Dans l'industrie pétrolière et chimique (mais pas uniquement), il est courant d'avoir recours à la liquéfaction des gaz. Ce procédé permet, à volume identique, de stocker ou de transporter de plus grande quantité d'un produit. La liquéfaction nécessite d'abaisser la température du gaz sous sa limite d'ébullition (liquéfaction par refroidissement) et/ou d'augmenter sa pression pour aller au-delà de sa pression de saturation (liquéfaction par compression). Ainsi, la liquéfaction du gaz naturel, par exemple, se fait généralement par abaissement de la température, alors que pour des produits comme le butane ou le propane, on favorise généralement la solution du stockage pressurisé. Un stockage pressurisé est relativement simple à mettre en œuvre et permet de stocker le liquide dans des sphères ou des réservoirs cylindriques dédiés, mais aussi de les transporter par wagon, camion-citerne ou navire.
L'un des inconvénients majeurs de ce mode de stockage est le risque de BLEVE (acronyme pour Boiling Liquid Expanding Vapour Explosion). Le BLEVE est l'un des phénomènes les plus graves pouvant être rencontrés en situation accidentelle. Il résulte d'une perte de confinement particulière du réservoir. Son occurrence peut potentiellement générer à la fois des effets mécaniques (surpression), des projections affectant l'environnement sur plusieurs centaines de mètres et aussi, selon le produit stocké, des effets thermiques (rayonnement de la boule de feu) et des effets toxiques. Il est aussi source d'effets dominos par ses caractéristiques. Une simple analyse de l'accidentologie suffit à se convaincre du potentiel de destruction d'un BLEVE. Ainsi, les 80 BLEVE majeurs s'étant produits entre 1940 et 2005 ont fait plus de 1 000 victimes, en ont blessé plus de 10 000 et ont généré des milliards d'euros de dégâts. Il convient aussi de signaler qu'une grande majorité des BLEVE a eu lieu pendant les phases de transport, ce qui signifie que le risque n'est pas limité à l'environnement proche des sites de stockage ou de production.
Dans une optique de maîtrise du risque industriel, il est donc indispensable de savoir caractériser les effets d'un tel phénomène. Pour autant, et bien qu'il fasse l'objet de nombreuses recherches et publications, notre compréhension des différents mécanismes du BLEVE reste aujourd'hui insuffisante pour pouvoir proposer une méthode définitive et univoque de modélisation de ces effets. La problématique est d'autant plus complexe que les effets générés sont de natures différentes (mécaniques, thermiques...) et font appel à des méthodes de modélisation spécifiques. L'objectif de cet article est ainsi d'apporter un éclairage sur le phénomène de BLEVE et surtout de faire un état de l'Art des principales approches de modélisation aujourd'hui utilisées dans l'industrie, approches qui reposent très souvent sur des observations empiriques ou des analyses d'accident.