Le principe de la compatibilité électromagnétique (CEM) consiste à permettre le fonctionnement correct et optimal de tout dispositif électrique en présence d’autres, chacun étant en fonctionnement nominal. Autrement dit, c’est le droit pour chacun de « vivre » sans « gêner » son voisin. De cette définition découlent trois pôles d’intérêt : l’étude des sources de perturbations, l’étude des couplages et, enfin, l’étude de l’impact des perturbations sur une « victime », domaine de la susceptibilité électromagnétique (SEM). Dans cet article, nous appliquons cette problématique au domaine de l’électronique de puissance. L’article CEM en électronique de puissance- Réduction des perturbations, simulation sera consacré aux méthodes de réduction et à la simulation.
Le fonctionnement d’un convertisseur statique est intrinsèquement polluant, les grandeurs électriques étant fortement variables, sur des durées très courtes (1 µs à 10 ns), avec de fortes amplitudes (de l’ordre du kilovolt et du kiloampère) et des fréquences pouvant être élevées (100 Hz à 1 MHz). Plus que leur amplitude, ce sont surtout les dérivées de ces grandeurs qui sont à l’origine des perturbations électromagnétiques. En effet, tous les phénomènes de couplage s’opèrent proportionnellement à la dérivée d’une grandeur électrique.
Si l’on observe les perturbations électromagnétiques émises par un convertisseur statique sur une échelle de fréquence, comme il est représenté ci-après, on constate qu’elles s’échelonnent sur 7 décades. En effet, chaque étage de conversion contribue à perturber sur une plage fréquentielle dépendant de sa fréquence de commutation, le redresseur d’entrée jusqu’à quelques 10 kHz, l’étage à commutation HF jusqu’à quelques mégahertz et les phénomènes liés aux transitions de commutation (résonances, excitation des modes propres) jusqu’à quelques dizaines de mégahertz.
Par ailleurs, la diffusion des convertisseurs statiques dans les équipements « grand public » multiplie les sources de pollution. Le problème de la CEM en électronique de puissance va donc consister, en agissant sur les caractéristiques temporelles des signaux, à limiter leur étendue spectrale ou à tenter de confiner dans le convertisseur tous les effets parasites indésirables.
Les travaux qui sont présentés dans cet article reflètent un double souci : la compréhension et l’analyse des phénomènes parasites, afin de mieux les contrôler et réduire leurs effets néfastes, mais également la recherche de solutions et de règles de conception applicables industriellement, dans la perspective très contraignante des normes CEM auxquelles doivent satisfaire tous les appareils électriques dans la CEE (Communauté économique européenne) depuis le 1er janvier 1996.
Le propos de cet article se situe dans le domaine de la conversion statique ; aussi, les critères de rendement constituent évidemment un impératif incontournable. Toutefois, nous avons voulu montrer que cet impératif doit être complété par le souci de conversion d’énergie « propre » qui élargit le concept de qualité de conversion.
Le domaine considéré concerne les convertisseurs à haute fréquence (gamme 10 kHz-1 MHz), de moyenne puissance (< 10 kW) isolés ou non. Cette catégorie se situe dans un large domaine d’applications à forts niveaux de perturbations, compte tenu de la très faible durée des commutations en tensions et courants d’amplitudes élevées (quelques 100 A, 1 000 V). La gamme fréquentielle d’étude s’étend de la dizaine de kilohertz à la centaine de mégahertz pour les phéno-mènes conduits et rayonnés. Les concepts résultant des analyses proposées sont transposables à d’autres catégories de convertisseurs.
Nous avons écarté de cette présentation le domaine des basses fréquences (harmoniques réseau, effet Flicker).
Les travaux sur la CEM en électronique de puissance ont débuté au milieu des années 1980. Les mondes industriels et universitaires se montraient préoccupés par le problème des perturbations, car les performances de commutation des composants s’étaient considérablement accrues [émergence de l’IGBT (Insulated Gate Bipolar Transistor), large diffusion du MOSFET (Metal Oxide Silicon Field Effect Transistor)], de même pour les fréquences de commutation et que les niveaux de pollution électromagnétique. Par ailleurs, on assistait à une diffusion rapide et diversifiée des équipements intégrant de l’électronique de puissance, tant dans le domaine professionnel et militaire (variation de vitesse, chauffage, contrôle de l’énergie) que « grand public » (domotique, automobile, ordinateurs, etc.). Par conséquent, les normes d’émissivité ont été rendues progressivement plus sévères. Ces deux contraintes ont amené les industriels à envisager ces aspects dès la conception de leurs équipements.
Dans un second temps, l’intérêt a semblé quelque peu s’émousser, car des solutions essentiellement basées sur un renforcement des fonctions de filtrage et de blindage ont été adoptées. Il est apparu plus simple de filtrer globalement que de concevoir selon des critères minimisant les perturbations électromagnétiques. Ce type de solution a toutefois dégradé la compacité et le coût des systèmes. Cependant, comme dans bien d’autres domaines, l’intérêt de pouvoir simuler le comportement d’un convertisseur en terme de CEM a toujours été très fort.
De nos jours, l’intérêt pour la CEM est à nouveau d’actualité. En effet, de nombreux convertisseurs commutent directement sur le réseau (absorbeur sinusoïdal, convertisseurs pour éclairage, etc.). Le respect des normes requiert alors des filtres plus complexes, donc volumineux et coûteux. La conception intégrant les critères CEM s’affirme d’autant plus nécessaire.