La capacité d’un canal radio tel qu’étudié par Shannon en 1948 est connue et des solutions existent pour l’atteindre. La question peut alors se poser sur l’intérêt qu’il faut porter à la couche physique et à l’architecture matérielle des systèmes de communication. Cependant l’évolution des réseaux de capteurs vers l’Internet des objets crée la nécessité d’une nouvelle compréhension de ces systèmes et apporte une contrainte très forte sur la consommation énergétique.
Depuis quelques années, les premiers réseaux de capteurs sont déployés sur de grandes échelles. Si le premier réseau de capteurs date de 1969 (capteurs sismiques utilisés par l’armée américaine au Vietnam) on peut compter à l’heure actuelle près de 10 milliards d’objets communicants (pas uniquement les capteurs) et l’étendue des champs d’application laisse penser que ce nombre va croître très rapidement : villes et bâtiments intelligents, véhicules, catastrophes naturelles et secours, autonomie des personnes âgées, inventaires... La figure 1 illustre une application des réseaux de capteurs dédiée au suivi du vieillissement d’infrastructures.
Les réseaux de capteurs sans fil permettent de collecter des données, de les traiter localement ou de les transmettre à des centres qui les géreront. Mais les contraintes des communications diffèrent de ce que l’on a fait jusqu’à maintenant :
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la durée de vie des nœuds doit être grande pour assurer une durée de vie du réseau suffisamment longue (années, décennies) sans pour autant devoir changer les piles ;
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la densification des réseaux nécessite une grande robustesse, en particulier aux interférences dont la densité de probabilité n’a pas nécessairement la classique allure gaussienne.
L’efficacité spectrale est le nombre de bits d’information que l’on peut transmettre par seconde et par Hertz. Une solution simple pour améliorer l’efficacité spectrale est d’augmenter la puissance du signal transmis : plus celui-ci sera fort, moins il sera sensible au bruit, et plus la transmission sera efficace. Il semble clair pourtant qu’augmenter la puissance d’émission présente beaucoup d’inconvénients et a ses limites. Les recherches en communication sans fil ont permis de concevoir des stratégies de communication (modulation, codage en particulier) qui permettent (presque) de faire ce que l’on peut faire de mieux (capacité sur bande passante comme Shannon nous l’avait annoncé en 1948). Sauf que les contraintes énergétiques et la densification des réseaux voudraient que l’on exprime l’efficacité en bits par seconde par Hertz mais aussi par Joule et par mètre !
De ce fait, la définition du hardware et de l’accès au canal radio n’est plus conçue exclusivement pour l’efficacité spectrale, mais également, et de plus en plus, pour l’efficacité énergétique. C’est une modification profonde dans la conception même des réseaux et des communications. Les systèmes commercialement disponibles de nos jours tels que Zigbee fonctionnent dans les bandes de fréquence ISM (industrielle, scientifique et médicale). Ces bandes, si elles ne le sont pas déjà, commencent à saturer et risquent de ne pas permettre de transmettre la quantité souhaitée de données. Certaines fonctionnalités sont également limitées dans ces bandes telles que la géolocalisation.
Cet article discute les différentes solutions pour des applications ultra basse consommation. Nous ne parlerons pas ici de « communications vertes » bien que ce soit tentant, mais la très basse consommation est plus un besoin égoïste du réseau pour s’assurer une longue durée de vie qu’une visée écologiste. Nous présenterons tout d’abord le standard IEEE 802.15.4 qui définit les couches physique et MAC (couche 1 et 2 du modèle OSI) adaptées à la basse consommation. Plutôt que de détailler le standard, nous essayons d’expliquer ce qui détermine les choix qui ont été faits pour assurer la faible consommation. Il nous semble que cette compréhension est nécessaire pour ne pas déployer les réseaux sans une connaissance minimale des enjeux au niveau radio, et donc sans commettre des erreurs qui pourraient tout simplement empêcher le fonctionnement du réseau. Nous discutons ensuite les architectures matérielles, celles proposées sur le marché et d’autres qui permettront de supporter l’énorme croissance attendue de la quantité de données transmises. Nous nous intéresserons tout particulièrement à des solutions possibles dans la bande millimétrique qui pourraient permettre de pallier la trop grande occupation des bandes ISM en dessous de 3 GHz. Enfin, nous discuterons d’une problématique et d’une solution cruciales pour le développement de ces technologies : l’interférence et la coopération.