L‘accroissement de l’utilisation des matières plastiques dans des applications de haute technicité requiert une connaissance approfondie des procédés de fabrication de ces objets et une meilleure adéquation des matériaux aux techniques de transformation. Cette démarche d’optimisation, voire de sélection, d’un matériau corrélativement à un procédé invite à considérer la facilité de transformation comme une propriété à part entière des matériaux. Dans le cas des polymères, mis en œuvre dans un état malléable obtenu par élévation de la température (polymère thermoplastique) ou à partir d’un état liquide avant polymérisation (polymère thermodurcissable), cette propriété est caractérisée par le comportement rhéologique à l’état fondu ou liquide. Si le traitement des problèmes peut être réalisé dans bien des cas en considérant le polymère fondu comme un fluide visqueux, la compréhension d’un certain nombre de phénomènes relève du domaine de la viscoélasticité.
Le terme de viscoélasticité sera défini comme caractérisant un comportement mécanique particulier intermédiaire entre le comportement d’un solide idéal dit hookéen et celui d’un liquide idéal dit newtonien. On verra dans cet article que cela revient à considérer que les propriétés mécaniques observées sont, de façon générale, dépendantes du temps (ou de quantités dérivées) et de la température. Cette spécificité conduit à observer pour les polymères, dans des conditions de température où le matériau est couramment qualifié de fondu, un certain nombre de phénomènes typiques du comportement des matériaux hautement élastiques.
Les notions et les méthodes développées dans ce texte traitent plus particulièrement du comportement viscoélastique linéaire des polymères fondus, caractéristique fondamentale du comportement rhéologique particulier de ces matériaux. Elles sont, en tout état de cause, limitées au cas où la relation entre contrainte et déformation est linéaire : un doublement de la déformation entraîne un doublement de la contrainte. Cela revient à considérer que les modules observés, rapports de la contrainte à la déformation, ne sont pas fonction de l’amplitude de celle-ci. Cette condition est très limitative, le formalisme et les concepts développés en viscoélasticité linéaire ne pouvant être appliqués que dans le cas des faibles déformations ne dépassant pas quelques pour cent.
La compréhension des phénomènes et des comportements rhéologiques observés dans un outillage de transformation relève évidemment du domaine de la rhéologie en situation de grande déformation. Toutefois, si les principes de la viscoélasticité linéaire ne sont pas directement applicables en termes de modélisation des procédés où interviennent de grandes déformations, ils forment l’ossature du développement des concepts propres à la viscoélasticité non-linéaire qui fera l’objet d’un autre article et de lois de comportement associées beaucoup plus complexes. L’utilisation de ces modèles requiert néanmoins systématiquement la connaissance du spectre des temps de relaxation ou de la fonction mémoire, reflets du comportement viscoélastique linéaire.
D’un point de vue physique, le comportement viscoélastique observé n’est que la traduction des mouvements moléculaires au sein du matériau dont les temps caractéristiques sont de l’ordre de grandeur de celui du temps de l’expérience. On peut donc envisager l’existence d’une relation biunivoque entre ces aspects physiques et c’est l’objet de la dynamique moléculaire des polymères fondus.
Au-delà de ses aspects théoriques, l’établissement de ces relations permet d’envisager la prévision du comportement rhéologique pour une microstructure donnée (caractérisée pour les polymères par l’architecture de la macromolécule et par la distribution des masses moléculaires) et représente, pour le producteur de matière, une aide à la création de matériaux présentant des comportements rhéologiques optimisés. La rhéologie dans le domaine viscoélastique linéaire peut aussi, par là même, devenir un outil supplémentaire d’analyse des structures.
De même, la sensibilité des mesures en viscoélasticité linéaire aux modifications de microstructure permet l’analyse de systèmes évolutifs (polymère en cours de réticulation). Appliquée à des systèmes contenant plusieurs phases (mélanges ou polymères chargés), elle permet de mieux caractériser la morphologie et l’interface entre les composants.