Cet article est une introduction à l’analyse spatiale pour l’épidémiologie et la géographie de la santé. Il a pour but de décrire les objectifs, les concepts, les méthodes et techniques disponibles dans ce domaine. Il s’adresse aux étudiants et aux professionnels de la santé publique, épidémiologistes, inspecteurs de la santé publique, géographes de la santé, spécialistes des rapports santé-environnement, que ce soit en santé humaine ou en santé animale. Il s’adresse également à tous ceux qui souhaitent une introduction aux méthodes générales de l’analyse spatiale.
L’analyse spatiale inclut toute technique qui étudie des objets et leurs relations en utilisant leurs propriétés topologiques ou géométriques. Cette définition est très générale et s’applique à de nombreux domaines : l’analyse spatiale est utilisée depuis de nombreuses années en géographie, en épidémiologie, mais également en biologie, en botanique, pour le traitement d’image, pour l’analyse de réseaux, dans l’électronique, en chimie, en climatologie, en hydrologie, en économie...
En épidémiologie (étude des facteurs influant sur la santé et les maladies dans une population) et en géographie de la santé (analyse géographique du système de santé et de la distribution spatiale des maladies), le terme d’analyse spatiale est utilisé pour décrire les techniques d’analyse appliquées aux « objets » décrits par l’épidémiologie ou la géographie, dès lors qu’ils sont localisés dans l’espace (les individus, les vecteurs, les réservoirs, les populations, les territoires, l’environnement naturel, l’environnement urbain, etc.). Est exclu ce qui se passe « dans » le malade (dans l’organe, dans la cellule, ou au niveau de la biologie de l’agent pathogène). Par exemple, cet article ne traite pas d’imagerie médicale et des techniques associées de traitement d’image, même si certaines de ces techniques sont parfois très proches de celles que nous décrirons.
Les phénomènes de santé sont rarement distribués de façon aléatoire dans l’espace. En effet, un phénomène de santé comporte bien souvent des facteurs de risques liés à des facteurs géographiques, à des facteurs environnementaux, aux relations spatiales entre les individus. Utiliser la localisation est donc fondamental dans l’analyse et la compréhension des phénomènes de santé et de leurs mécanismes : en prenant en compte les relations et interactions spatiales entre les acteurs de la maladie – vue comme un système complexe – l’analyse spatiale permet de mieux identifier et comprendre les mécanismes et les processus qui sous-tendent les phénomènes. L’analyse spatiale en épidémiologie offre ainsi des éléments qui permettent de consolider l’épidémiologie « classique » et d’enrichir la démarche des autres disciplines, et notamment de la géographie de la santé. Elle inclut l’analyse cartographique, la recherche de caractéristiques géométriques et spatio-temporelles, l’analyse de la continuité spatiale d’une valeur, la recherche d’agrégats, etc.
Dans le domaine de la santé, l’analyse spatiale n’est pas seulement utilisée pour des études en épidémiologie ou en géographie. Elle intervient également au niveau des politiques publiques, avec le développement de nouvelles applications en santé publique : systèmes d’alerte, systèmes de gestion de crises, systèmes de prévention et d’analyse de risques, préparation de campagne de vaccination.
L’utilisation de l’analyse spatiale dans le domaine de la santé s’est fortement accrue ces dernières années avec le développement de la géomatique et des systèmes d’information géographique (SIG). L’analyse spatiale bénéficie, comme dans d’autres domaines d’application, du développement des SIG et de la disponibilité grandissante de données géographiques, même si la qualité de ces données est encore souvent insuffisante. Il est difficile, sinon impossible, de ne pas utiliser un SIG pour gérer, transformer, manipuler, analyser, représenter l’information spatialisée. De nombreux logiciels sont facilement disponibles, que ce soit dans l’offre commerciale ou dans le domaine public (ArcGIS, QGIS, MapInfo, etc.). Le logiciel SIG utilisé pour illustrer cet article (SavGIS) et des exemples complets sont ainsi disponibles en téléchargement sur le site internet de SavGIS.
L’accent est mis dans cet article sur l’utilisation pratique des méthodes plutôt que sur les aspects théoriques de l’analyse spatiale, qui sont parfois complexes et que le lecteur pourra approfondir grâce à la bibliographie présentée à la fin de l’article. Néanmoins, les concepts généraux sur lesquels s’appuie la démarche sont présentés en cherchant toujours à expliquer les principes – qui, eux, sont souvent simples – utilisés dans telle ou telle méthode d’analyse, le plus clairement possible et en langage courant afin d’éviter si possible un jargon trop statistique.
Le premier chapitre présente les concepts généraux de l’analyse spatiale pour l’épidémiologie. Le second chapitre liste les types de données disponibles. Le troisième chapitre présente les méthodes de cartographie et de synthèse visuelle. Les paragraphes suivants sont consacrés aux méthodes d’analyse spatiale utilisées en épidémiologie et en géographie de la santé.