dont les infrastructures géologiques sont encore bien connues.

3/ Quels sont les grands projets de stockage offshore ? 3:43

Northern Ligths est une initiative norvégienne visant à séquestrer plusieurs millions de tonnes de CO2 par an, dans un ancien réservoir géologique. La chaîne logistique consiste à amener des bateaux jusqu’à un site de stockage, d’où va partir un pipeline qui va injecter le CO2 dans le réservoir en mer.

Un autre projet européen, Porthos, est situé dans le port de Rotterdam. Des industriels sont connectés via un réseau de CO2 terminé par un pipeline, qui part au large de Rotterdam injecter le CO2 dans une ancienne exploitation gazière. Cette voie de décarbonation accessible aux industriels présents sur le port renforce la position d’infrastructure industrielle de Rotterdam.

4/ Y a-t-il des projets onshore ? 4:48

Il est possible de stocker du CO2 dans des aquifères ou dans des roches ultramafiques, typiquement des basaltes. Le projet Carbfix en Islande en est une démonstration : on dissout le CO2 dans l’eau, puis on injecte l’eau ainsi chargée en CO2 dans une roche basaltique. L’eau, légèrement acide comme un soda, va ronger le basalte, qui va se décomposer. Les ions ainsi libérés vont reformer des carbonates pour séquestrer le CO2 de manière permanente. Il existe des zones géologiques en France potentiellement adaptées à ce procédé, même si les basaltes sont plus anciens qu’en Islande.

Smart grids – Une résilience renforcée grâce à l’IA

1/ En quoi le traitement de données et l’IA vous aident-ils à garantir la fiabilité du réseau ?

Le réseau est actuellement fiable à 99,9 % (la fiabilité est mesurée par la durée moyenne d’interruption de fourniture). Nous sommes dans le peloton de tête en Europe. Maintenir cette fiabilité demande une attention constante. Les smart grids interviennent en déployant des solutions innovantes pour ausculter les infrastructures, pour les entretenir et/ou les renouveler au bon moment. Cela passe par la collecte et l’analyse de données massives (big data) et la mise en œuvre de solutions de type intelligence artificielle. Par exemple, les priorisations des renouvellements de câbles sont effectuées à l’aide d’algorithmes intégrant de l’IA. Ces innovations participent ainsi à la maintenance, l’entretien et la gestion de nos parcs d’actifs.

2/ Des outils spécifiques sont-ils déployés face aux événements météo extrêmes ? 1:31

Le changement climatique est visible dans notre métier. Les événements exceptionnels de type tempête, auparavant très rares, deviennent de plus en plus fréquents. Le nombre de tempêtes annuelles entre 2023 et 2024 a été multiplié par 3 par rapport aux 5 années précédentes (2018-2022). Les canicules ou vagues de chaleur, les inondations, les incendies peuvent aussi avoir des effets sur les ouvrages. Nous développons des solutions innovantes pour limiter l’impact de ces événements sur nos infrastructures et pour les gérer au mieux au moment où ils se produisent. Par exemple, nous avons développé un outil à base d’IA qui permet, à partir des prévisions de vent de Météo France, d’estimer le nombre d’incidents qui vont se produire sur les réseaux moyenne tension. Le modèle permet d’estimer si le nombre d’incidents peut être pris en charge par les équipes locales (< 10 incidents), va demander d’appeler des collègues d’une autre région (~40-50 incidents) ou de mettre en place un dispositif renforcé pour alimenter plus rapidement le réseau (~100 incidents). Ce modèle permet aussi de positionner des groupes électrogènes. La gestion de la crise est donc plus rapide et plus efficace.

3/ Comment vous assurez-vous de la fiabilité de l’IA dans le temps ? 3:07

Notre approche de l’IA est aussi industrielle. Nous avons déjà adopté des outils à base d’IA pour les opérations fonctionnelles standard (business as usual). La question de la performance dans la durée se pose. Il faut s’assurer que l’outil reste pertinent. Certains outils ont des performances qui peuvent dériver dans le temps, contrairement aux algorithmes classiques qui restent immuables. Un système à base d’IA s’enrichit avec les données qu’il collecte lorsqu’il résout un problème ; il devient plus pertinent mais peut aussi dériver, voire halluciner. Nous mettons donc en place des dispositions de maintien en conditions d’intelligence. Nous nous assurons régulièrement que l’outil reste pertinent. S’il dérive, on l’entraîne à nouveau et on le requalifie. Il faut donc être attentif au moment de la conception du système utilisant l’IA mais aussi à son usage dans la durée.

4/ Avez-vous un exemple de ce « maintien en conditions intelligentes » de l’IA ? 4:17

Nous avons un outil de traitement d’images, qui permet de poser un diagnostic sur l’état des lignes aériennes moyenne tension. Les images sont captées par des drones ou des visites sur site. On peut détecter des isolateurs fêlés, des câbles détoronnés, etc. ; il y a une quarantaine de points de vieillissement sur une ligne aérienne. L’IA permet de détecter s’il y a besoin d’une intervention immédiate, ou dans un an, etc. Il faut s’assurer que cet outil IA ne dérive pas. On vérifie donc régulièrement que le diagnostic posé par l’outil reste pertinent.

Pour aller plus loin :

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Smart grids – de la flexibilité pour faciliter la transition énergétique – Partie 2

1/ Les smart grids favorisent-ils l’intégration des énergies renouvelables ?

Les smart grids permettent l’intégration des ENR et des nouveaux usages, comme les véhicules électriques. Les ENR ont deux caractéristiques propres : elles sont très réparties, et elles sont variables (même si elles sont en grande partie prévisibles). Elles ne sont pas nécessairement pilotables.

2/ Dans quel cadre la R&D s’intéresse-t-elle à cette question ? 0:56

La R&D d’EDF s’intègre dans un écosystème comprenant des acteurs universitaires, des fabricants de matériels, des développeurs technologiques, les opérateurs de réseaux et les acteurs du réseau électrique. On travaille en premier lieu avec les opérateurs de réseaux au sein du groupe EDF, comme Enedis par exemple dans le cadre d’un contrat réglementé, ou bien avec EDF SEI, opérateur des systèmes électriques insulaires, comme la Corse ou les départements d’outremer. Ces derniers voient arriver la transition énergétique avec un temps d’avance sur ce qui se passe en métropole (pénétration des ENR plus rapides, un changement climatique peut-être un peu plus prégnant). Les contraintes sur les réseaux sont exacerbées, sur des systèmes qui de plus sont à taille plus réduite et potentiellement légèrement moins stables.

3/ Dans quelles zones géographiques les systèmes électriques doivent-ils évoluer en priorité ? 2:04

Les zones insulaires ont des contraintes fortes. Le taux de pénétration des ENR (photovoltaïque ou éolien) est plus élevé dans les îles. Il faut donc mettre en œuvre des nouveaux systèmes pour la gestion de l’offre et de la demande, de l’inertie du réseau électrique et de la tension, et ce plus rapidement qu’en métropole.

4/ Avez-vous un exemple de solution d’adaptation ? 2:55

Un compensateur synchrone va bientôt être mis en service en Guadeloupe. Il pourra gérer la tension, générer une inertie dans le système électrique et répondre aux besoins de conduite et de dispatch du système électrique guadeloupéen. C’est une machine tournante, qui fonctionne à vide et qui permet d’absorber du courant réactif, sans produire de l’énergie. Cela permet ainsi de mieux maintenir la tension. L’inertie permet de protéger le réseau en cas de défaut, qu’il n’y ait pas de variation de fréquence trop rapide. Cela existe déjà dans un certain nombre de territoires dans le monde. C’est cependant une première française.

Pour aller plus loin

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Smart grids – de la flexibilité pour faciliter la transition énergétique – Partie 1

1/ Comment définir les smart grids ?

Les smart grids sont des réseaux intégrant toutes les nouvelles technologies pour accomplir leur mission le plus efficacement possible. Ces technologies comprennent le numérique, en particulier le big data et l’intelligence artificielle. L’objectif est de faciliter l’intégration des ENR, pour implémenter la transition énergétique, et d’avoir des réseaux plus résilients face aux aléas climatiques, le tout à des coûts les plus bas possibles.

2/ Pourquoi les smart grids sont-ils au cœur de la transition énergétique ? 0:47

La transition énergétique implique des productions d’ENR (éolien, photovoltaïque), qui sont raccordées à 90 % au réseau d’Enedis. Leurs deux caractéristiques sont l’intermittence et la décentralisation. Cela modifie donc fortement la gestion du système. La transition énergétique passe aussi par la décarbonation via l’utilisation de l’électricité, notamment la mobilité électrique ; ces nouveaux usages sont également raccordés au réseau de distribution.

Le système d’acheminement de l’électricité est différent dans le cas des ENR. Le système classique part des centrales, puis passe par des lignes de plus en plus petites pour arriver jusque chez le client, avec un flux très prévisible, toujours dans le même sens. Dans le cas des ENR, les centrales sont intermittentes, ce qui donne lieu à un système beaucoup plus complexe à gérer. Il est nécessaire que la production et la consommation soient équilibrées. Il est possible de jouer sur la production dans les centrales, mais dans le cas des ENR, on s’intéresse plutôt à la consommation, c’est-à-dire à la demande, en activant des flexibilités. Ces dernières sont délicates à mettre en œuvre et modifient profondément le métier d’opérateur de réseaux de distribution.

3/ Comment cette flexibilité est-elle mise en œuvre ? 2:25

Les flexibilités visent à s’assurer que la production et la consommation restent équilibrées. Il faut tout d’abord prévoir la production et la consommation dans le futur (à 1 an pour prévoir des périodes de maintenance, à 5 ans pour des investissements, à 1 jour, dans la journée même, en temps réel pour de la conduite). Les technologies de prévision évoluent beaucoup et intègrent massivement des solutions d’intelligence artificielle. Une fois les prévisions réalisées, on effectue une simulation du réseau pour détecter d’éventuelles congestions et activer les moyens pour les lever. Ces moyens sont des reconfigurations du réseau (ouverture/fermeture d’interrupteurs), des appels à la flexibilité (demander à des producteurs de baisser leur production, à des consommateurs de consommer plus ou moins suivant le moment et la nature de la congestion) ou bien le maintien de la tension dans les plages admissibles.

4/ Pouvez-vous nous donner un exemple de solution de flexibilité ? 3:51

Les offres de raccordement alternatives sont un exemple de solution de flexibilité. On va donner le choix à des producteurs d’être raccordé avec une solution classique (long et coûteux) ou bien avec une solution intelligente. Cette dernière est plus rapide et moins chère, mais implique de ne pas produire à 100 %, donc de baisser la production sur demande de temps en temps pour éviter les contraintes sur le réseau. De nombreux producteurs ont souscrit à ces contrats. Le réseau est donc constamment piloté pour éviter ou résoudre les congestions. Un nouvel outil de conduite a été développé et va être mis en place dans les 28 agences de dispatching en France en 2027 pour faciliter la mise en œuvre de ces flexibilités et avoir des échanges efficaces avec les producteurs et les autres acteurs.

Pour aller plus loin

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CCUS – Chaîne de valeur et technologies

1/ Quels sont les maillons de la chaîne de valeur du CCUS ?

La chaîne de valeur du CCUS commence par l’adaptation de l’émetteur. Il est toujours préférable d’émettre moins de CO2, ou des quantités plus concentrées de CO2. Lors de la capture, ce CO2 va être amené d’une teneur relativement faible (5, 10, 30 %) jusqu’à une teneur au moins supérieure à 95 %, et la plus proche possible de 99 %. C’est là qu’il va pouvoir être comprimé et/ou liquéfié efficacement. Dans de rares cas, ce CO2 va être utilisé en direct. Sinon, il sera transporté, par camion, par train, par bateau (s’il est sous forme liquide), ou bien par des canalisations. La logique est l’inverse de celle des réseaux de gaz naturel (transport + distribution) : la collecte est réalisée par les industriels, puis le CO2 est remonté par des canalisations de plus en plus grosses jusqu’à un hub. Aujourd’hui, ces hubs sont situés principalement sur les zones portuaires ou le long des fleuves. Ce CO2 pourra ensuite être transporté pour être séquestré ou utilisé (pour la production de carburant synthétique par exemple).

2/ Les procédés de capture du CO2 sont-ils maîtrisés ? 1:47

Certains procédés de capture du CO2 sont connus depuis longtemps et déjà employés. Par exemple, la capture de CO2 est utilisée dans les usines d’ammoniac. Ce dernier devient alors un CO2 marchandise, pour la production d’urée dans les usines chimiques (recyclage local) par exemple, ou pour produire plus de pétrole dans le cadre de l’EOR (Enhanced Oil Recovery), procédé dans lequel on injecte du CO2 dans des réservoirs pour augmenter la production. On cherche désormais à résoudre les difficultés des procédés de capture du CO2 (coût, consommation énergétique, etc.). Cela provoque une effervescence de nouveaux acteurs et de nouveaux procédés pour s’adapter à de nouveaux marchés.

3/ Quelles sont les technologies de capture ? 2:54

Il existe quatre grandes familles de technologie de capture.

La première est le lavage aux amines (c’est un terme général, car il ne s’agit pas toujours d’amines). Deux réacteurs sont utilisés, un premier dans lequel le CO2 va réagir avec une solution, souvent une amine, pour y être capturé. Les fumées vont ressortir décarbonées à 90 ou 95 %. Un second réacteur va chauffer et libérer sélectivement le CO2 pour régénérer le solvant. C’est la voie la plus mature et la plus utilisée aujourd’hui, cependant, elle consomme une grande quantité d’énergie pour le chauffage.

Une autre famille de technologies utilise des adsorbants. Le CO2 va alors venir se coller sur les parois d’un adsorbant spécifique. En changeant les conditions de pression ou de température, on va d’abord libérer l’azote et l’oxygène, puis libérer le CO2 plus tard. Ces cycles sont appelés CSA ou PSA en fonction de l’adsorbant utilisé.

Une troisième famille regroupe les technologies par membrane. La membrane agit comme un filtre : sous l’action d’une poussée, l’azote va sortir à un endroit et le CO2 à un autre. Ces technologies utilisent de l’électricité plutôt que de la chaleur.

La dernière famille regroupe les technologies cryogéniques. Elles jouent sur les différences de température de changement d’état entre l’azote, l’oxygène et le CO2. On peut séparer sélectivement le CO2 sans consommer de chaleur, cependant on utilise de l’électricité.

4/ Quelles sont les technologies utilisées pour les étapes suivantes ? 4:47

Il existe d’autres briques technologiques au-delà de la capture. Parfois, le CO2 est déjà très concentré, comme dans le cas de la méthanisation ; on va alors chercher à le liquéfier pour le transporter, ou pour le purifier. Il existe aussi des purifications spécifiques pour extraire de très petites quantités d’impuretés qui risqueraient de poser problème dans les canalisations ou dans les stockages. De nouveaux outils de gestion des flux de CO2 sont également développés. Il existe déjà des pipes de CO2, comme aux États-Unis, mais le développement de cette industrie implique l’amélioration ou l’actualisation de composants, de compteurs, de vannes, etc., car le marché est en train d’exploser.

Pour aller plus loin

BE8091           Captage et stockage du CO2 dans le contexte de la transition énergétique

BE8092           Captage du CO2 – Technologie pour la transition énergétique

CCUS – Solution pour décarboner l’industrie

1/ Que signifie CCUS ?

CCUS est l’acronyme de Carbon Capture Use and Storage, en français « capture de carbone, utilisation et stockage ». On dit « le » CCUS. C’est le terme professionnel le plus répandu. Il s’agit d’une chaîne d’actions et de briques technologiques qui visent à enrichir, éventuellement liquéfier, puis purifier, transporter et utiliser ou séquestrer du CO2. Dans la décarbonation des procédés, la capture de carbone présente l’avantage de réduire significativement les émissions de CO2 des procédés qualifiés de « hard to abate », soit « difficile à réduire ».

2/ Quelles industries sont concernées ? 1:15

Le CCUS est une solution pour les cimentiers, les producteurs de chaux, certains acteurs de la métallurgie (par exemple, la production d’acier). Le CCUS peut aussi intéresser les activités de production d’énergie à partir de biomasse (méthanisation, cogénération, chaufferie à partir de résidus agricoles ou forestiers), ou d’autres applications, comme l’industrie du verre ou la conversion de certaines chaudières.

3/ Le CCUS est-il la première des solutions de décarbonation pour ces industries ? 1:53

Dans la hiérarchie des solutions, il est toujours plus efficace de diminuer ses émissions. Il est possible de travailler sur l’amélioration des procédés ou l’amélioration énergétique de ces procédés, soit en consommant moins, ce qui n’est pas si évident à faire, soit en capturant le CO2 sur les unités industrielles. Le CCUS intervient après avoir pris toutes les mesures dites « faciles » (d’un point de vue économique et non sociétal). Comme on l’a vu plus tôt, la capture de carbone présente l’avantage de réduire significativement les émissions de CO2 de certains procédés. Le CCUS s’inscrit dans une trajectoire de décarbonation visant un objectif net zéro pour s’aligner sur les attentes de l’Union européenne pour 2050.

Pour aller plus loin

BE8091           Captage et stockage du CO2 dans le contexte de la transition énergétique

BE8092           Captage du CO2 – Technologie pour la transition énergétique

Combustion de l’hydrogène – Les coûts

1/ Sur quoi se base le prix de l’hydrogène vert ?

Pour produire de l’hydrogène sur un site industriel, de l’eau et de l’électricité en grandes quantités sont nécessaires. La fourniture électrique constitue le plus gros poste dans le prix de l’hydrogène. Il est donc crucial d’avoir une fourniture d’électricité verte réfléchie en termes de coût et de temporalité.

2/ Combien coûte l’hydrogène vert en combustion par rapport au gaz naturel fossile ? 0:49

Le coût de l’hydrogène vert en combustion est de l’ordre du double de celui du gaz naturel fossile. Cependant, le prix du carbone va augmenter, et celui de l’hydrogène, correspondant principalement à celui de l’électricité verte, va pouvoir diminuer au fil des améliorations de la production d’électricité verte.

3/ Sur quelle durée portent les contrats d’approvisionnement en électricité ? 1:19

L’hydrogène vert est aujourd’hui plus cher que le gaz naturel fossile. La production sur site, avec un contrat de gré à gré pour l’électricité, garantit un prix pour des durées de 15 ans, voire plus. C’est une sécurisation que l’on ne retrouve pas sur les marchés des énergies fossiles aujourd’hui (ou à l’avenir), en raison des tensions géopolitiques ou écologiques.

4/ Pourquoi l’hydrogène vert en combustion est-il moins cher que pour les autres usages ? 1:49

L’hydrogène en combustion n’a pas les enjeux de pureté que peut avoir l’hydrogène pour la mobilité. Il n’y a pas non plus de contrainte de haute pression (stockage, compression). Il y a aussi une synergie avec les sites industriels actuels en termes de sécurité, d’approvisionnement, etc. Le prix est donc plus bas. De nouvelles techniques d’électrolyse, qui vont nécessiter un apport en chaleur pour être plus performantes, devront être associées à des sources de chaleur à haute température, ce que peuvent typiquement proposer des sites industriels utilisant l’hydrogène pour la combustion, et que ne peut pas proposer une station de distribution pour la mobilité.

Pour aller plus loin

Combustion de l’hydrogène – La faisabilité technique

1/ Est-ce plus complexe de brûler de l’H2 que du gaz naturel ?

La combustion d’hydrogène se fait dans des brûleurs très proches des brûleurs gaz. Même si les propriétés de combustion sont légèrement différentes, les équipementiers ont pu tester et développer des gammes compatibles avec l’hydrogène, en toutes proportions et avec une forte flexibilité temporelle. Concrètement, dans un four à gaz, il suffit de remplacer les brûleurs. Il est toujours possible de rebasculer sur le gaz en cas de problème de fourniture en hydrogène par exemple. Cela permet une meilleure sécurité d’approvisionnement et de prix.

2/ Les fours des industriels sont-ils adaptés à ce type de combustion ? 1:00

La combustion de l’hydrogène est une technologie mature à l’échelle du laboratoire et du brûleur. En revanche, un four industriel de grande taille (fusion du verre ou de l’aluminium, réchauffement de l’acier par exemple) utilise un procédé bien spécifique, avec des contraintes et des enjeux de qualité des produits. Il reste encore à démontrer que l’usage de l’hydrogène à l’échelle industrielle est possible. Il faut donc réaliser des pilotes industriels, avec comme enjeu de pouvoir transférer cette technologie sur d’autres sites. À l’échelle du four, l’usage de l’hydrogène modifie légèrement les transferts thermiques, et surtout l’atmosphère. Il n’y a plus de CO2, il y a une plus grande quantité d’eau, ce qui peut changer le vieillissement des réfractaires au niveau chimique, ou le traitement du produit, ou donc les transferts thermiques. Il est nécessaire de tester à l’échelle réelle pour valider la qualité du produit en sortie et la performance du four.

3/ Les industriels utilisent-ils déjà l’hydrogène en combustion ? 2:10

Des campagnes de tests en combustion hydrogène ont eu lieu, sur des fours verriers de grande taille par Saint-Gobain en Allemagne, ou sur la fusion de l’aluminium par Hydro en Espagne. Il existe aussi des projets très avancés en sidérurgie, où la réchauffe en combustion hydrogène est déjà à l’œuvre. En France, Ugitech a annoncé un projet. C’est donc désormais une réalité. Il s’agit d’une stratégie d’innovation, de décarbonation et de transition industrielle combinées. Une fois que les démonstrateurs auront validé la qualité des produits et les performances des fours en combustion hydrogène, ce qui va dicter l’évolution chez les industriels, c’est le prix, en comparaison avec le gaz naturel. Le gaz naturel va devenir plus cher et nous ne sommes pas à l’abri d’autres crises. L’hydrogène, lui, est poussé par le cadre réglementaire. De plus, le coût des énergies renouvelables et vertes va continuer de baisser, ce qui va véritablement accélérer les choses pour cette voie de décarbonation.

4/ Y a-t-il des risques à produire de l’hydrogène sur un site industriel ? 3:24

Intégrer la production d’hydrogène sur site n’est qu’un choix de distribution parmi d’autres. Il est aussi possible de se fournir par camions ou pipeline. Dans tous les cas, il y a un enjeu de sécurité des biens, des personnes et des riverains. Cela se pense en amont des projets. Toutefois, il faut préciser qu’il ne s’agit pas d’hydrogène à haute pression, donc les moyens mis en œuvre depuis longtemps pour sécuriser l’utilisation de l’hydrogène dans les sites de raffinage d’ammoniaque sont toujours utilisables, en s’adaptant aux sites de production. Il n’y a pas de difficulté technique particulière. C’est une question de volonté des acteurs d’être irréprochable sur la sécurité.

Combustion de l’hydrogène – Un levier de décarbonation dans l’industrie

1/ De quoi parle-t-on ?

On parle ici de l’usage industriel de la combustion d’hydrogène, dans différents procédés et différents fours. Il ne s’agit pas d’hydrogène matière utilisé comme réactif chimique. On exclut aussi l’usage pour la production d’électricité uniquement, où il peut y avoir des turbines à gaz ou des moteurs à combustion interne. L’usage évoqué ici est bien celui de la combustion d’hydrogène dans des fours industriels (fusion, cuisson, séchage à haute température).

2/ Pourquoi les industriels sont-ils engagés dans des stratégies de décarbonation ? 1:01

Il est possible d’évoquer une évolution de la société, mais ce sont surtout les enjeux réglementaires et de prix du CO2 qui guident les industriels. Dans le secteur du bâtiment, par exemple, l’intensité carbone de la fabrication est concernée, comme la combustion pour la cuisson et le séchage des matériaux de construction. De même, dans le secteur du transport, le CO2 lié à la fabrication des véhicules (aluminium et acier) est suivi de près. Il y a des matériaux très sensibles à cette pression de décarbonation liée à la réglementation, au CO2 et au marché. Le verre en fait aussi partie. L’utilisation de l’hydrogène serait pertinente pour environ 5 % de cette chaleur industrielle. Il y a toutefois de grandes incertitudes encore. Malgré tout, cela constituerait un volume colossal de production d’énergie (des centaines de mégawatts d’électrolyseur, des térawattheures). Il s’agit donc d’un gros enjeu de décarbonation, car il touche à ce qui est le plus dur à décarboner dans ces filières. Ce sont également des sites centralisés à fortes émissions : un seul projet aura immédiatement une grande ampleur de réduction d’émissions de CO2.

3/ Quelles sont les stratégies pour décarboner ? 2:27

De nombreux industriels se sont lancés dans la décarbonation, avec des engagements de −30 % à horizon 2030. Il y a donc des décisions à prendre dès aujourd’hui. La voie historique est l’électrification directe avec de l’électricité bas carbone. Malheureusement, si cela n’a pas déjà été fait, c’est qu’il y a des difficultés techniques à prendre en compte : limitations de puissance, de profil, de température à atteindre ou d’atmosphère des fours. Ces éléments peuvent rendre l’électrification compliquée, voire impossible. L’option la plus évidente, puisqu’il y a combustion de gaz, c’est l’utilisation du biométhane, techniquement identique. Cependant, on est confrontés à un problème d’approvisionnement : le cadre réglementaire impose que le biométhane soit produit sur site ou avec un contrat de gré à gré. Dans le premier cas, cela implique d’énormes encombrements fonciers et enjeux logistiques pour approvisionner le site en biomasse (camions), qui ne doit pas provenir de trop loin, et peut entraîner un problème d’acceptabilité à l’échelle locale. Dans le second cas, il existe des contrats de biomethane purchase agreement, mais avec des tarifs élevés. L’hydrogène devient alors une véritable option. Ce dernier permet de contourner les limitations techniques de l’électrification directe et d’être compétitif avec le biométhane. Il y a bien entendu des marges de progrès et d’évolution sur cette technologie. Il existe d’autres méthodes (gaz de synthèse, torches plasma), qui présentent des enjeux d’innovation sur des technologies encore peu matures.

4/ Quels process industriels sont concernés ? 4:36

L’essentiel du volume de la chaleur industrielle est à basse température, où différentes technologies de décarbonation sont envisageables. La très haute température concerne par exemple la cuisson de minéraux, les fusions de métaux ou de verre ; les températures vont de 600 °C à 1 000 °C, avec des profils temporels particuliers et un contrôle très précis de la température pour respecter les contraintes de qualité, ainsi que des enjeux d’atmosphère de four. L’hydrogène peut satisfaire ces exigences techniques.

5/ Pourquoi la combustion d’hydrogène est-elle un levier essentiel de décarbonation dans l’industrie ? 5:33

Avec l’hydrogène, pour décarboner massivement un poste d’émission de CO2 habituellement très difficile à décarboner, il suffit de changer les brûleurs, sans changer le four. Avec une fourniture en métaux recyclés et une fusion décarbonée, le produit en sortie a une très faible empreinte carbone. C’est ce que recherchent les industriels européens de l’acier, l’aluminium, du verre. Avec 100 % d’hydrogène dans le brûleur, on obtient 100 % de décarbonation, c’est-à-dire une émission de carbone nulle, que ce soit dans les fumées ou en amont si on utilise une électricité verte. Le cadre réglementaire y veille. Il s’agit d’un choix de taux d’intégration de l’hydrogène dans le four et le brûleur, et plus largement à l’échelle de l’usine, de la filière et de la société.

E-fuels, les défis

1/ Quel est le principal enjeu pour la filière des e-fuels ?

Les installations de production d’e-fuels sont conséquentes : elles sont conçues pour produire plusieurs milliers de tonnes par an. En amont, cela implique de produire massivement de l’hydrogène et de capter massivement du dioxyde de carbone. Ce dernier ne manque pas. En revanche, l’hydrogène doit être entièrement produit, par une filière encore en phase de lancement. La massification de la production d’hydrogène est donc un enjeu majeur. À l’horizon 2030, le volume dédié aux e-fuels atteindrait 20 à 40 % de la production d’hydrogène. Aujourd’hui, les tailles d’installation peuvent monter jusqu’à 200 MW, mais elles ne sont pas encore matures pour la production à l’échelle industrielle.

2/ Comment faire diminuer leur coût ? 1:21

Aujourd’hui, le prix d’une molécule de synthèse se situe entre deux et trois fois le prix de sa molécule fossile. Par exemple, le kérosène coûte 800 €/t, contre 2 000 à 2 500 €/t pour le e-kérosène. L’enjeu est de diminuer le prix en baissant les coûts de production. La réglementation, en mettant une pression croissante sur le prix des molécules fossiles (via le prix de la tonne de dioxyde de carbone), va aussi contribuer à diminuer l’écart entre les prix. Il faudrait atteindre 150 à 200 €/t de dioxyde de carbone (contre 100 € actuellement) pour que, combiné avec une baisse des coûts de production, les e-fuels deviennent compétitifs.

3/ Quels acteurs s’intéressent à ce marché ? 2:21

La carence en volume de la production d’hydrogène implique une réflexion à l’échelle mondiale. À l’échelle géopolitique, on retrouve des acteurs étatiques, comme le Chili, les États-Unis, l’Égypte ou la Mauritanie, qui vont produire massivement de l’hydrogène. Ce dernier est transformé sur place en e-fuel ou bien envoyé dans les pays consommateurs qui le transforment eux-mêmes. À l’échelle des projets, on retrouve trois types d’acteurs. Les émetteurs de dioxyde de carbone souhaitent valoriser les quantités importantes de dioxyde de carbone qu’ils possèdent (par exemple, Arcelor-Mittal pour la sidérurgie, Vicat ou Lafarge pour les cimentiers). Les fournisseurs d’énergie vont s’intéresser au développement de projets (par exemple, Engie, EDF, ou de nouveaux acteurs comme Elyse Energy). Ils achètent des équipements, du dioxyde de carbone, achètent ou produisent l’hydrogène et vendent ensuite les e-fuels aux troisièmes acteurs, les distributeurs de carburant. Il s’agit de producteurs historiques (comme Total Energie, Shell, BP) qui vont incorporer les e-fuels à leur production actuelle.

4/ Les objectifs d’incorporation peuvent-ils être atteints ? 4:22

La réglementation prévoit des taux d’incorporation élevés (20-25 % d’ici 2050). Malgré les acteurs importants impliqués et le développement prévu de projets, cela demande des volumes de production et de consommation encore inatteignables. La demande est aujourd’hui très supérieure à l’offre, et la technologie et les infrastructures de production ne pourront pas permettre à elles seules d’atteindre ces objectifs. Cela pose donc la question de la sobriété de consommation pour réduire les volumes, ce qui permettrait de satisfaire les objectifs.

Pour aller plus loin

BE8587           L’hydrogène, vecteur de la transition énergétique

G1814             Valorisation du CO2 – Partie 2 : voies par transformations chimiques

TRP4055        L’hydrogène vert en aéronautique – Production

IN303             Production de biokérosène et de biogazole par la voie thermochimique

J1255              Catalyse hétérogène dans les procédés industriels

TRP4058        Carburéacteurs alternatifs aéronautiques et leur déploiement

Hydrogène natif – Les enjeux

1/ Quel est le principal intérêt de l’hydrogène natif ?

Pour l’hydrogène traditionnellement produit à partir de gaz naturel ou d’électrolyse, le coût de production est égal à la somme du coût de la ressource (gaz naturel) et de la transformation (électricité). Les tendances à long terme indiquent que le coût de l’hydrogène va s’approcher soit du coût du gaz naturel, soit de celui de l’électricité. L’hydrogène natif, lui, est disponible gratuitement ; il ne coûte que le forage, ce qui laisse envisager des prix bien plus bas.

2/ Pourquoi les enjeux principaux sont-ils sur la prospection ? 00:56

Il est nécessaire d’étudier la diffusion de l’hydrogène dans les gisements pour déterminer, en faisant le chemin inverse, les lieux propices au forage. Il a donc fallu développer de nouvelles sondes. C’était l’objet du célèbre projet Regalor (projet de recherche sur l’exploitabilité du gaz de charbon en Lorraine). De nouveaux moyens de prospection doivent aussi être mis au point. Par exemple, aujourd’hui, il est possible d’installer des sondes sur des vélos, puis de quadriller le paysage pour repérer les émanations. Sur les zones lointaines, le travail porte sur la manière dont les capteurs vont remonter les données et comment fiabiliser ces dernières. C’est encore le début de l’aventure ! Certaines méthodes de prospection pétrogazière sont transférables, comme les méthodes sismiques pour étudier le sous-sol. Il est cependant nécessaire de développer d’autres connaissances pour caractériser ces gisements, et déterminer où l’on va forer. Pour utiliser une image, il faut trouver où planter une paille pour faire remonter l’hydrogène.

3/ Quels sont les enjeux sur la production ? 2:22

La production semble moins complexe que pour l’exploitation pétrogazière. L’hydrogène diffuse naturellement vers la surface : si le forage est au bon endroit, il semble facile de le collecter. Cependant, il n’y a pas de retour d’expérience sur ce point car les exploitations n’en sont pas encore à ce stade.

Une autre technique d’exploitation consiste à stimuler des roches privées d’oxygène dans certaines configurations géologiques. En amenant de l’eau par forage, un peu comme en géothermie stimulée, on recrée les conditions de la réaction d’oxydoréduction qui produit un dégagement d’hydrogène.

4/ Qu’en est-il du transport ? 3:17

Comme pour le pétrole ou le gaz, les gisements sont éloignés des foyers de consommation. Il va donc falloir une infrastructure intermédiaire. C’est une problématique similaire au transport de l’hydrogène depuis les sites de production par électrolyse (situés dans des lieux à fort ensoleillement et fort gisement éolien, comme en Afrique ou en Amérique du Sud) jusqu’aux sites de consommation sur d’autres continents.

5/ Quels acteurs s’intéressent à ce marché ? 4:00

Il s’agit principalement de sociétés d’exploration junior, canadiennes ou australiennes. Il en existe également en France, comme la société 45-8. Ces sociétés vont chercher de l’hydrogène ainsi que de l’hélium ; ce sont en effet souvent des gisements mixtes. L’hélium représente déjà un marché gigantesque, qui permettrait de financer l’exploration de l’hydrogène, pas encore mature.

 6/ L’hydrogène natif peut-il supplanter les filières d’hydrogène de synthèse ? 4:37

L’attention portée à l’hydrogène natif ne doit pas éclipser les autres filières. Au vu des enjeux climatiques, ce serait même une erreur de se focaliser sur cette filière native, au détriment de tous les investissements déjà faits dans les autres filières, comme l’électrolyse. Il faut être prudent ; aujourd’hui, l’hydrogène natif n’est qu’à ses débuts, c’est très spéculatif. On ne peut pas parier dès maintenant sur une exploitation massive de l’hydrogène géologique dans la prochaine décennie. Il y a un véritable risque à délaisser les autres technologies : l’espoir ne peut pas tenir lieu de stratégie.

Pour aller plus loin :

BE6702           Hydrogène Naturel

IHY200            Les couleurs de l’hydrogène – Infographie

HY1000           Géopolitique et hydrogène

Hydrogène natif – Les premiers pas

1/ Comment se forme l’hydrogène natif ou géologique ?

L’hydrogène natif ou géologique est produit dans les couches intérieures de l’écorce terrestre. Ce n’est pas une énergie fossile, car l’hydrogène ne provient pas de la décomposition de végétaux anciens. Il est formé par oxydoréduction, une réaction chimique qui se produit lorsque des roches profondes de l’écorce terrestre rencontrent de l’eau pour la première fois. Les roches vont alors réduire l’eau, capter l’oxygène et relâcher de l’hydrogène. Ce dernier va se diffuser lentement à travers les couches de la croûte terrestre, jusqu’à la surface, où l’on va retrouver des émanations d’hydrogène.

2/ Où a été découvert le premier gisement ? 1:00

Le premier forage pour la production d’hydrogène natif a été réalisé au Mali dans les années 2010. C’est arrivé par hasard, en découvrant un puits sur un forage d’eau. C’est là que l’on a réalisé qu’il était possible de récupérer de l’hydrogène très pur, provenant du sous-sol, et quasiment en pression, soit 5 bars. Ce puits est exploité par la société malienne Hydroma, qui a installé un moteur à gaz pour électrifier le village de Bourakébougou. Dans le monde de l’hydrogène, ce puits est connu sous le nom de Bourakébougou 1 et incarne l’instant zéro de la prospection hydrogénière.

 3/ Les gisements sont-ils nombreux dans le monde ? 1:47

L’hydrogène est bien distribué sur l’ensemble du globe. On en trouve au fond des dorsales océaniques, où la matière qui remonte arrive au contact de l’eau, ce qui produit de l’hydrogène. On en trouve aussi sur les continents, dans les cercles de fée des cratons. En revanche, cet hydrogène n’est pas économiquement exploitable partout. Sa présence alimente tout de même une fièvre de prospection hydrogénière. Des explorations ont lieu en France, comme en Lorraine, dans les Pyrénées, dans l’Ain ou en Bretagne, mais également en Espagne, dans le Nebraska (États-Unis), au Canada, en Australie. De nouveaux puits ont été découverts. L’exploration en est à ses débuts, il n’y a aucune exploitation commerciale pour le moment en dehors du puits de Bourakébougou.

  4/ Quelles sont les perspectives de l’hydrogène natif ? 2:58

Les premières estimations du coût de l’hydrogène à Bourakébougou tournent autour de 1,50 €/kg. C’est inédit, bien inférieur au coût de toutes les autres méthodes de production de l’hydrogène. Cette perspective de prix très bas alimente les fantasmes. Un autre exemple qui suscite de l’enthousiasme est le projet Regalor, en Lorraine. En recherchant du méthane, on a trouvé 20 % d’hydrogène dans un puits situé à 1 000 m de profondeur. Les premières estimations du gisement font état de quantités colossales d’hydrogène, l’équivalent de plusieurs années voire dizaines d’années de consommation mondiale, même s’il faut prendre ces chiffres avec des pincettes.

Pour aller plus loin :

BE6702           Hydrogène Naturel

IHY200            Les couleurs de l’hydrogène – Infographie

HY1000           Géopolitique et hydrogène

Stockage solide de l’hydrogène – Avantages et inconvénients

1/ La densité volumique permise par le stockage solide de l’hydrogène est-elle élevée ?

Le premier avantage de la technologie du stockage solide est qu’il est possible d’atteindre des densités volumiques beaucoup plus importantes que dans le gaz ou le liquide. L’hydrure de magnésium atteint 110-112 kg H2/m3, tandis que le stockage gazeux, même à 700 bars, reste autour de 45 kg H2/m3 et que le stockage liquide est à 70 kg H2/m3. La densité énergétique pour l’hydrure de magnésium est 2,4 kWh/kg, ce qui est 10 fois supérieur à une batterie. Il faut tout de même souligner que l’on ne peut pas réellement comparer ces deux valeurs car le matériel n’est pas le même (réservoir ou pile à combustible).

2/ Quels sont ses autres avantages ? 1’06

Le deuxième avantage est que la pression nécessaire est de l’ordre de 10 bars. Dans un réservoir de 2 litres, on peut absorber 1 m3 d’hydrogène à pression atmosphérique, ce qui correspond à une pression de 500 bars si l’hydrogène se trouvait sous forme gazeuse. Un autre avantage tient à l’abondance du magnésium : on le trouve sur tous les continents, il est relativement peu coûteux, il ne présente aucun problème de toxicité ou de pollution.

3/ Le fort besoin en chaleur de la réaction de désorption est-il un inconvénient ? 1’41

Le principal inconvénient de l’hydrure de magnésium est qu’en effet il faut monter au-delà de 300 °C pour désorber l’hydrogène, et apporter la chaleur de réaction. Cela représente 30 % de l’énergie stockée dans l’hydrogène. Si l’on ne dispose pas de chaleur fatale pour chauffer les réservoirs, le rendement énergétique de stockage diminue de 30 %.

4/ Quelles solutions permettent de remédier à cette difficulté ? 2’12

L’une des solutions mises en œuvre est l’utilisation d’un matériau à changement de phase. Il a une température de fusion comprise entre la température d’absorption et celle de désorption. Lors de l’absorption de l’hydrogène, on va chauffer ce métal pour le faire fondre. Au contraire, on va le resolidifier lors de la désorption, la chaleur latente de solidification allant chauffer le magnésium. Le matériau à changement de phase est un alliage à base de magnésium, peu coûteux. En revanche, sa présence ajoute du poids au réservoir. Cette solution est donc à privilégier pour des usages stationnaires où le poids n’est pas un problème. De plus, sur des temps très longs, la chaleur va finir par se dissiper, c’est donc préférable de l’utiliser pour du stockage à court terme. Une application possible est un stockage jour/nuit couplé à des panneaux solaires utilisés dans la journée pour produire de l’hydrogène, qui serait stocké et réutilisé en période de pointe le soir. Pour du stockage à plus long terme, ou pour éviter un système trop lourd, une autre solution est par exemple de coupler thermiquement le réservoir à une pile à combustible et de récupérer la chaleur libérée par la pile à combustible pour chauffer le réservoir. Il existe en effet des piles à combustible qui travaillent à haute température, les solid oxyde fuel cells, entre 700 et 900 °C. Une troisième solution serait de développer un réseau de cogénération, où l’on a à la fois besoin de chaleur et d’électricité. On peut utiliser directement la chaleur dégagée par le réservoir et apporter la chaleur de réaction au moment où l’on veut désorber le réservoir. La chaleur est facilement valorisable puisqu’elle est à 300 °C.

5/ Atteint-on de hauts niveaux de rendement ? 4’10

Le rendement dépend de la taille du réservoir. Plus le réservoir est petit, plus le rapport surface/volume est important, plus il y a de pertes. En revanche, si l’on envisage des gros réservoirs (on parle alors de containers), le rapport surface/volume est faible et on peut atteindre des rendements de l’ordre de 95 % avec des matériaux à changement de phase.

6/ La poudre est-elle la seule présentation intéressante pour l’hydrure de magnésium ? 4’34

Dans les années 2005-2010, on a beaucoup travaillé sur le broyage de l’hydrure de magnésium. C’est très efficace et les cinétiques d’absorption obtenues sont très rapides. En revanche, cela a un coût lié à la manutention, un coût énergétique pour le broyage, et les poudres obtenues sont très pyrophoriques, or elles doivent être manipulées avant d’être compactées. Dans une usine, à grande échelle, cela peut être un inconvénient. Sachant cela, on travaille sur un procédé de déformation plastique sévère, le forgeage. Cela produit directement des matériaux massifs, que l’on peut hydrurer. Les cinétiques sont moins rapides, la capacité d’absorption est un peu plus faible, autour de 4,5 % massique (au lieu de 7 % avec les poudres). Cependant ce procédé est beaucoup plus facile à extrapoler à grande échelle, en grandes quantités, et sans problème de pyrophoricité.

Pour aller plus loin :

Stockage solide de l’hydrogène – Applications

1/ Quel est le coût du stockage de l’hydrogène sous forme solide ?

Le coût actuel est autour de 3 000 €/kg hydrogène stocké, un coût plus élevé que celui de la compression mais plus faible que celui de la cryogénie. Il n’y a pas de maintenance à faire sur les réservoirs, à part parfois de l’entretien sur les filtres, et ils durent une vingtaine d’années. La perte d’isolation du réservoir est compensée par un apport électrique, mais cela tourne autour de 5 % de pertes, contre 15 % pour la compression et plus de 35 % pour la cryogénie.

2/ Quelles sont les principales applications ? 00’56

Au départ, l’idée était de produire des réservoirs pour des usages stationnaires, pour de grosses quantités d’hydrogène. Des applications sont envisagées pour les futures stations-service : lorsqu’il y aura un grand nombre de voitures et camions à hydrogène, il faudra produire l’hydrogène sur place. Des applications industrielles existent, directement dans les usines pour l’industrie électronique, les industries du verre (flowed glass), et la fabrication des engrais avec l’hydrogène vert (ammoniaque). Jusqu’à maintenant, l’hydrogène était produit par reformage à la vapeur du gaz naturel, ne nécessitant pas de stockage. Cela produit malheureusement énormément de CO2 (1 tonne d’hydrogène libère 11 tonnes de CO2). Il faut désormais produire l’hydrogène avec des énergies intermittentes, du solaire ou de l’éolien, et donc le stocker. Pour stocker une centaine de tonnes par jour, il semble inévitable d’utiliser les hydrures métalliques.

3/ Y a-t-il aussi des applications dans le transport ? 2’37

Il y a une forte demande dans le transport. Un futur réservoir sous forme de container est mis au point, qui contiendra entre 1 et 1,2 tonnes d’hydrogène, pour un container de 25 tonnes. Les porte-container traditionnels pourront les transporter, sachant qu’ils ont une capacité de 10 000 à 15 000 containers, cela représente donc 10 000 tonnes d’hydrogène. C’est extraordinaire pour le transport lointain : le plus gros bateau actuel transportant de l’hydrogène liquide a une capacité maximale de 85 tonnes.

Pour le transport maritime, un projet est en cours avec un client norvégien intéressé par l’utilisation de containers amovibles pour alimenter les ferries. Il existe en effet de nombreux ferries circulant entre les fjords en Norvège. L’objectif est de les rendre non polluants, en interdisant l’usage du kérosène ou du gasoil. Les batteries ne s’étant pas révélées assez performantes (les quantités de batteries sont trop importantes), les piles à combustible sont envisagées. Pour le futur, une nouvelle voie est à l’étude, utilisant de l’hydrogène pur pour faire fonctionner les moteurs thermiques.

Pour aller plus loin :

Stockage solide de l’hydrogène – Procédé industriel

1/ Quelles sont les spécificités de votre usine-pilote d’hydrure de magnésium ?

L’usine se trouve dans un petit village de la Drôme. Elle produit des hydrures de magnésium, les met en pastille et fabrique les réservoirs. Ces derniers sont composés de pastilles empilées dans des tubes. Il existe de nombreux laboratoires et petites sociétés fabriquant des hydrures de magnésium, mais c’est l’unique producteur industriel. La technologie de fabrication, en particulier les fours conçus avec le CNRS, permettent de produire de gros tonnages chaque année.

2/ ÉTAPE 1 – Hydruration du magnésium 1’06

La matière première est une poudre de magnésium, d’une granulométrie comprise entre 0 et 100 microns. Il faut l’acheter en Chine, car il n’y a presque plus de production en Europe. Ce sont des produits très réactifs, utilisés dans des feux d’artifice par exemple. Les poudres sont tamisées et contrôlées avant d’être introduites dans des fours, sous pression d’hydrogène. La réaction d’hydruration est lancée par introduction de chaleur en utilisant des électrodes électriques. La réaction est fortement exothermique, il faut donc ensuite refroidir jusqu’à absorption complète de l’hydrogène par les poudres de magnésium. À la sortie du four, on obtient de l’hydrure de magnésium MgH2. Il se comporte comme une céramique.

 3/ ÉTAPE 2 – Ajout d’additifs et broyage 2’22

La deuxième étape consiste à ajouter quelques additifs pour activer la cinétique d’absorption et de désorption. Les poudres passent dans des broyeurs à billes pour réduire la granulométrie à une frange entre 2 et 5 microns. Ceci est rendu possible par le fait que ce sont des céramiques. Ces poudres sont très fracturées, nanostructurées et extrêmement réactives vis-à-vis de l’hydrogène.

4/ ÉTAPE 3 – Incorporation du graphite, pressage sous forme de disques 3’08

En sortie de broyeur, les poudres obtenues sont mélangées dans du graphite dans une presse à haute pression. Les disques obtenus ressemblent à des vinyles 33 tours de 15 mm d’épaisseur. Ces disques vont échanger l’hydrogène, passant du magnésium à l’hydrure de magnésium et inversement.

5/ ÉTAPE 4 – Empilement des disques dans des réservoirs 3’48

Les disques sont ensuite empilés dans des tubes, où un système automate permet de gérer la désorption et l’absorption. Ce système règle la pression et peut faire de même pour la température, avec si nécessaire un apport externe. Il existe deux types de réservoirs. Le premier est un réservoir adiabatique, où la chaleur de réaction est conservée. Cette chaleur fait fondre les matériaux à changement de phase présents à l’intérieur du réservoir, qui vont stocker la chaleur de réaction. Cette dernière est ensuite utilisée par les disques pour désorber l’hydrogène. Le second type de réservoir est à échange externe. Il comporte un système de chauffe et de refroidissement, en général par une huile spéciale, qui permet d’échanger la chaleur avec un refroidisseur ou un préchauffeur. Un des grands avantages du stockage sous forme d’hydrure de magnésium est qu’il est transportable à froid sans aucun danger.

Pour aller plus loin :

Stockage solide de l’hydrogène – Un nouveau départ

1- Quels ont été les premiers travaux de recherche sur le stockage solide de l’hydrogène ?

Interview de Daniel Fruchart, ancien directeur de recherche à l’Institut Néel (CNRS, Grenoble)

La recherche a démarré dans les années 1970, au moment du premier choc pétrolier. Cet événement a lancé les discussions sur les énergies alternatives, en particulier l’hydrogène. L’hydrogène est utilisable sous trois formes : liquide, à basse température, gazeuse, sous pression, et la forme qui nous intéresse ici, solide, sous forme d’hydrures métalliques. Cette dernière s’obtient grâce à une réaction chimique entre l’hydrogène et certains métaux. Au milieu des années 1980, le magnésium a été envisagé. Cependant, sous sa forme pure, sa réactivité est très lente, il a donc été oublié. À la fin des années 1990, plusieurs laboratoires dans le monde (France, Canada, Japon) ont réalisé que l’on pouvait améliorer la réactivité du magnésium grâce à des additifs, en petites quantités (4 % massique). Commence alors la recherche du meilleur additif.

2- Comment s’est déroulé le passage à l’échelle industrielle ? 1’36

Interviews de Daniel Fruchart, ancien directeur de recherche à l’Institut Néel (CNRS, Grenoble) et de Michel Jehan, co-fondateur de McPhy et fondateur de Jomi Leman

Le magnésium absorbe 7,6 % théorique d’hydrogène : c’est le meilleur de tous les matériaux accessibles. Pour lancer une étude fondamentale en laboratoire, il faut pouvoir stocker et déstocker l’hydrogène en grande quantité, ce qui demande d’avoir facilement accès à une grande quantité de magnésium. Un partenariat est donc mis en place avec un producteur de poudre de magnésium à Romans-sur-Isère, Michel Jehan. Le magnésium produit est en effet extrêmement fin, de meilleure qualité et disponible en plus grande quantité que celui produit au laboratoire.

Les premiers développements ont eu lieu au sein de MCP Technologies, l’ancienne société de production de poudre ultrafines et granulats de magnésium de M. Jehan. Avec Daniel Fruchart, il fonde ensuite la société McPhy pour utiliser les poudres fines (produites à raison de quelques dizaines de tonnes par an) dans le domaine du stockage solide de l’hydrogène.

La production d’hydrures a été arrêtée au départ à la retraite de M. Jehan. McPhy s’est alors lancée dans la production d’électrolyseurs et s’est développée. Le stockage solide n’était pas encore mûr pour les applications, en particulier dans les stations-service.
Aujourd’hui, la production sur site va devenir indispensable : on ne peut pas transporter massivement de l’hydrogène par camion-citerne. L’idée développée par M. Jehan est de produire de l’hydrogène vert en utilisant de l’électricité dans la station-service, de le stocker sous forme solide, sans danger, et de recomprimer directement l’hydrogène pour charger les réservoirs de voitures ou de camions.

3- Aujourd’hui, où en est le développement de ce type de stockage ? 2’55

Interviews de Michel Jehan, co-fondateur de McPhy et fondateur de Jomi Leman et de Patricia de Rango, directrice de recherche à l’Institut Néel (CNRS, Grenoble)

À son départ à la retraite, M. Jehan avait monté une petite société de conseil dans le domaine de la métallurgie du magnésium, Jomi Leman, avec de nombreuses applications industrielles pour la fabrication du magnésium lui-même. Des Canadiens, intéressés par le stockage solide de l’hydrogène, ont approché M. Jehan. Ils ont ensuite injecté des fonds et racheté des parts de la société de conseil pour relancer l’activité sur le stockage solide. Ils ont également racheté le matériel de McPhy et l’ont remis en état pour redémarrer prochainement l’activité.

Ces travaux sont lauréats du prestigieux Prix de l’inventeur européen 2023 (catégorie recherche) attribué par l’Office européen des brevets à Patricia de Rango, Daniel Fruchart, Albin Chaise, Michel Jehan et Nataliya Skryabina. Les brevets pour lesquels ils ont été récompensés datent de 2005 à 2010 : à l’époque, l’intérêt du stockage solide n’était pas évident. Désormais, on cherche des solutions de stockage à grande échelle et dans des conditions de sécurité renforcées : le stockage solide a son rôle à jouer.

4- Cette thématique fait-elle l’objet de nouveaux programmes de recherche ? 5’48

Interview de Patricia de Rango, directrice de recherche à l’Institut Néel (CNRS, Grenoble)

Actuellement, de nombreux programmes de recherche sur le stockage solide de l’hydrogène redémarrent, avec la Fédération de recherche Hydrogène par exemple, ou des programmes et équipement prioritaires de recherche, accompagnés par de nouveaux financements. Il est question de développer de nouveaux matériaux avec une plus grande capacité d’absorption et en particulier à température ambiante.

Pour aller plus loin :

Stockage solide de l’hydrogène – Le principe

1/ Comment se déroule la réaction d’absorption de l’hydrogène par le magnésium ?

Elle se produit quand on place une poudre de magnésium sous pression d’hydrogène. Au cours de cette réaction, il y a d’abord dissociation de la molécule d’hydrogène, puis diffusion des atomes d’hydrogène dans le métal pour former un nouveau composé, MgH2. Cette réaction est gouvernée par un équilibre thermodynamique dépendant de la pression et de la température. Pour l’absorption, la pression d’hydrogène doit être de 5 à 10 bar minimum. Pour la désorption, pour rester au-dessus de la pression atmosphérique, en raison de la grande stabilité de MgH2, il faut une température minimum de 280 °C.

2/ Quels ont été les travaux conduits par votre laboratoire ? 0’58

Il y a eu deux principaux axes de travail.

Le premier est l’optimisation des matériaux, en particulier des cinétiques d’absorption. Un morceau de métal solide n’absorbera en effet pas d’hydrogène, ou alors extrêmement lentement. Il a donc fallu développer une microstructure nanostructurée, en broyant la poudre de magnésium, pour descendre à des tailles de grain de quelques dizaines de nanomètres. Des additifs tels que le titane, le vanadium et le chrome sont ensuite ajoutés pour jouer un rôle de catalyseur et favoriser la dissociation de la molécule d’hydrogène.

Le second axe est le développement de réservoirs. Philippe Marty a utilisé la modélisation numérique pour comprendre le comportement thermique et fluidique du réservoir. Une fois les cotes de calcul validées par la modélisation, des réservoirs optimisés et de grande capacité ont été développés en laboratoire, pouvant contenir jusqu’à 1 kg d’hydrogène.

3/ À quelles difficultés avez-vous été confrontée ? 2’27

Il y a deux problèmes. Le premier, c’est que la poudre de magnésium, une fois broyée, devient pyrophorique, c’est-à-dire qu’elle s’enflamme spontanément au contact de l’oxygène, et donc de l’air. Le second concerne l’enthalpie de réaction. La réaction d’absorption de l’hydrogène dégage de la chaleur, la désorption nécessite un apport de chaleur. Cela suppose une gestion thermique importante. Dès qu’on applique une pression d’hydrogène, le réservoir monte en température et la réaction atteint un équilibre thermodynamique entre le métal et son hydrure : elle ralentit. Pour maintenir la vitesse de réaction, il faut extraire rapidement la chaleur du réservoir lors de l’absorption, ou à l’inverse apporter rapidement de la chaleur pour la désorption. L’efficacité des échanges thermiques gouverne les temps de chargement et de déchargement des réservoirs.

4/ Pourquoi avez-vous créé un composite contenant du graphite ? 3’16

Les échanges thermiques dépendent des échanges convectifs, on utilise donc un liquide caloporteur, en général une huile synthétique. Ils dépendent aussi de la conductivité thermique de l’hydrure de magnésium. On a donc utilisé du graphite, très bon conducteur de chaleur, pour améliorer cette dernière. En incorporant du graphite dans la poudre d’hydrure de magnésium, puis en la compactant sous forme de galette, la conductivité thermique est multipliée par 30 par rapport à la poudre libre. La bonne surprise, c’est que les feuillets de graphite protègent également la poudre des échanges avec l’air, évitant que la poudre s’enflamme au contact de l’air et simplifiant sa manipulation.

Pour aller plus loin :

Hydrogène : quels impacts sur les émissions de CO2

1/ Quelle réduction des émissions de CO2 peut-on atteindre en utilisant de l’hydrogène décarboné ?

L’hydrogène est un vecteur énergétique, il faut donc le produire. Il est important de le rappeler pour aborder son impact sur le réchauffement climatique. On le produit actuellement à partir d’énergies fossiles (reformage de méthane), mais aussi d’énergies renouvelables. Pour ces dernières, la méthode qui a le vent en poupe est l’électrolyse, c’est-à-dire le craquage d’une molécule d’eau grâce à l’électricité (nucléaire ou renouvelable pour l’hydrogène bas carbone). Il existe aussi des méthodes d’utilisation de la biomasse, comme la thermolyse de la biomasse ou le craquage du biométhane.

Les impacts seront visibles sur le secteur industriel, lors du remplacement de l’hydrogène produit à partir de méthane par de l’hydrogène bas carbone. Il y a en effet un gain de CO2 de 75 % entre les deux méthodes (par kilogramme d’hydrogène produit). Dans le secteur de la sidérurgie, responsable de 7 % des émissions mondiales de CO2, il est envisageable de remplacer le charbon par de l’hydrogène à horizon 2030-2040, ce qui réduirait les émissions de ce secteur de la moitié ou des trois quarts, en fonction des choix technologiques.

Dans la mobilité, on compare les émissions à celles des véhicules diesel. Pour une même distance parcourue, on émet 5 fois moins de CO2 en utilisant l’hydrogène bas carbone ou renouvelable. Cela est dû au fait qu’on ne rejette que de l’eau à l’échappement. Même en utilisant de l’hydrogène « gris », fossile, on a un gain de CO2 d’environ 20 %.

2/ L’hydrogène issu de la biomasse a-t-il un bilan CO2 négatif ? 2:58

L’hydrogène est partout, notamment dans la biomasse. Dans les filières biomasse, comme le bois, ou le biogaz, de production d’hydrogène, il est possible d’avoir des bilans négatifs en CO2, selon les procédés de transformation utilisés. C’est encore peu mature mais intéressant pour des applications futures, notamment les puits de carbone industriels.

3/ La molécule d’hydrogène elle-même a-t-elle un pouvoir réchauffant dans l’atmosphère ? 3:36

Il y a eu des polémiques récentes à ce sujet. Il y a en effet des fuites dans toute la chaîne de production et de distribution de l’hydrogène, qui provoquent des rejets dans l’atmosphère. Le problème vient du fait que l’hydrogène atmosphérique a un impact sur la durée de vie du méthane dans l’atmosphère. Le méthane a un pouvoir d’effet de serre important, contrebalancé par sa dégradation assez rapide dans l’atmosphère. L’hydrogène prolonge la durée de vie du méthane atmosphérique et a donc un impact indirect sur le réchauffement climatique. On ne sait pas encore le quantifier scientifiquement, la recherche est très active sur ce sujet.

Hydrogène : quels usages ?

1/ Quelles sont les grandes applications actuelles de l’hydrogène ?

Il faut différencier deux types d’usages de l’hydrogène. Le premier, l’« hydrogène matière », est l’usage historique. Il utilise les propriétés physico-chimiques de l’hydrogène pour produire des engrais, ou pour raffiner le pétrole par exemple. Le second, l’« hydrogène énergie », plus nouveau, regroupe différents moyens d’utiliser l’hydrogène tels que la combustion directe, les piles à combustible (une réaction électrochimique où l’hydrogène est recombiné avec de l’oxygène pour obtenir de l’eau et de l’électricité), ou les moteurs à combustion interne pour la mobilité.

2/ Quels acteurs économiques en sont les principaux utilisateurs ? 1:13

Aujourd’hui, le principal usage de l’hydrogène est industriel. On l’utilise surtout pour le raffinage du pétrole, mais aussi pour la fabrication des engrais ou le traitement thermique.

Actuellement, l’hydrogène utilisé est produit à 95 % à partir de méthane ou d’autres énergies d’origine fossile. À court terme, le principal enjeu est de changer la méthode de production de cet hydrogène, en la ramplaçant notamment par de l’électrolyse utilisant des énergies renouvelables, avec pour objectif une décarbonation complète de l’hydrogène industriel du secteur. C’est d’ailleurs l’enjeu principal des politiques publiques.

En ce qui concerne la mobilité, l’idée est de développer de nouvelles applications. Cela concerne surtout les poids lourds, les trains, les bateaux (bien que les trains et les bateaux soient plutôt à long terme, à horizon 2030). Il existe déjà une offre de voitures légères, de bus, de bennes à ordures ménagères ; les poids lourds arriveront en 2024-2025.

Plus il y aura besoin d’autonomie et de puissance, plus l’usage de l’hydrogène aura du sens par rapport à celui de la batterie. Il est intéressant de souligner la complémentarité des technologies, notamment dans la mobilité, entre la batterie, pour des usages courte distance permettant de recharger régulièrement, et des usages intensifs comme les taxis, la logistique, les chariots élévateurs, où l’hydrogène sera nécessaire pour tenir les performances opérationnelles.

3/ D’ici 2030, quels nouveaux usages sont envisagés ? 2:57

À l’horizon 2030, il y aura des changements plutôt radicaux dans l’usage de l’hydrogène, en particulier dans l’industrie. Les nouveaux usages industriels vont concerner notamment la sidérurgie, où l’hydrogène pourrait remplacer une partie du charbon utilisé. Cela permettrait de diminuer drastiquement les émissions mondiales de CO: la part de cette industrie s’élève actuellement à 7 %. C’est un véritable « game changer » dans le secteur de la consommation hydrogène industrielle.

Les applications concernant la mobilité seront de très forte puissance comme le bateau ou le train, mais concerneront également la voiture individuelle. En effet, même si la voiture individuelle est déjà disponible sur le marché, il n’y a pas de cas d’usage ayant suffisamment d’intérêt pour entraîner une adoption massive (éventuellement les taxis). 2030 devrait être le point d’inflexion pour un usage plus massif de la voiture hydrogène, grâce notamment aux baisses de prix de ces véhicules.

Un autre usage devrait se développer, moins directement visible, pour les foyers : l’injection d’hydrogène dans le réseau de gaz. Il est intéressant de souligner que dans les années 1950, il était déjà possible d’avoir de l’hydrogène et du monoxyde de carbone, ce qu’on appelait « gaz de ville », pour alimenter les foyers. L’injection d’hydrogène dans le réseau de gaz s’expérimente actuellement dans différents projets en France et devrait se massifier après 2030-2040, quand la conjoncture technique et économique permettra de mieux gérer les problématiques d’injection ; l’application deviendra alors un peu plus rentable.

Il existe d’autres usages, plus marginaux aujourd’hui, qui ne semblent pas prévus pour devenir significatifs. Il s’agit par exemple d’usage de l’hydrogène pour de la cogénération en résidentiel et en stationnaire, pour produire de la chaleur et de l’électricité dans les immeubles ou les foyers.

Hydrogène : quel bilan environnemental ?

1/ Quels sont les bénéfices d’un véhicule à hydrogène sur la qualité de l’air ?

Commençons par le fonctionnement de la pile à combustible. L’hydrogène va réagir avec l’oxygène extrait de l’air pour produire de l’eau, de la chaleur et de l’électricité. Il n’y a pas d’émission de polluants (particules fines, oxydes d’azote). C’est une technologie « zéro émissions ». L’utilisation de ces véhicules en remplacement de véhicules diesel représente donc une diminution d’émission de polluants.

Il est intéressant de souligner que la pile à combustible est très sensible aux polluants atmosphériques. Il y a donc des filtres très sévères en amont de la pile, à travers lesquels l’air capté pour l’alimentation en oxygène de la pile va passer et être purifié. Comme les polluants de l’air capté ne sont pas rejetés à l’échappement, il y a purification de l’air ambiant.

2/ Quel est le bilan de la production d’hydrogène sur la ressource en eau ? 1:27

Pour les questions de ressources en eau, on s’intéresse à l’électrolyse. Celle-ci a pour intrants l’électricité et l’eau. Il faut environ 15 à 20 litres d’eau par kilogramme d’hydrogène produit.

La consommation d’un bus à hydrogène est d’environ 20 kg H2/jour, ce qui donne 300 litres d’eau pour faire rouler un bus une journée, soit la consommation moyenne quotidienne de 2 personnes. Cela peut paraître faible, mais il faut faire attention aux territoires de production de l’hydrogène, dans les cas de tension ou de stress hydrique.

Il ne faut pas non plus oublier que la pile à combustible rejette de l’eau à l’échappement, donc contribue au cycle de l’eau global.

3/ La filière hydrogène a-t-elle recourt à des métaux rares ? 2:42

La filière hydrogène est en effet concernée par la problématique des métaux rares. La pile à combustible nécessite beaucoup de platine, environ 6 fois plus que pour un pot catalytique.

On sait recycler le platine mais il faut d’abord l’extraire, avec des conséquences environnementales, et gérer l’approvisionnement, avec des conséquences politiques.

4/ Le rendement énergétique global de l’hydrogène est-il suffisant ? 3:18

On rappelle que l’hydrogène est un vecteur énergétique, qui nécessite une énergie primaire pour sa production. Cette énergie primaire va avoir un impact, que ce soit de la biomasse ou de l’électricité via l’énergie éolienne, photovoltaïque ou nucléaire. Il faut comparer différentes chaînes de rendement, notamment dans les périodes de tension sur la ressource énergétique. Le rendement de l’hydrogène n’est pas extraordinaire, il est de 70 % à la production et de 50 % à l’utilisation dans la pile à combustible. Dans l’ensemble de la chaîne, cela représente donc 30 % de rendement.
Il existe cependant des cas d’application de la pile à combustible, très spécifiques, qui sont intéressants, notamment en raison de sa charge rapide et sa grande autonomie. La batterie ne peut en effet pas répondre à tous les besoins, malgré son rendement supérieur.

La chaîne de rendement peut encore être améliorée dans la partie production, pour atteindre des rendements de 90 %.

Hydrogène : quels coûts ?

1/ En termes de coût, comment se situe l’hydrogène énergie par rapport au diesel ?

Dans la mobilité, l’équation économique est aujourd’hui à l’avantage du diesel.

À la pompe, dans les projets développés actuellement, le carburant coûte entre 10 et 15 €/kg H2. Pour être compétitif, il faudrait atteindre 8 à 9 €/kg H2, si on considère uniquement le prix du carburant. En ajoutant la valeur du véhicule, et donc pour que le consommateur réalise des économies et rentabilise l’achat de son véhicule, le prix du carburant doit atteindre 5 à 6 €/kg H2.

Il y a encore un gué à franchir, qui semble possible grâce à l’industrialisation de la filière hydrogène et à la montée du prix des carburants fossiles, un phénomène conjoncturel à ne pas négliger. C’est donc une équation dynamique.

2/ Pour les usages industriels, l’hydrogène bas carbone est-il compétitif face à l’hydrogène carboné ? 1:24

Dans l’industrie, l’équation économique est encore difficile à résoudre. Le moyen de production est différent. L’hydrogène « gris » provient du méthane, qui était plutôt bon marché avant la crise du gaz. Il était alors entre 2 et 3 €/kg. En électrolyse, le prix « avant crise » est autour de 6-7 €/kg dans les projets performants. La différence doit être comblée par des progrès dans l’industrialisation de l’hydrogène et par une taxation du CO2 (soit une plus grande pression sur l’usage d’énergies fossiles). Avec la conjoncture actuelle de crise énergétique et l’inflation, le prix du gaz augmente mais celui de l’électricité aussi. Les deux coûts de production de l’hydrogène augmentent, mais pas de la même manière ; c’est à l’avantage de l’hydrogène bas carbone.

Hydrogène : quels enjeux ?

1/ Pourquoi le contexte actuel est-il favorable au développement de l’hydrogène

Il y a déjà eu de l’enthousiasme autour de l’hydrogène, notamment dans les années 2000, porté par les constructeurs automobiles.

Aujourd’hui, le contexte et le référentiel changent. On a affaire à une double contrainte carbone : raréfaction des énergies fossiles d’une part, et impact climatique d’autre part. Cela touche désormais de nombreux secteurs autres que l’automobile. Il y a donc un engouement pour l’hydrogène de la part des acteurs publics, ainsi que des industriels énergéticiens et gaziers. De plus, les crises environnementales locales (comme la qualité de l’air, entraînant la création de zones à faibles émissions) ajoutent des contraintes pour les acteurs du transport et de la mobilité, les poussant aussi vers l’hydrogène.

 

2/ Un cadre mondial est-il en place pour permettre ce développement ? 1:07

La dynamique mondiale est intéressante. Les États font actuellement la course à la « feuille de route hydrogène », à qui mettra le plus de budget. En parallèle, la dynamique industrielle propose des regroupements d’intérêt des gros acteurs industriels (Air Liquide, Hyundai, Toyota, etc.), sur toute la chaîne de valeur, à l’image de l’association Hydrogen Council. Ces regroupements réalisent des études, qui montrent notamment qu’à l’horizon 2050, un peu moins de 20 % de l’énergie finale consommée au quotidien (sous forme de mobilité, d’énergie) le sera sous forme d’hydrogène.
L’Agence internationale de l’énergie, orientée vers les énergies fossiles et nucléaire au départ, a bien compris l’enjeu de l’hydrogène et son lien avec les énergies renouvelables. Dans son récent rapport, consacré en partie à l’hydrogène, elle affiche la nécessité de l’intégrer au mix mondial dans le développement des énergies renouvelables.

3/ Aujourd’hui, comment est fabriqué l’hydrogène et pour quels marchés ? 2:34

Aujourd’hui, malgré les dynamiques en cours, l’hydrogène est avant tout utilisé dans l’industrie (pétrochimique, engrais, traitements thermiques), et son usage n’est pas encore répandu dans les mobilités (moins de 1% de la consommation).

L’hydrogène à usage industriel est encore aujourd’hui produit à partir de méthane et de charbon. 90 % de l’hydrogène consommé est donc issu de sources fossiles. L’électrolyse (production à partir d’eau et d’électricité provenant de sources renouvelables ou bas carbone) ne représente que quelques pourcents dans le mix de production de l’hydrogène.

4/ Quels sont les enjeux de son développement ? 3:47

Le plus gros enjeu est de massifier la production d’hydrogène renouvelable à usage industriel. La production actuelle d’hydrogène représente en effet 2 à 3 % des émissions de CO2 à échelle mondiale. Il y a donc un véritable enjeu de décarbonation de cette production, pour aller de l’hydrogène gris vers un hydrogène « vert » (bas carbone et renouvelable). En parallèle, l’autre enjeu va être de développer de nouvelles mobilités, de se passer du pétrole pour aller vers des modèles hydrogène. Cette transition sera plus échelonnée, à horizon 2030.

Article témoin : Énergie

Crise énergétique et géopolitique, impact environnemental, réglementation…, notre monde est soumis à de multiples enjeux qui l’obligent à revoir la disponibilité des ressources énergétiques et leur utilisation. L’industrie, pour sa part, est par ailleurs confrontée au double défi d’assurer sa croissance tout en préservant l’environnement. Dans ce contexte, il est indispensable d’être en mesure d’imaginer et développer des sources d’énergie propre et durable, capables de participer à la décarbonation de l’économie sans nuire à la compétitivité des entreprises.

L’hydrogène apparaît aujourd’hui comme une ressource susceptible de relever ces défis, à condition que sa production et ses usages soient respectueux de l’environnement. Il est déjà possible de produire de l’hydrogène de manière vertueuse. Cependant, son stockage et, consécutivement, son transport sont compliqués par la nature même de ce gaz qui nécessite des conditions précises de température et de pression. L’hydrogène étant très inflammable, voire explosif sous certaines conditions, son stockage en toute sécurité constitue donc un autre enjeu.

Pour résumer, pour une utilisation pratique, sûre et respectueuse de l’environnement, il convient de développer des méthodes de stockage performantes, fiables et peu coûteuses.

Le stockage sous forme solide dans des hydrures métalliques constitue, pour sa part, une piste très prometteuse en la matière. Parmi ces matériaux, une nouvelle classe d’alliages affiche des performances très intéressantes : les alliages multi-élémentaires, autrement appelés « à haute entropie ». Les possibilités de composition de ces alliages étant nombreuses, il conviendra de déterminer lesquelles devront être privilégiées au regard de leurs possibles capacités, de leurs propriétés ou encore de leur stabilité.

Vous avez envie d’en savoir sur ces nouveaux alliages et leurs performances ? Les éditions Techniques de l’Ingénieur vous invitent à découvrir gratuitement toute la richesse des bases documentaires en vous proposant le téléchargement gratuit d’un dossier témoin.

Découvrez ainsi le thème Énergie avec l’article témoin : « Nouveaux matériaux pour le stockage de l’hydrogène – Alliages métalliques multi-élémentaires hydrurables » de Claudia Zlotea, en téléchargement gratuit.