Depuis les années 1980 et l'apparition de moyens de communication innovants (Internet, téléphonie mobile), associés à de nouveaux supports de transmission de l'information (photons proche infrarouge transportés par fibre optique, micro-ondes), le développement de nouvelles filières de composants optoélectroniques à haut débit est devenu un défi majeur pour les industries et les services associés à ces nouvelles technologies. Pour obtenir des débits d'information de plusieurs dizaines de Gbits/s, chaque type de composant (sources, détecteurs, modulateurs, commutateurs, multi/démultiplexeurs, amplificateurs) a dû être optimisé à chaque étape de sa mise au point. Il s'agit d'abord de choisir un ou des matériaux offrant un compromis acceptable en termes de rapport efficacité/coût de fabrication, puis de développer des techniques d'élaboration compatibles avec une production en série et économiquement pertinentes, jusqu'à la mise en place d'architectures compatibles avec l'insertion du composant dans un circuit de communications optiques.
Pour chacune des principales fonctions intervenant dans un réseau de télécommunications optiques, on a ainsi sélectionné des matériaux spécifiques, à partir desquels une filière industrielle s'est mise en place. Par exemple, les semi-conducteurs III-V constituent l'essentiel des sources laser et des détecteurs à 1,55 μm ; les amplificateurs optiques utilisent des fibres de silice dopées par des ions erbium, ou des matériaux semi-conducteurs ; les modulateurs et commutateurs optiques peuvent être élaborés à partir de semi-conducteurs (mettant en jeu le phénomène d'électroabsorption) ou de matériaux non linéaires utilisant l'effet électro-optique, comme le niobate de lithium ou les polymères.
Si les performances actuelles de chacun des composants précités sont suffisamment éprouvées pour permettre un développement considérable des communications optiques et micro-ondes, certains aspects restent à améliorer : l'encombrement (notamment pour les amplificateurs à fibre), le coût de fabrication (par exemple pour les modulateurs à niobate de lithium) et, de manière plus globale, l'intégration de tous ces éléments sur des circuits compacts et multifonctionnels.
L'objectif de cet article n'est pas de passer en revue l'ensemble des solutions technologiques envisagées pour la fonction de modulation électro-optique. Nous nous limiterons, d'une part, au niobate de lithium qui est utilisé actuellement, dans la production industrielle, pour assurer la fonction de modulation électro-optique et, d'autre part, aux matériaux polymères. Les matériaux polymères s'avèrent des plus prometteurs, de par leur compatibilité avec une modulation à très haut débit, associée à un facteur de mérite élevé, et la possibilité d'une production de masse à bas coût, via les techniques de moulage et d'impression de circuits optoélectroniques facilitées par les propriétés thermoplastiques de ces matériaux.
Une première partie présentera les phénomènes physiques à l'origine de la fonction de modulation, en particulier électro-optique, et quelques exemples de composants génériques associés. Il conviendra également de préciser le « cahier des charges » requis pour la mise au point de composants électro-optiques dépassant les performances actuelles des modulateurs à niobate de lithium. Une deuxième section sera consacrée au niobate de lithium, afin de rappeler les principales étapes de la technologie sous-jacente et les performances techniques et économiques des dispositifs actuellement présents sur le marché. Ce rappel servira de référence pour une troisième partie, consacrée aux matériaux polymères électro-optiques et à leur optimisation, depuis la molécule jusqu'à l'architecture du composant, en passant par les différentes étapes d'élaboration du matériau et des guides optiques. En conclusion, les perspectives de ces matériaux seront brièvement évoquées par rapport à l'état de l'art, notamment via une nouvelle filière hybride associant matériaux polymères et architectures à base de silicium.