La panne de courant généralisée dans la péninsule ibérique, fin avril dernier, a été analysée par le groupement des gestionnaires de réseaux européens. Leur rapport factuel confirme les premières analyses… mais laisse la cause initiale encore en suspens.
Fin avril 2025, on se souvient que le black-out en Espagne et au Portugal a fait couler beaucoup d’encre, chacun y allant de son commentaire sur l’origine de l’événement. Comme prévu, les gestionnaires de réseaux européens regroupés dans ENTSO-E, ont effectué une enquête et ont publié récemment leur rapport factuel. Il sera suivi dans quelques mois du rapport final, le seul qui sera en mesure de fixer la cause initiale de la panne généralisée.
Le travail d’analyse a été mené par 45 experts, sous la direction de deux experts de gestionnaires de réseaux de transport (GRT) d’électricité européens non concernés par l’événement, Klaus Kaschnitz (Autriche) et Richard Balog (Hongrie). Les GRT espagnol (RE), portugais (REN) et français (RTE) ont participé activement pour fournir et analyser les données.
Ce rapport factuel établit rigoureusement le déroulement des faits, reconnaissant d’emblée que ce black-out est l’incident le plus sérieux que le système électrique européen ait vécu depuis 20 ans. Selon l’échelle de classification des incidents utilisée par les experts, cette panne dans la zone ibérique a atteint le niveau 3, le plus élevé.
Un effondrement en une minute
La description des faits correspond aux premiers éléments qui avaient été mis en avant quelques jours après le black-out. Elle différencie les situations avant et pendant la panne généralisée, ainsi que les mesures de restauration du courant. En voici les grandes lignes.
Le 28 avril 2025, avant le black-out, la production électrique espagnole est largement excédentaire grâce aux centrales renouvelables, avec environ 5 GW exportés. Aucune congestion n’est à remarquer, l’équilibre offre-demande est assuré et il n’y a pas de situation à risque sur le réseau. De 9h à 10h30, le voltage sur le réseau 400 kV-50 Hz espagnol commence à augmenter jusqu’à frôler 435 kV. Avant 12h03, aucune oscillation significative de fréquence au-delà de 20 mHz n’est détectée. De 12h03 à 12h22, deux vagues d’oscillations ont lieu en Europe, respectivement de 0,63 et 0,21 Hz, la première affectant d’abord l’Espagne et le Portugal. Quelques mesures des GRT permettent alors de revenir en dessous de 420 kV et moins de 20 mHz d’oscillations.
À 12h32, heure officielle de début de l’incident, 208 MW d’éolien et de photovoltaïque dans le nord et le sud de l’Espagne sont brutalement perdus du réseau de transport, en moins d’une minute. Simultanément, et pour une raison encore inconnue, le réseau de distribution subit une hausse de 317 MW. Dans les vingt secondes qui suivent, c’est l’emballement, des déconnexions majeures se produisent dans plusieurs régions (Grenade, Badajoz, Séville, Ségovia, Huelva, Caceres) à hauteur d’au moins 2 000 MW. Touchant seulement l’Espagne et le Portugal à cet instant, le phénomène conduit à une hausse du voltage dépassant 460 kV et à une chute de la fréquence, démarrant ainsi la perte de synchronisme avec le reste de l’Europe, malgré des actions automatiques de sauvegarde, dont la déconnexion du réseau marocain et du réseau français.
La coupure totale de courant est effective à 12h33 et 24 secondes. Chaque GRT concerné engage alors les procédures de restauration prévues selon la réglementation. Le démarrage de centrales hydroélectriques et à cycles combinés gaz, en Espagne et au Portugal, ainsi que les reconnexions avec les réseaux marocains et français permettent petit à petit de remettre sur pied le système électrique ibérique tout au long de l’après-midi. Certaines zones restent temporairement isolées et demandent un peu plus de délais pour bénéficier de nouveau d’électricité, mais l’essentiel est fait avant 20h. La restauration du système est considérée comme complète à 00h22 au Portugal et à 4h en Espagne.
Dès la nuit (pour l’éolien) et le matin du 29 avril (pour le solaire photovoltaïque), les productions renouvelables ont pu reprendre, participant à la reprise du système.
En attente du rapport final
En l’état, le rapport factuel d’ENTSO-E laisse pour la suite la détermination de la cause initiale des perturbations et de la façon dont la gestion du voltage a été conduite. Se pose notamment la question de la possibilité pour les centrales solaires de délivrer le réactif qu’elles sont en capacité de fournir. Le comportement de certains acteurs sera également analysé, tant du côté de la production (y compris pour les petites installations connectées au réseau de distribution) que des GRT.
D’ici la publication du rapport final, les discussions entre professionnels vont continuer pour savoir ce qui a pu engendrer ce black-out, même s’il se dit déjà en coulisse qu’un des éléments déclencheurs serait des tests de conduite inadéquats par un producteur sur une centrale photovoltaïque… Si tel était le cas, l’ENTSO-E ne manquerait pas de le relever et d’établir des recommandations pour la gestion des parcs de productions et la réponse à des défauts de voltage, en vue de rendre plus sûr l’essor des énergies renouvelables électriques.









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