La production viticole mondiale représente 7,5 millions d’hectares pour un marché économique de 31 milliards d’euros (2019). La viticulture constitue donc un secteur stratégique de l’économie agricole pour les principaux pays producteurs. En France, la filière viticole représente 750 000 hectares, soit 10 % de la surface mondiale de vignes de cuve. Avec 17 % de la production mondiale et 13 milliards d’euros de chiffre d’affaire à l’export, la France se classe comme deuxième producteur après l’Italie (19 %) et premier exportateur. Cette filière constitue ainsi le principal guichet des exportations françaises mais également un des principaux consommateurs de produits phytosanitaires et de mécanisation.
La viticulture, comme le monde agricole de façon générale, fait actuellement face à deux grandes évolutions : le changement climatique et la transition agroécologique. En partie causé par l’intensification des activités industrielles, agricoles et urbaines, le changement climatique constitue une contrainte supplémentaire à prendre en compte dans la gestion de la production viticole. Le climat est un déterminant local majeur de la qualité des baies et de la pression sanitaire causée par les ravageurs (Mildiou, Esca, etc.). La transition agroécologique, quant à elle, vise à rendre plus durable une agriculture devenue intensive dans l’après-guerre, en alliant des leviers issus de l’agronomie et de l’écologie. L’enjeu de cette transition est de satisfaire à un ensemble de défis qui concernent l’autonomie alimentaire, la rentabilité économique, l’évolution des attentes sociétales, les qualités sanitaires et environnementales, la préservation du patrimoine et l’innovation technique.
S’adapter au changement climatique et adopter la transition agroécologique sont ainsi deux conditions incontournables pour assurer la durabilité économique et environnementale des productions de la filière viticole. En tant que support des productions, réservoir majeur de biodiversité et moteur de la régulation de l’eau, de l’air et des ressources nutritives, le sol est un maillon fondamental de la chaîne de valeur pour atteindre ces objectifs. La qualité du sol et sa bonne gestion constituent ainsi un bras de levier central pour tendre vers une viticulture durable. La qualité d’un sol est déterminée par ses composantes chimique, physique, pédologique, agronomique et biologique. Les quatre premières composantes sont historiquement mesurées et interprétées comme des effets « terroirs » ou des leviers agronomiques, mais la qualité biologique des sols viticoles souffre d’un manque de connaissances. Ces lacunes constituent un frein à la compréhension, à l’interprétation et à l’intégration de la biologie du sol comme levier d’action dans les systèmes innovants et elle reste souvent négligée.
Alors que la viticulture est régulièrement pointée du doigt en raison de l’intensité des traitements et de l’entretien qu’elle nécessite pour le maintien des plantes sur le long terme, la question de l’impact des pratiques viticoles demande à être rationnalisée. Pour aller au-delà des expérimentations dont les résultats sont dépendants du contexte, nous avons réalisé une synthèse des connaissances issues de la recherche académique. Cette étude bibliographique la plus exhaustive possible sur la qualité biologique des sols viticoles à l’échelle mondiale a permis d’identifier les pratiques et les groupes biologiques pour lesquels des connaissances sont déjà disponibles, d’évaluer la robustesse et la généricité des conclusions et enfin de mettre en évidence les manques et les lacunes qui nécessiteraient un effort de recherche particulier. Cet article présente les résultats de cette synthèse de la littérature et de la méta-analyse des données qui en sont issues, publiés respectivement en anglais et en français dans « Environmental Chemistry Letters » (Karimi et al. 2020 ) et dans « Étude et Gestion des Sols » (Karimi et al. 2020 ).